Réforme de la zone euro  : Bruxelles s'apprête à dérouler le menu d'options

Quel parlement pour quel budget en zone euro ? Peut-on alléger la dette des Etats sans la transférer sur d'autres ? Comment éviter la panique en cas d'effondrement d'un secteur bancaire national ? Ce sont quelques-unes des questions que la Commission européenne mettra sur la table demain.
Florence Autret
L'eurodéputé (PS) Pervenche Berès redoute que les propositions de la Commission soient trop proches des positions allemandes.

Les changements à apporter au "vivre ensemble" des dix-neuf pays partageant la monnaie unique seront au centre de propositions que présentera demain la Commission européenne. Le collège des commissaires européens doit en effet adopter ce mercredi un "paquet" portant sur trois sujets clés : l'union bancaire, la convergence économique et fiscale et la démocratisation de prises de décision de plus en plus intrusives au sein de la zone euro.

Lancer le débat à Dix-Neuf

Pas question toutefois pour Jean-Claude Juncker, le président de l'exécutif européen, de proposer une solution clé en main. Non seulement le débat est trop sensible politiquement tant chez les créanciers, comme les Pays-Bas ou l'Allemagne, que chez les débiteurs : Italie, Espagne et Portugal en tête, mais de surcroît les membres de la Commission européenne sont loin d'être d'accord entre eux.

« Nous sommes dans la même logique qu'avec le papier sur les différents scenarios pour l'avenir de l'UE : Juncker met les Etats devant leurs responsabilités », anticipe la député socialiste Pervenche Berès, coauteur d'un rapport voté cet hiver sur la création d'un budget de la zone euro.

Depuis qu'en juin 2015, les présidents des cinq principales institutions de l'Union (Parlement, Commission, Conseil, Banque centrale européenne et Eurogroupe) ont proposé un calendrier de réformes à moyen terme prévoyant notamment la création d'un budget zone euro pour aider les pays en difficulté, les discussions patinent. La finalisation de l'union bancaire achoppe sur le degré de solidarité appropriée pour garantir les dépôts des banques européennes, l'Allemagne demandant un assainissement préalable des bilans particulièrement des banques du Sud de l'Europe.

Quant à l'amélioration du fonctionnement de la zone euro, elle soulève d'inextricables problèmes de souveraineté budgétaire, notamment parce que l'actuel fonds de sauvetage européen, le Mécanisme européen de stabilité, n'est pas placé sous l'autorité du Parlement et de la Commission européens mais des parlements et des ministres des finances des Dix-Neuf.

Désaccords au sein de la Commission

En 2015, elle avait reçu le feu vert des chefs d'Etat pour créer un « groupe d'experts » sur le modèle du groupe Delors qui avait porté le projet d'union monétaire sur les fonds baptismaux. Mais elle a renoncé à le faire, selon nos informations, en raison des désaccords entre le vice-président Valdis Dombrovskis et le commissaire en charge de l'euro Pierre Moscovici.

Dans  ce contexte, la Commission devrait se distinguer par sa prudence, d'autant plus qu'elle est elle-même tiraillée entre une ligne plus "allemande" privilégiant le respect des règles et les réformes structurelles et les tenants de plus de flexibilité et de l'introduction de

"L'ordolibéralisme (ndlr : autrement dit la priorité au respect des règles budgétaires) aura voie au chapitre mercredi", explique la député. Elle ajoute : "je crains que l'on transforme le MES (mécanisme européen de stabilité) en FME (fonds monétaire européen) uniquement pour sa fonction d'absorption des chocs asymétriques, en en profitant pour retirer à la Commission son rôle de surveillance budgétaire au bénéfice d'un organe "indépendant" mais sans progresser pour la convergence ou l'investissement".

Mario Draghi appelle à des changements institutionnels

Ces dernières années, le duo franco-allemand s'est abstenu de prendre l'initiative, paralysé qu'il était par les échéances électorales et le refus de part et d'autre d'ouvrir la boîte de Pandore d'un changement de traité. Les choses pourraient changer avec l'arrivée du président Macron qui a explicitement dit qu'il était prêt à lever ce tabou. A Berlin, la semaine dernière, le ministre de l'économie Bruno Le Maire a annoncé la création d'un groupe de travail avec son homologue Wolfgang Schäuble, lequel a laissé entendre qu'il était prêt à travailler sur des "transferts" entre pays de la zone euro.

Auditionné lundi par la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi a estimé qu'il était "beaucoup trop tôt pour dire quelque chose de précis sur les éventuels changements de mission" du mécanisme européen de stabilité. Mais il a également appelé de ses voeux "une convergence de plus en plus basée sur les institutions et non sur les règles comme c'est le cas aujourd'hui".

Le SPD "nerveux"

De l'autre côté du Rhin, les critiques de la politique économique du gouvernement Merkel commencent à donner de la voix. Cette semaine, l'économiste Marcel Fratzscher, qui dirige le très respecté institut de recherche économique DIW, l'a accusé de "cynisme".

"La tentative de rejeter sur les autres la responsabilité de ses propres fautes économiques est particulièrement cynique. Les excédents commerciaux de l'Allemagne ne sont pas la faute de la BCE ou de la politique économique des autres membres de la zone euro, mais celle de la politique allemande", ", écrit-il dans une tribune publiée par le quotidien Handelsbaltt, soulignant la faiblesse des investissements et l'insécurité réglementaire Outre-Rhin.

Les propositions qui seront mises sur la table demain ne se concrétiseront quoiqu'il en soit pas avant que l'Allemagne ne soit dotée d'une nouvelle majorité. D'ici là elles resteront l'otage du débat politique Outre-Rhin.

« Le SPD est très nerveux et a pu craindre que Merkel ne 'tope' avec Macron au sujet du budget de la zone euro », explique la député socialiste qui a récemment rencontré le ministre des finances allemand Wolfgang Schäuble à Berlin et reste en contact avec Martin Schulz, l'ancien président du Parlement européen et adversaire d'Angela Merkel aux élections fédérales allemandes de septembre prochain.

La chancelière sortante ayant peu de chance d'obtenir la majorité absolue, il faudra attendre plusieurs semaines, sinon plusieurs mois après septembre, pour engager le débat sur une réforme du traité créant le Mécanisme européen de stabilité et éventuellement une autre du traité sur l'Union européenne. Pendant ce temps, les autres pays de la zone euro devront faire adopter leur propre budget et mener les réformes demandées par Bruxelles dans un contexte politique difficile. L'automne risque d'être chaud.

« Il faut qu'il se passe quelque chose au Conseil européen de décembre », prévient Pervenche Berès.

Florence Autret
Commentaires 4
à écrit le 01/06/2017 à 12:19
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Madame Pervenche Berès a raison. Tout le monde, les économistes et les politiques en tête, sait que l'U.E. et l'Euro ont été élaborés dans un seul but : l'ultra libéralisme économique et financier, en faisant fi, à plusieurs reprises, des principes ...

à écrit le 31/05/2017 à 12:26
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Si on parle réforme de la zone Euro, est-ce parce qu'on publie que l'Europe aurait subi après 2009 un trou de croissance inédit depuis les années 60 ? De ce fait, la doctrine économique de l'Europe si on parle d'une magie keynésienne est-elle en Euro...

à écrit le 31/05/2017 à 8:38
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"Juncker met les Etats devant leurs responsabilités" Après avoir passé sa vie à les appauvrir via les évasions fiscales des plus riches européens Juncker fait la leçon aux états. Difficile de ne pas penser à la phrase d'Audiard avec notre UE. ...

à écrit le 31/05/2017 à 8:25
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Administrer la zone euro comme elle administre la zone bruxelloise a l'aide de recommandations, de directives et de sanctions dont les principales victimes en sont les peuples!

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