Zone euro : des déséquilibres toujours persistants

Déséquilibres internes croissants, Italie face au double piège de la dette et de la croissance faible. À quelques jours des élections européennes, les économistes de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) ont alerté sur les défis économiques qui attendent le prochain Parlement pour les cinq prochaines années.
Grégoire Normand
(Crédits : Dado Ruvic)

Vingt ans après la création de la zone euro, les déséquilibres économiques restent bien ancrés. La crise économique de 2008, les changements de rapports de force politique avec la montée des populismes, ont contribué à accroître les divisions au sein de la zone monétaire. À quelques jours des élections européennes, le président de l'observatoire, Xavier Ragot, regrette que le débat « se concentre en France sur des événements comme le Brexit [...] Or, c'est le temps long qui est inquiétant, d'ici cinq ans », a-t-il prévenu. « Il y a des questions essentielles pour les années qui viennent qui engagent l'orientation des politiques économiques et qui ne sont pas discutées » dans la campagne, a-t-il ajouté.

Face aux divergences, « l'enjeu important est l'Europe sociale avec la question du marché du travail pour faire converger l'Europe. Il faut une réflexion plus approfondie sur le salaire minimum, la portabilité des droits du travail et la réduction des inégalités, une assurance-chômage européenne ».

Lire aussi : En Europe, des inégalités encore vertigineuses

Des soldes courants toujours déséquilibrés

Les différences entre les États de l'union monétaire sont particulièrement criantes au niveau des soldes courants. Dans un précédent policy brief, les économistes du laboratoire de recherches avaient montré que « le processus de divergence des balances courantes a subi un net coup d'arrêt après 2009 et les déficits extérieurs ont disparu dans la presque totalité des pays de la zone euro ». La crise de 2008 et celle des dettes souveraines vont entraîner « une convergence ou une résorption des déséquilibres au sein de la zone euro », a expliqué Bruno Ducoudré lors d'une conférence de presse.

Mais, « c'est une résorption partielle. Il reste des divergences au sein de la zone euro et c'est une évolution asymétrique. Seuls les pays qui avaient un déficit vont réduire leur déficit alors que les pays qui avaient un excédent vont creuser leur excédent comme l'Allemagne ou les Pays-Bas. Ce constat pose des questions au niveau de la soutenabilité de la zone euro ».

Pour l'OFCE, ce déséquilibre « provient clairement de l'Allemagne et des Pays-bas ». En 2018, les prix étaient 11% trop bas en Allemagne par rapport à la moyenne de la zone euro, ce qui favorise ses exportations, alors que ceux de la France étaient 7% trop élevés. Face à cette situation, l'organisme de recherches souligne « le besoin de convergence entre les pays de l'Union européenne » et recommande « une inflation plus forte dans les pays devant perdre en compétitivité relative ».

L'Allemagne en difficulté

Pour Xavier Ragot, « le débat allemand est complexe. Il y a une volonté de reconvergence, même s'il y a une radicalisation de la droite allemande. En 2015, on ne pensait jamais que les Allemands allaient introduire un Smic à un niveau élevé. Les perspectives d'augmentation du SMIC sont assez importantes».

Face aux difficultés de l'industrie, l'Allemagne pourrait changer de stratégie commerciale.

« Deux tiers des exportations de l'Allemagne se faisaient au sein de la zone euro au moment de la création de la zone, maintenant c'est deux tiers à l'extérieur de la zone. Avec la politique commerciale de Trump, l'Allemagne devra repositionner sa machine industrielle au sein de la zone euro », a-t-rappelé.

En 2018, le moteur industriel de la première économie européenne a calé. L'adoption de nouvelles normes antipollution et le ralentissement du commerce mondial ont entraîné un essoufflement de l'industrie automobile allemande. Résultat, la croissance allemande a fortement ralenti l'année dernière à 1,5%, contre 2,1% en moyenne sur la période 2014-2017, et la Commission européenne a abaissé ses prévisions d'activité pour cette année et 2020 à 1,3% et 1,2%, contre 1,5% et 1,4% précédemment.

Le risque italien

Parmi les pays de la zone euro, la situation de l'Italie suscite particulièrement des inquiétudes. L'économie de la péninsule est confrontée au double piège de l'endettement élevé et de la faible croissance. Au niveau des finances publiques, la période qui s'étend du début des années 1980 à 1992 a vu « l'explosion de la dette publique, passée de 54% du PIB en 1980 à environ 117% en 1994 ». L'économiste Céline Antonin précise que la période de récession a entraîné « une baisse de la croissance et une charge d'intérêts qui a pesé ».

Pour la chercheuse, plusieurs facteurs peuvent expliquer ces difficultés. La première raison est que « l'industrie est spécialisée dans des secteurs à faible contenu technologique et depuis 2000, dans une concurrence accrue avec des pays à bas coûts ». Deuxième facteur, « les entreprises italiennes sont atteintes de 'nanisme'. Il y a davantage de microentreprises en Italie et sont deux fois moins productives. Ces entreprises sont spécialisées dans l'artisanat de petite taille ».

Outre la démographie d'entreprises, l'économiste met en exergue le clivage Nord-Sud toujours aussi marqué.

« II y a une baisse de la valeur ajoutée par travailleur qui a été plus forte dans le Sud que dans le Nord sachant que le niveau de productivité était déjà trois fois plus élevé dans le Nord ».

Les écarts se sont creusés et depuis 2008, « le différentiel de chômage entre le Nord et le Sud s'est accru de 25% ». Face à cette impasse, l'OFCE recommande « d'associer les investissements publics à la politique industrielle et d'exclure les investissements publics du calcul du solde structurel primaire qui sert de référence dans l'ouverture d'une procédure pour déficit excessif ».

Grégoire Normand
Commentaires 25
à écrit le 16/05/2019 à 7:08
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L'euro est une aberration économique tel qu'il est structuré aujourd'hui. La seule solution serait d'en faire une monnaie unique et non commune. Mais les Allemands et Hollandais n'ont aucune envie de mutualiste les dettes. Ainsi, c'est voué à explo...

le 27/10/2019 à 15:56
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Oui ... mais vue qu'on est dirigés par des ânes,... ça risque pas de changer de si tôt ...

à écrit le 15/05/2019 à 23:20
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Prenons le cas de deux pays qui ont chacun leur propre monnaie, l’un est économiquement performant, l’autre étant devenu économiquement bancal pour X raisons. Dans cette situation la monnaie du pays bancal se déprécie par rapport à celle du pays pe...

à écrit le 15/05/2019 à 22:22
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J'ai quitté l' EU et surtout la zone euro à cause cette métastase qu'est l'euro, une tumeur cancéreuse qui se généralise et provoque des effets dévastateurs dans tous les pays de la zone euro .

à écrit le 15/05/2019 à 17:10
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La ZE la zone en plus faible croissance du monde sur dix ans à - 2 % source LT et qui a fait perdre 56 000 euros à une génération de français source think thank allemand CEP, FREXIT courage fuyons pendant qu' il est e...

à écrit le 15/05/2019 à 13:38
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Le plus gros défi que s'est imposé l'Europe:au lieu de supprimer les postes de député UK après le brexit,ils seront redistribués entre les autres membres.Au lieu de supprimer la contribution anglaise au budget européen,ils cherchent de nouvelles t...

à écrit le 15/05/2019 à 11:27
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Bon je me lance: L'Euro n'aide pas la France, exemple une belle voiture allemande, ils en font de magnifiques, acheté aujourd'hui 40000 euros couterait (à la louche) au moins 50000 sans l'euros. En outre, nous avons une très belle politique sociale m...

à écrit le 15/05/2019 à 10:27
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Ce que ces "spécialistes" "oublient" de dire, c'est ce que tous les économistes compétents et honnêtes, et donc hors de france, ne cessent de répéter depuis un moment : la prochaine grande crise économico-financière mondiale sera provoquée par trois ...

le 15/05/2019 à 15:09
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Votre commentaire vaut bien un retour, " Faut pas vous en demander trop" car comparer économiquement y compris sur le plan dette les trois pays que vous citez est bien mal connaitre leur économie dont les bases sont très différentes. Je vous invite ...

le 15/05/2019 à 17:16
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Bon : on a affaire à un spécialiste omniscient ! Mais qui n'a rien compris au com' auquel il répond de travers. Il ne s'agit pas de comparer les dettes abyssales des trois pays les plus dangereux de la planète sur le plan macro-économique, mais bien ...

à écrit le 15/05/2019 à 10:27
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Ce que ces "spécialistes" "oublient" de dire, c'est ce que tous les économistes compétents et honnêtes, et donc hors de france, ne cessent de répéter depuis un moment : la prochaine grande crise économico-financière mondiale sera provoquée par trois ...

le 15/05/2019 à 13:33
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Effectivement, la plupart des économistes sérieux et compétents pointent du doigt le Japon, les Etats-Unis et la France et les désignent explicitement comme les plus graves menaces sur l'économie mondiale. Il est aussi dommage qu'aucun économiste fra...

à écrit le 15/05/2019 à 10:15
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Très bon article bien documenté, si seulement les populistes qui prétendent nous gouverner avaient la faculté de comprendre ce genre de rapport ( de l'OFCE ), ils nous vendraient pas un rétablissement des frontières comme solution à tout !

à écrit le 14/05/2019 à 23:44
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oui. l'Hexagone est le seul pays qui s'est efforcé de rester le plus équilibré possible (investissement public/privé, compétences/R&D, entrepreneuriat, fécondité, classe moyenne/pauvreté/inégalités/coût de la vie, finances des ménages, logement, sant...

à écrit le 14/05/2019 à 21:56
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Du temps de HOLLANDE, c'était la FRANCE qui ne faisait pas d'efforts pour rejoindre l'Allemagne (se souvenir du fait qu'il fallait faire du SCHRÖDER et revenir à zéro de déficit public); Du temps de MACRON, c'est l'ALLEMAGNE qui est le problème, et c...

à écrit le 14/05/2019 à 21:39
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Le déséquilibre le plus persistant, c'est l'incompréhension de la profession journalistique devant l'Europe. Et pourtant, l'Europe en tant qu'entité supranationale qui réunit tout les pays de l'Ouest du continent eurasiatique existe bel et bien, et ...

à écrit le 14/05/2019 à 21:23
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Pour mémoire : OFCE = Sciences-Po …! Pas étonnant qu'on y suggère de retirer les déficits publics structurels du calcul du déficit entrainant une procédure pour déficit excessif. Quand les calculs dérangent, il suffit de les changer. On parle beauc...

à écrit le 14/05/2019 à 19:06
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Pas de surprise sur une monnaie administré qui ne repose sur rien de concret, tout est faux! C'est de l'ordre de la crédibilité a la Ponzy plutôt que de la confiance!

le 14/05/2019 à 23:20
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Le Franc inspirait tellement confiance qu'il fallait le dévaluer très souvent.

le 15/05/2019 à 11:32
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Le Franc, comme vous dites, était une monnaie assise sur une économie et participait a la concurrence! On a pas "sauté" sur l'euro par manque de confiance mais par dogmatisme! La monnaie n'est qu'un moyen et non un but!

le 15/05/2019 à 15:34
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@Tototti, qui a connu l'exportation à l'époque du Franc dévalué bien souvent, qui a connu des pays qui nous imposaient le Dollar, le Deutch mark, la Livre Franc Suisse ou Yen comme monnaies reconnues fiables, pourrait vous parler des difficultés de n...

à écrit le 14/05/2019 à 17:09
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Un peu trop facile de tacler les bons eleves comme l'Allemagne ,,,,, puis critiquer l'Italie quand notre deficit est superieur , ,,,,L a France doit s'imposer par ses compétences pas en critiquant

le 14/05/2019 à 23:24
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Ce qui est plus important, c'est la dette cumulée par rapport au PIB et là, L'Italie bat des records.

à écrit le 14/05/2019 à 17:02
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"Avec la politique commerciale de Trump, l'Allemagne devra repositionner sa machine industrielle au sein de la zone euro" IL faut que ce soient les américains qui viennent défendre les intérêts européens tellement le pouvoir politique en europe e...

le 14/05/2019 à 19:15
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Vous confondez, vous même, "populiste" et "européiste" ce qui peut être une vision des choses, mais seul les européistes confondent l'Europe avec l'union européenne parce que cela cache ainsi toute les deceptions qu'amène cette administration hors so...

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