Plafonnement des bonus : la City devrait quand même rester reine

La décision de l’Union européenne de plafonner les bonus des banquiers entre en vigueur ce mois-ci. Principalement touchées, les banques britanniques ont mis en œuvre des stratégies de contournement qui devrait éviter une fuite des cerveaux vers les Etats-Unis et l’Asie.
Christine Lejoux
La plupart des professionnels des services financiers interrogés par le site de recrutement eFinancialCareers ne doutent pas de voir leur bonus augmenter, au titre de 2013. REUTERS.

Janvier et février sont des mois que les financiers attendent avec impatience. Pourquoi ? Parce que c'est au cours de ces quelques semaines que leurs patrons lèvent enfin le voile sur les montants des bonus (rémunérations variables) auxquels leurs troupes auront droit, au titre de l'année écoulée. Et le crû 2013 s'annonce particulièrement bon, grâce, notamment, à la résurrection des introductions en Bourse, qui a porté les commissions des banques de financement et d'investissement à près de 80 milliards de dollars l'an dernier, à l'échelle mondiale, selon Thomson Reuters.

Soit leur plus haut niveau depuis 2007, avant que n'éclate la crise des « subprimes » (crédits hypothécaires américains à risque). Résultat, de Londres à Berlin, en passant par New York et Sydney, la plupart des professionnels des services financiers interrogés par le site de recrutement eFinancialCareers ne doutent pas de voir leur bonus augmenter, au titre de 2013.

 Des bonus plafonnés au mieux à 200% du salaire fixe

Si augmentation des bonus il y a, que les banquiers européens la savourent. Car elle sera a priori bien moins conséquente les prochaines années. En mars 2013, l'Union européenne a en effet décidé de plafonner les bonus des banquiers, pour mettre fin aux prises de risques excessives à l'origine de la crise financière de 2008.

Cette mesure, qui entre en vigueur ce mois-ci, concernera les bonus qui seront versés en 2015, au titre de l'exercice 2014. Bonus qui devront désormais représenter au maximum 100% du salaire fixe annuel des banquiers, voire 200% si au moins 66% des actionnaires donnent leur aval lors de l'assemblée générale de la banque.

 La City concentre les deux tiers des banquiers concernés par le plafonnement des bonus

Si cette mesure s'applique à l'ensemble des banques européennes - y compris à leurs salariés travaillant à l'étranger -, ainsi qu'aux collaborateurs des banques étrangères basés en Europe, c'est cependant le Royaume-Uni qui se retrouve en première ligne. La City n'étant autre que la principale place financière mondiale, elle concentre les deux tiers des 35.117 banquiers concernés par le plafonnement des bonus, selon la British bankers association.

Or c'est un euphémisme de dire que les banquiers de la City jouissent de bonus confortables : ceux versés par JPMorgan, Goldman Sachs, Bank of America, Barclays et Credit Suisse à leurs salariés britanniques au titre de 2012 ont représenté entre 3,3 et 5,4 fois leur salaire fixe annuel, selon les calculs de » Reuters.

 Le risque d'une fuite des cerveaux vers New York et l'Asie

 C'est dire si un plafonnement de leurs rémunérations variables à une ou deux fois leur fixe risque d'inciter les banquiers londoniens à s'exiler à New York, Hong Kong ou Singapour. La City risque d'autant plus de perdre en compétitivité face aux autres places financières mondiales que, pour compenser le plafonnement des bonus, les banques opérant au Royaume-Uni seront tentées d'augmenter les salaires fixes.

 Ce qui rendra leur base de coûts moins flexible en cas de ralentissement de leur activité. Une question qui préoccupe à ce point le gouvernement du Premier ministre David Cameron que ce dernier avait formulé un recours contre la décision de l'Union européenne devant la Cour de justice européenne, à l'automne dernier.

 Les banques britanniques en veine de créativité

Mais que David Cameron se rassure. Les banques britanniques ont des idées à revendre pour contourner le plafonnement des bonus. A commencer par le versement d'indemnités en cash ou en actions. N'étant pas fonction de la performance des banquiers, elles ne sont pas considérées comme des bonus. HSBC, la première banque britannique, projetterait de verser de telles indemnités à ses mille plus hauts collaborateurs, à une fréquence trimestrielle. Barclays pourrait en faire autant, mais à un rythme mensuel. D'autres options résident dans l'octroi de prêts non remboursables aux banquiers, à condition qu'ils restent un certain nombre d'années dans l'établissement. Ou bien dans une hausse des contributions patronales aux retraites.

Conséquence, Simon Gorham, associé senior au sein du cabinet d'avocats Taylor Wessing, doute que la City subisse une fuite des cerveaux vers les contrées soi-disant plus hospitalières des Etats-Unis ou de l'Asie. D'autant moins que l'Autorité bancaire européenne, dans sa grande mansuétude, ou peut-être plutôt sous la pression du lobby bancaire, a décidé, mi-décembre, que seuls les banquiers prenant de véritables risques seraient soumis à un plafonnement de leur bonus. Ce qui ramène leur nombre de 40.000 à 28.000 en Europe.

 

Christine Lejoux

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