Les petites banques d’affaires perdent l'eldorado des fusions-acquisitions

Non seulement le marché du conseil en fusions et acquisitions de PME ralentit, mais il devient en outre très concurrentiel, les grandes banques investissant le pré carré des "boutiques."
Christine Lejoux
Les fusions et acquisitions de " mid-caps" ont reculé de 1,3% en France, en 2013, à 24,4 milliards d'euros, selon Thomson Reuters. REUTERS.

L'eldorado du conseil en fusions et acquisitions de PME n'en est plus un.

"Notre métier traverse une crise grave, il est devenu très concurrentiel, sachant que de très grandes banques investissent désormais le segment du mid-market [entreprises de taille moyenne ; Ndlr]",

constate Dominique Auburtin, PDG de la banque d'affaires Financière de Courcelles. C'est la rançon du succès : Parce qu'il a longtemps fait figure de poche de résistance sur un marché des M&A (mergers and acquisitions) globalement déprimé - grâce aux quelque 4.000 PME familiales à transmettre chaque année en France, ainsi qu'à des financements relativement aisés à trouver -, le segment des fusions et acquisitions de petites et moyennes entreprises suscite depuis quelques années les convoitises des grandes banques d'affaires, que la crise a privé des "méga-deals" qui étaient leur pain quotidien.

 Pourtant,

"nous faisons du conseil pur, nous ne prêtons pas d'argent et, en conséquence, nous pouvons guider nos clients vers différentes options de financement, sans risque de conflits d'intérêt pour eux",

plaide Christiane Marcellier, directeur général délégué de Financière de Courcelles. Cet argument de l'indépendance et, donc, de l'objectivité des conseils, peut valoir face à des banques comme BNP Paribas et la Société générale, qui exercent tout à la fois le métier de conseiller en fusions et acquisitions et celui de financeur de ces mêmes opérations. Il n'est en revanche pas opposable à des établissements comme Rothschild et Lazard, archétypes des "boutiques" indépendantes, uniquement spécialisées dans le conseil en M&A.

 Les fusions et acquisitions de " mid-caps" ont reculé de 1,3% en France, en 2013

 De fait, c'est Rothschild qui s'arroge la première place du marché français du conseil aux « mid-caps », dont les valeurs d'entreprise oscillent entre 50 et 500 millions de dollars, d'après le classement élaboré par Thomson Reuters au titre de 2013. Et ce, loin devant DC Advisory, Leonardo, Financière Cambon et autres "boutiques" spécialisées dans le conseil en fusions et acquisitions de PME. Lesquelles sont également confrontées à la concurrence croissante de grands cabinets d'audit comme Deloitte, KPMG, Ernst & Young ou PricewatehouseCoopers, qui ont vu dans le conseil en fusions et acquisitions de PME un moyen de contrebalancer le tassement des revenus issus de leur métier de base.

 Une exacerbation de la concurrence d'autant plus problématique que le marché ralentit. L'an dernier, les fusions et acquisitions de "mid-caps" ont reculé de 1,3% en France, à 24,4 milliards d'euros, et elles ont chuté de 10,7%, à moins de 3 milliards d'euros, sur le segment des "small caps", selon Thomson Reuters. "En 2013, les incertitudes liées à la fiscalité ont ralenti le marché français des fusions et acquisitions, notamment sur le segment du mid-market", explique Christiane Marcellier.

 Les incertitudes fiscales conduisent les PME à reporter leurs projets de cessions

 La faute au projet d'alourdissement de la taxation des plus-values de cession de valeurs mobilières, annoncé par le gouvernement en septembre 2012. Ou encore aux velléités de taxer l'excédent brut d'exploitation des entreprises, apparues en septembre dernier. Certes, le gouvernement a fait machine arrière sur ces deux points mais, ne s'estimant plus à l'abri d'une innovation fiscale, nombre de patrons de start-up et de chefs d'entreprises familiales ont reporte sine die leurs projets de cessions.

 Un blocage supplémentaire dont le marché du conseil en fusions et acquisitions de PME n'avait vraiment pas besoin, compte tenu des incertitudes déjà présentes sur le front macro-économique. "Aujourd'hui, les PME et les ETI continuent à manquer de visibilité sur leur activité, de confiance dans l'avenir, ce qui les pousse à s'abstenir de procéder à des opérations de croissance externe ou à vendre des actifs. Conséquence, nous travaillons sur un nombre très important de dossiers, mais il est plus compliqué de les faire aboutir", déplore Christiane Marcellier. Or les banquiers d'affaires ne sont payés que si les opérations sont finalisées.

Christine Lejoux

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