Le risque pénal préoccupe une entreprise sur trois

32% des entreprises déclarent avoir fait l'objet d'au moins une mise en cause pénale au cours de la dernière année, révèle une étude. Le salarié est vu comme le plus gros vecteur de risque.
Giulietta Gamberini
Le risque le plus appréhendé est celui lié au traitement de la facturation, de la fiscalité, de la comptabilité et et de la douane, mis en avant par 78% des entreprises. (Photo: Reuters)

Il s'agit presque d'un tabou.  D'un sujet sur lequel l'entreprise évite de s'attarder. Pourtant, le risque pénal, c'est-à-dire la possibilité d'être poursuivi en justice, inquiète une entreprise sur trois, selon une étude menée par l'assureur AIG Europe, le cabinet d'avocats Lexcom et l'institut de recherche Squaremetric.

En effet, sur les 100 entreprises (de toutes tailles) interrogées, 32 déclarent avoir fait l'objet d'au moins une mise en cause pénale au cours de la dernière année. Dix-huit autres estiment ne pas pouvoir répondre avec certitude, probablement en raison de la gestion particulière (par le management ou en externe) réservée à ces poursuites, confirmant ainsi le caractère sensible du sujet.

Les risques psycho-sociaux: une préoccupation croissante

"L'aggravation du risque pénal résulte d'un double mouvement sociétal", estime Caroline Joly, avocate associée en charge de l'équipe contentieux-résolution des conflits chez Lexcom: "une exigence de transparence ainsi qu'une pénalisation de la vie des entreprises accrues". Elle souligne:

"Pendant ces dernières années, on a beaucoup parlé de dépénalisation. Pourtant, en droit pénal des affaires, les sanctions ont plutôt été aggravées".

"De surcroît, si les juridictions ont mis du temps à s'adapter à l'idée de sanctionner les personnes morales, aujourd'hui ces dernières sont de plus en plus souvent poursuivies par les victimes, car plus certainement solvables que les personnes physiques".

Le risque le plus appréhendé est celui lié au traitement de la facturation, de la fiscalité, de la comptabilité et de la douane, mis en avant par 78% des entreprises (dont 26% pensent qu'il est en hausse), révèle l'étude. Mais les risques psycho-sociaux préoccupent aussi bon nombre d'entre elles. Et de plus en plus: 77% s'en inquiètent et 54% soulignent que ces risques augmentent. La vie privée et les accidents du travail sont aussi une source d'inquiétude pour respectivement 75% et 72% des répondants.

Les salariés: une menace potentielle

Quant aux origines des éventuelles poursuites, les entreprises redoutent tout particulièrement les salariés: ils sont identifiés comme la principale source de risques par 47% d'entre elles, devant les autorités administratives (44%), les services de l'Etat (41%), les clients (40%) voire les concurrents (30%).

"Dans le cadre des conflits du travail, les salariés brandissent souvent la menace de poursuites pénales pour parvenir à des négociations", rappelle Caroline Joly pour expliquer cette perception des entreprises.

Une autre tendance rentre par ailleurs en ligne de compte: de plus en plus souvent, les salariés sont non plus seulement des victimes potentielles d'infractions, mais aussi d'éventuels lanceurs d'alerte. Dans une société régie par la culture de la transparence et dominée par les réseaux sociaux, "le linge sale ne se lave plus en famille": l'information filtre plus facilement à l'extérieur, jusqu'à atteindre éventuellement le parquet. Toutes les entreprises peuvent être touchées, et elles le savent.

Un risque estimé à moins de 10.000 euros

L'impact négatif de ces éventuelles poursuites sur l'activité est lui aussi reconnu, par neuf entreprises sur dix. Mais, si pour 60% d'entre elles le coût cumulé des peines encourues et des dommages et intérêts est estimé à moins de 10.000 euros, il ne s'agit là que d'une petite partie des éléments à prendre en compte.

"L'engagement de plus en plus fréquent de la responsabilité pénale des personnes morales implique des coûts plus importants pour les entreprises, non seulement parce que les sanctions encourues sont plus lourdes, mais aussi en termes d'accroissement des risques de récidive ou pour la réputation", analyse Caroline Joly. "Il ne faut pas oublier qu'un extrait du casier judiciaire est de plus en plus souvent requis pour obtenir, par exemple, certains appels d'offres", souligne-t-elle.

La multiplication des personnes - morales et physiques - poursuivies, implique d'ailleurs des coûts liés à la défense plus importants, souligne l'avocate.

Une conscience aiguë

Pas de surprise donc que la nécessite de protéger sa réputation voire son activité commerciale en France soit une priorité pour, respectivement, 54% et 43% des entreprises. Pourtant, selon Caroline Joly, "on est devant un double mouvement".

"D'un côté, observe-t-elle, "face au risque de poursuites, les dirigeants s'inquiètent beaucoup, parfois même de manière disproportionnée par rapport aux sanctions réellement encourues. De l'autre, certains risques sont mésestimés et l'anticipation fait défaut".

Selon presqu'un tiers des personnes interrogées, en effet, les dirigeants et mandataires sociaux ne sont pas suffisamment informés des enjeux liés à leur responsabilité pénale.

Le risque zéro n'existe pas

Comment s'y prendre alors? Pas d'illusion, met en garde Caroline Joly: "Face aux innombrables infractions pénales prévues par les textes, toutes les poursuites potentielles ne peuvent pas être évitées". 82% des entreprises reconnaissent d'ailleurs qu'en matière pénale,le risque zéro n'est pas un objectif réalisable en France.

Néanmoins, des moyens de réduire l'exposition aux poursuites existent. Tout d'abord, ne pas ignorer la réalité. L'avocate préconise ainsi d'établir une cartographie la plus précise possible des risques qui concernent l'entreprise et de leur provenance: 39% des personnes interrogées souhaitent d'ailleurs que ces connaissances soient transmises par des formations. L'amélioration et l'actualisation d'outils existants peuvent aussi, pris dans leur ensemble, rassurer: les délégations de pouvoirs notamment, qui selon 56% des entrepriseses interrogées devraient faire l'objet d'une mise à jour annuelle, mais aussi la communication et les contrôles internes.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 3
à écrit le 02/07/2014 à 13:13
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c'est d'un drôle. le danger c'est les salariés. si personne ne comprend le coté ridicule d'une tel étude...

à écrit le 02/07/2014 à 8:41
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La situation se dégrade, moins de ventes donc moins de revenus donc licenciements. chez nous c'est 5 personnes qui partent, pour seulement 2 remplacés, la masse de travail reste pourtant la même et est redistribué a ceux qui reste. plus de travail...

à écrit le 02/07/2014 à 8:21
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Voilà qui favorise certainement l'embauche! Pauvre France !

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