La beauté durable à bas coûts, une formule introuvable ?

Dans l'industrie cosmétique, concilier respect des principes du développement durable et bas prix pour le consommateur final paraît a priori quasiment impossible. Pourtant, des fabricants s'y risquent... quand ils parviennent à trouver des sources de financements.
Marina Torre
Le marché des produits cosmétiques biologiques devrait atteindre près de 9 milliards d'euros en 2019.

Elles se veulent "naturelles", mais elles sont encore loin d'être durables. Les cosmétiques respectant à la fois environnement et conditions de production socialement responsables "représentent encore un marché de niche", reconnait Amarjit Ahota, président de la revue Organic Monitor qui organise à Paris un sommet européen sur le sujet du 24 au 26 novembre 2014. L'expert britannique estime la part de marché des cosmétiques durables à 4% en Europe, soit à peu près autant que pour l'alimentation "verte".

Sont-elles pour autant condamnées à rester confidentielles? Les perspectives de croissance de leurs ventes tendent à signaler le contraire. Dans les cinq prochaines années, le seul segment des produits cosmétiques qualifiés de "biologiques" devrait croître de 10% par an (voir encadré ci-dessous), contre seulement 4% pour l'ensemble du marché des produits cosmétiques.

Naturel mais pas bio

Leur démocratisation semble donc en marche. Pour autant, l'industrie peut-elle à la fois respecter des contraintes environnementales et sociales et rendre ces crèmes, shampoings et maquillages "durables" accessibles à toutes les bourses?

 Premier obstacle qui limite l'émergence d'une réponse claire : la difficulté à différencier un produit de beauté se voulant "naturel" d'un produit "biologique". D'autant plus qu'il existe une multiplication des certifications, donnant chacune sa propre définition, plus ou moins restrictive. La quantité d'ingrédients chimiques acceptée peut ainsi varier. Avec évidemment des prix relativement plus élevés pour ceux qui en contiennent le moins. Dans un supermarché français, un shampoing "bio" coûte en moyenne deux fois plus cher qu'un produit se voulant "naturel". Un constat réalisé par le cabinet d'étude de marché Euromonitor l'an dernier.

"Il est impossible d'être 100% naturel", objecte Thierry Aubry -Lecomte, directeur pour l'Europe de la marque brésilienne Natura, qui a fait du développement durable son fonds de commerce. Reconnaissant l'usage d'une proportion de produits chimiques dans sa gamme commercialisée à travers un réseau et la vente directe, il argue:

"Que veut dire l'expérience bio? Ce sont des labels, mais finalement, au bout de deux ou trois mois ils tournent parce qu'il y a des problématiques de stabilisation des formules. Nous essayons d'utiliser des conservateurs neutres pour la peau en fonction de tous les types de peau car il faut aussi prendre en compte les différences de réaction de chacun. "

Pas 100% bio mais "carbone neutre"

Pour prouver ses bonnes pratiques socio-environnementales, le groupe coté à Sao Paulo qui a récemment acquis des parts de la marque haut de gamme australienne Aesop multiplie les exemples. Pour atteindre un niveau d'empreinte carbone neutre (depuis 2007), l'entreprise utilise notamment pour ses recharges des emballages recyclables à base de canne à sucre et non de pétrole; investit dans des programmes de reforestation en Amazonie, finance des projets éducatifs ou bien assure que les produits vendus en France sont acheminés vers un site logistique en Île de France par bateau puis péniche.

Pour l'heure, pas question d'y proposer des soins "made in France", puisque la marque table également sur ses origines brésiliennes. En revanche, elle lance une gamme de produits pour le corps à bas coût au Brésil vendus dans des pochettes souples.

Ailleurs, les géants de l'industrie tentent également de s'aventurer sur ce créneau. Le numéro un mondial de la cosmétique grand public, Procter & Gamble, indique dans son dernier rapport trimestriel publié en octobre que ses produits de beauté et de soin pour le corps biologiques ont généré 3% de bénéfices supplémentaires et que les ventes augmentaient pour toutes les sous-catégories, sauf les produits dermatologiques et de luxe.

Seulement dans ce domaine, l'avenir n'est peut-être pas dans les mains des plus grands. Du moins est-ce l'avis de Stephen Scott, directeur général de la société britannique de conseil en finance Forum Capital, invité à s'exprimer devant les professionnels européen du secteur lors du sommet organisé par Organic Monitor.

"L'avantage des petites entreprises, c'est qu'elles peuvent rester fidèles aux règles leur permettant d'obtenir les certifications", confie-t-il à La Tribune. A l'inverse, les multinationales auraient tendance à  "vanter le produit en disant qu'il est naturel sur la seule base d'un seule ingrédient". Autrement dit à se déclarer "verts" quand ils le ne sont pas vraiment...

Mini-bonds

Or, rendre un produit accessible au plus grand nombre suppose de lourds investissements, non seulement pour sa production mais aussi pour "se faire référencer dans la grande distribution", et se faire connaître. Sans compter la prime qui s'applique, même lorsque le produit est certifié par un label plus ou moins rigoureux. Toutefois le "défi pourrait être relevé à condition de soutenir les PME de croissance" plutôt à travers le capital-risque, ou les business angels juge cet ancien de Ernst & Young et Société Générale. Lequel explique que les banques se montrent plus rétives car elles "attendent des actifs tangibles comme des comptes clients ou des immeubles mais ne valorisent que très peu les marques, difficile à valoriser, d'autant plus qu'elles craignent les risques."

Dernière solution: le financement participatif. Outre-Manche, la tendance est aux "mini-bonds", fonds obligataires, qui ont par exemple parmi à la marque de rasoirs et mousses à raser King of Shaves, vendues dans les grandes surfaces anglo-saxonnes d'investir dans des développements de produits grâce au soutien de ses consommateurs les plus fidèles.

Marina Torre

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