Et revoilà le Glass-Steagall Act !

Le débat ressurgit aux Etats-Unis où un projet de loi de stricte séparation des activités de marché des banques va être discuté au Congrès avant la fin de l'année. Il faut un Glass-Steagall Act du 21ème siècle", justifient les partisans d'une régulation du secteur financier américain, du nom de cette réglementation de 1933 née après le krach de 1929 et aboli par Bill Clinton.

Réveiller une loi de 1933, aboli dans la poussée de déréglementation des années 1990, pour mieux réguler les géants bancaires ? Aux Etats-Unis, à l'heure où des banques comme JP Morgan négocient à coups de dizaines de milliards de dollars d'amendes pour échapper aux poursuites dans l'apès crise des subprime, le débat monte au Congrès pour ressusciter le "Glass Steagall Act", un texte vieux de 80 ans, qui cloisonnait banques de détail et banques d'investissement, afin de renforcer la stabilité financière.

Adopté dans le sillage du krach de 1929, le "Glass-Steagall Act" interdisait aux banques d'épargne, dont les dépôts sont assurés par l'Etat, de se livrer à des activités spéculatives ou d'assurance et d'émettre des titres financiers.

Cette législation a tenu pendant plus d'un demi-siècle avant d'être abrogée en 1999 en pleine période d'euphorie économique. L'administration Clinton avait alors défendu une modernisation "historique" qui a, pour certains, ouvert la voie aux géants bancaires menaçant aujourd'hui la stabilité financière.

"Ces grandes institutions financières ont pris leurs activités risquées de Wall Street et votre épargne, ont tout mis ensemble et c'est ce qui a en partie (...) mené au crash" de 2008, assurait récemment la sénatrice démocrate Elizabeth Warren, bête noire de Wall Street, sur la chaîne MSNBC.

Aux côtés notamment de son influent collègue républicain John McCain, cette élue du Massachusetts a déposé au Congrès une proposition de loi pour un "Glass-Steagall du XXIe siècle" qui rétablirait une stricte séparation au sein de l'industrie bancaire et rendrait les établissements "plus petits et plus sûrs".

Après l'abrogation de Glass-Steagall, les Etats-Unis avaient connu une vague de méga-fusions bancaires, marquée dès 2000 par le mariage entre la banque de détail Chase Manhattan et JPMorgan, spécialisée dans l'investissement, qui a donné naissance à la première banque mondiale en termes d'actifs.

Le mouvement s'était notamment poursuivi en 2004 avec les fusions JPMorgan Chase-Bank One (58 milliards de dollars) et Bank of America-Fleet Boston (47 milliards).

Cinq ans après la chute de Lehman Brothers, ces établissements devenus "trop gros pour faire faillite" inquiètent jusqu'à la Banque centrale mais la proposition de les scinder ne convainc toujours pas les professionnels.

"Paralysie" au Congrès

"Non seulement ça ne règlerait aucun problème, mais cela en créerait de nouveaux", assure à l'AFP Wayne Abernathy, de l'Association des banquiers américains (ABA). Selon lui, le modèle de la "banque restreinte" fragiliserait l'industrie en limitant ses sources de revenus.

"Les banques qui ont des sources de revenus plus étendues et qui ne dépendent pas simplement des crédits qu'elles accordent résistent bien mieux aux périodes de tourment économique", soutient-il, soulignant que les établissements ayant fait faillite pendant la crise étaient focalisées sur un seul secteur d'activité (Lehman, Bear Sterns...).

Au plus fort de la crise, ce n'est toutefois qu'au prix de sauvetages publics que des géants bancaires mêlant activités de détail et investissement (Bank of America, Citigroup...) ont échappé à la banqueroute.

Professeur à l'université de Columbia, John Coffee appelle à aller plus loin que le Glass-Steagall initial pour mieux réguler les banques.

"A l'époque (en 1933), les banques commerciales avaient été privées du droit d'émettre des titres financiers, mais aujourd'hui ce n'est plus le principal danger. Les plus grands risques sont aujourd'hui liés aux produits dérivés échangés de gré à gré, aux Swap et à la spéculation en propre", dit-il à l'AFP.

L'expert se montre toutefois sceptique sur le vote d'une nouvelle régulation en raison de la "paralysie" au Congrès et de l'opposition du lobby bancaire qui pousse à l'inertie. Votée en 2010, la "règle de Volcker" qui interdit aux banques de spéculer pour leur propre compte n'est ainsi toujours pas entrée en vigueur, faute de décrets d'application.

Interrogé par l'AFP, John McCain se montre moins défaitiste sur sa proposition de loi. "Je ne sais pas si ça passera (le Sénat dominé par les républicains, NDLR) mais ça va être un débat intéressant".

La discussion pourrait en tout cas franchir l'Atlantique et atteindre l'Union européenne où se prépare une réforme bancaire d'envergure mais où une telle séparation n'existe pas.

"Cela sera discuté pour la première fois (...) avant la fin de l'année" au niveau européen, a assuré mercredi à Washington le vice-président de la Commission européenne, Joaquin Almunia.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 11
à écrit le 28/09/2013 à 9:31
Signaler
Et si en France, on le faisait, plutôt que d'en parler : PROJET DE LOI : http://www.solidariteetprogres.org/mobilisation-glass-steagall.html

le 09/10/2013 à 19:30
Signaler
Voyons , Glass-Steagall , vous n'allez pas vous mettre à croire à la propagande...ni à devenir naïf ??? Cela fait partie des choses convenues de la vie parisienne...On dit mais on ne fait PAS...Par exemple , ces mêmes personnages lisent tous Tocquev...

à écrit le 27/09/2013 à 18:05
Signaler
Intéressant de voir ce débat évoluer. Selon ce texte, on se questionne sur la meilleure façon de mieux réglementer l'industrie, ce qui m'apparaît un sage débat. Il faut absolument sortir des ornières du PLUS ou MOINS de réglementation et chercher l...

à écrit le 27/09/2013 à 11:55
Signaler
Si rien ne change rapidement, dans quelques temps nos économies auront disparues

à écrit le 27/09/2013 à 10:19
Signaler
Europe. Qui mieux que Paul Jorion peut parler des dérives de la finance? Cet ancien trader (qui plus est, entre-autre, une des personnes ayant dénoncé la gigantesque bulle du subprime avant son éclatement, et le crack du 15.09.2008 qui lui succédera)...

le 27/09/2013 à 10:41
Signaler
Europe - France: A bien écouter (Th.Philipponnat-Finance Watch) [http://www.youtube.com/watch?v=RptELxeq8JE] - [http://www.youtube.com/watch?v=nywjFs2Aq2I] - '' Un an après le 6 mai 2012 : une réforme en trompe l?oeil. Les banques n'ont pas eu à sép...

à écrit le 27/09/2013 à 10:06
Signaler
merci pour cet article qui remet des pendules a l'heure , bill clinton était effectivement celui qui a permis a la crise de surgir en faisant sauter les derniers verrous , Reagan avait commencé et clinton a terminé le travail de sape , je me souviens...

le 27/09/2013 à 11:02
Signaler
On va juste remettre l'église au milieu du village ! Ronald Reagan a été initialement membre du Parti démocrate, puis il s'orientera vers la droite à la fin des années 1950 et ralliant le Parti républicain en 1962. Quant à Bill Clinton (démocrate) et...

à écrit le 27/09/2013 à 10:04
Signaler
Vous vous souvenez :"Et Karine Berger d?ajouter, comme dépitée et impuissante : Alors cela veut dire que 99% de vos activités ne seront pas concernées par la loi ?".C'est la blagounette de fin de semaine.Bon Week end à tous.

à écrit le 27/09/2013 à 9:56
Signaler
A consommer sans modération: (http://www.youtube.com/watch?v=H4p0fFPyRPY) - [Paul Jorion a repris la vidéo sous-titrée. On y voit la sénatrice Elizabeth Warren, élégante, aimable mais très déterminée, posant avec insistance la même question aux membr...

à écrit le 27/09/2013 à 9:47
Signaler
Il serait etonnement ubuesque que cette legislation passe au pays de l argent roi, alors meme que en Europe ou les controlles sont plus drastique on l a refuse.......

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.