Le marché des changes : mini-régulation, maxi-concentration

Le 12 novembre, le régulateur britannique devrait infliger une amende d'un montant de 1,5 milliard de livres sterling à six banques, dans le cadre du scandale de la manipulation du marché des changes.
Christine Lejoux
Le marché des changes a triplé en l'espace de dix ans.
Le marché des changes a triplé en l'espace de dix ans. (Crédits : Reuters)

Après le "Liborgate", le "forexgate." Mercredi 12 novembre, la Financial Conduct Authority (FCA), l'autorité financière britannique, devrait infliger des amendes à six banques, au titre de manipulations présumées du marché des changes, selon l'agence Reuters. La suisse UBS, les américaines Citigroup et JPMorgan, ainsi que les britanniques HSBC, RBS et Barclays pourraient être contraintes de débourser un total de 1,5 milliard de livres sterling (1,9 milliard d'euros), afin de solder les poursuites du régulateur britannique et éviter ainsi des procès très onéreux et dommageables pour leur image.

D'ailleurs, lors de la publication de leurs résultats du troisième trimestre, la semaine dernière, HSBC, Barclays, RBS, Deutsche Bank et Credit Suisse ont indiqué avoir provisionné une somme globale de près de 7 milliards de dollars (5,6 milliards d'euros) en prévision d'éventuels règlements à l'amiable avec les différentes autorités internationales qui enquêtent sur le scandale du marché des changes, révélé au printemps 2013 dans le sillage de celui de la manipulation du taux interbancaire Libor.

Des manipulations quotidiennes, durant dix ans au moins

Le 12 juin 2013, l'agence de presse Bloomberg avait en effet affirmé que des traders de certaines des plus grandes banques du monde s'étaient entendus chaque jour pendant dix ans au moins - via notamment, des services de messageries instantanées - pour manipuler le WM/Reuters, le taux de référence du marché des devises. Celui-ci est calculé toutes les heures pour 160 monnaies, sur la base de la médiane de l'ensemble des transactions enregistrées durant les 60 secondes précédant le passage d'une heure à une autre (de 14h à 15h, par exemple).

Les traders en question auraient passé des ordres de vente en rafale durant cette fenêtre de tir de 60 secondes, afin de faire baisser le taux WM/Reuters. L'objectif : racheter à bas prix, à 15h par exemple, les devises vendues durant l'heure précédente à un taux plus élevé, afin d'empocher la différence entre ces deux taux. Et tant pis pour les fonds de pension et autres investisseurs institutionnels qui utilisent l'indice WM/Reuters au jour le jour pour évaluer leurs actifs libellés en devises étrangères.

Plus de la moitié des échanges sont concentrés entre les mains de cinq banques

Les enquêtes, menées par une dizaine de régulateurs dans le monde, sont toujours en cours, mais les banques ont d'ores et déjà suspendu ou licencié quelque 35 traders, dont les manipulations du WM/Reuters ne semblent pas relever d'actes isolés mais bel et bien d'une véritable entente à grande échelle. Il faut dire que, bien que le marché des devises soit le plus grand marché financier du monde - avec 5.300 milliards de dollars d'échanges par jour, soit deux fois le PIB français -, il est également l'un des moins régulés - la majorité des transactions s'effectuant hors des marchés organisés - et, surtout, le plus concentré.

En effet, plus de la moitié (53%) des échanges journaliers sur le marché des devises sont le fait de cinq banques, à savoir Deutsche Bank, Citigroup, UBS, Barclays et JPMorgan. Une part de marché qui n'a cessé de croître ces dix dernières années, passant de 39% en 2005 à 45% en 2011 puis à 48% en 2012.

La nécessité d'atteindre une taille critique

A l'inverse, les banques occupant les rangs 6 à 20 sur le marché des changes ont vu leur part de marché fondre comme neige au soleil. C'est que la faiblesse des marges sur le marché des devises nécessite de traiter des volumes d'échanges élevés pour dégager une rentabilité correcte. Ce qui n'est guère aisé dans le contexte actuel de ralentissement des transactions. Les banques opérant sur le marché des changes sont par ailleurs confrontées à la lourdeur des investissements technologiques nécessaires dans ce secteur, ainsi qu'à la concurrence croissante des automates de trading haute fréquence.

Résultat, seules les très grandes banques parviennent à tirer leur épingle du jeu sur un marché des devises devenu très concurrentiel. Le scandale du marché des changes va-t-il changer cette donne, en profitant aux plus petites banques ? C'est possible, à l'aune de l'énorme total de 41 milliards de dollars d'amendes que les banques pourraient devoir acquitter dans le cadre de ce dossier, selon les analystes de Citigroup. Et, surtout, en raison de la défiance que cette affaire pourrait susciter de la part des investisseurs à l'endroit de ces très grandes banques.

Christine Lejoux

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Commentaire 1
à écrit le 14/11/2014 à 15:22
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Il faut sauver les banques...

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