Le capital-investissement français à l’heure de la consolidation

Bpifrance pousse à la concentration des sociétés de capital-investissement. L’objectif : créer des fonds de tailles suffisamment importantes pour répondre aux besoins de financement croissants des start-up et des PME françaises.
Christine Lejoux
Bpifrance souhaite que, d'ici quatre ou cinq ans, la France compte au moins deux sociétés de capital-investissement gérant plus d'1 milliard d'euros d'actifs.

Des ingénieurs de grand talent, de jeunes entrepreneurs débordant d'idées, des infrastructures numériques de premier ordre... La France possède tous ces ingrédients qui font de l'Hexagone un écosystème des plus favorables à l'éclosion de start-up innovantes. Le hic, c'est que la France manque de moyens financiers pour accompagner ces pépites dans leur développement, en particulier dans leur internationalisation. En témoigne l'exemple de Criteo, le spécialiste du ciblage publicitaire sur Internet, parti il y a un an chercher sur le Nasdaq - la Bourse américaine des valeurs technologiques - les fonds qui lui faisaient défaut, et qui pèse aujourd'hui 2,4 milliards de dollars (1,9 milliard d'euros) à Wall Street.

"Il y a cinq ans, un jeune entrepreneur était bien content de revendre sa start-up 50 millions d'euros, mais aujourd'hui ils sont nombreux à vouloir devenir un Jean-Baptiste Rudelle (co-fondateur de Criteo), avec une entreprise qui pèse plus d'1 milliard d'euros !",

s'exclame le patron d'une société de capital-investissement, dont le métier consiste à placer l'argent confié par des investisseurs institutionnels dans le capital de PME non cotées en Bourse.

 La nécessité de lever des fonds de 500 millions d'euros

 Or "le financement d'opérations d'envergure reste difficile en France, nous ne savons pas financer les besoins en capitaux élevés", a reconnu Michel Sapin, ministre des Finances, le 25 novembre, lors de la journée du capital-développement organisée à Paris par l'Afic (Association française des investisseurs en capital). Des propos qui corroborent ceux prononcés la veille par Daniel Balmisse, directeur exécutif des fonds de fonds de Bpifrance, lors de la conférence Capital Invest organisée par la Banque publique d'investissement :

"Sur le marché du capital-risque (ou capital-innovation), mais aussi sur celui du capital-développement, nous n'avons pas assez de fonds de grande taille. Il y a une taille critique à atteindre.".

Le calcul est vite fait. D'une part, la majorité des fonds de capital-investissement n'allouent pas plus de 10% de leurs actifs à une seule et même société, d'autre part, les besoins des entreprises en fonds propres peuvent aller aujourd'hui jusqu'à 50 millions d'euros. La France doit donc disposer de sociétés de capital-investissement capables de lever des fonds de 500 millions d'euros.

 Bpifrance va cesser de financer de nouvelles sociétés de gestion

 C'est pourquoi Bpifrance pousse à la consolidation du capital-investissement français, un métier dont elle est l'un des principaux acteurs, avec 1,3 milliard d'euros investis en 2013 dans 846 PME, en direct et par l'intermédiaire des 273 fonds privés que la banque publique d'investissement finance. L'objectif de Bpifrance étant que d'ici quatre ou cinq ans, la France compte au moins deux sociétés de capital-investissement gérant plus d'1 milliard d'euros d'actifs, et cinq disposant de plus de 500 millions d'euros d'actifs sous gestion.

 Concrètement, Bpifrance va cesser de financer les nouvelles sociétés de capital-investissement qui se créent, pour se concentrer sur les acteurs existants, qu'il s'agisse de leur apporter les fonds nécessaires à leur croissance ou à des rapprochements. "Dans le passé, nous avons beaucoup incité à la création de nouvelles équipes. Aujourd'hui (...), le marché français a besoin d'une consolidation", insiste Daniel Balmisse.

 La viabilité de petits acteurs du capital-investissement en question

 Une concentration d'autant plus nécessaire l'une des problématiques actuelles du capital-investissement français réside dans la dichotomie croissante entre grandes sociétés de gestion et petits fonds, les premières raflant la mise auprès des investisseurs institutionnels - en particulier étrangers -, au détriment des seconds. "60% des capitaux levés en 2013 (par les fonds de capital-investissement français) ont été concentrés sur des véhicules de plus de 200 millions d'euros", constatait l'Afic dans son étude annuelle sur la profession, publiée début avril.

 L'association avait alors indiqué éprouver "une incertitude quant à la viabilité de certaines équipes de gestion françaises, pourtant méritantes, mais qui n'ont plus de fonds à investir." A quoi s'ajoutent le poids croissant des réglementations, comme la récente directive AIFM (Alternative Investment Fund Managers), et le fait que nombre de "zinzins" (investisseurs institutionnels) choisissent désormais de confier leurs argent à un plus petit nombre de sociétés de gestion.

 Une consolidation déjà en marche

 Autant de contraintes qui font que les adossements dits "obligatoires" d'une société de gestion à une autre ont déjà représenté 20% de la trentaine de rapprochements observés dans le secteur depuis 2010 par Franck Ceddaha, associé-gérant au sein de la banque d'affaires Aforge Degroof Finance. Parmi les opérations les plus récentes figure le rapprochement de Sofimac Partners, basé à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), et de Limousin Participations, ou bien encore celui d'Irpac Développement avec UI Gestion.

 Une consolidation qui n'en est qu'à ses débuts, le métier du capital-investissement en France étant vieux de 30 ans seulement : "Il y a beaucoup de discussions, beaucoup de choses se passent sur le marché, nous devrions avoir l'occasion de célébrer d'autres événements dans un an", assure Daniel Balmisse.

Christine Lejoux

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Commentaires 3
à écrit le 26/11/2014 à 12:50
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Criteo est une exception. Dans un pays qui a élu son président parce qu'il avait prévu de taxer "les riches" à 75%, le "business" n'a que peu d'avenir. Que ce soit l'état qui s'occupe du capital investissement est le signe que les vrais pros sont dan...

à écrit le 26/11/2014 à 11:45
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l'Etat n'a pas besoin de ca seulement avec bale 3 et solvency 2 les banques assurances doivent plus provisionner et limiter les investissements dans le capital risque. De plus avec 80 millards d'allocation familiales de rsa annuelles à rabotter, l'Et...

à écrit le 26/11/2014 à 10:02
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il faut concentrer le capital risque pour que l'etat puisse facilement puiser dedans pour financer la secu le jour ou...

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