Affaire de fraude au Qatar impliquant Barclays et 4 ex-dirigeants

La banque britannique est accusée d’irrégularités dans le cadre de ses augmentations de capital menées après la crise financière en 2008. L’agence anticorruption du Royaume-Uni engage des poursuites contre la banque elle-même et son ancien directeur général, entre autres.
Delphine Cuny
La banque britannique elle-même est inculpée pour fraude et assistance financière illégale dans le cadre de ses augmentations de capital de 2008 et un prêt accordé à l'Etat du Qatar à la même époque.

Bientôt dix ans après la crise financière mondiale, le secteur bancaire britannique connaît encore des répliques de ce choc qui a conduit à la nationalisation de plusieurs établissements. L'historique Barclays avait voulu échapper à une injection de fonds publics et garder son indépendance en lançant deux grandes augmentations de capital d'urgence à l'été et à l'automne 2008. Ces deux opérations seraient entachées de fraude, selon les conclusions de l'enquête de cinq ans menée par le Serious Fraud Office, une agence antifraude et anticorruption dépendant du ministère de la justice britannique.

Le SFO a annoncé ce mardi l'inculpation de Barclays et de quatre anciens dirigeants de la banque pour association de malfaiteurs dans le but de commettre une fraude et assistance financière illégale. Il ne détaille pas la nature de la fraude. Une première audience au tribunal aura lieu le 3 juillet.

Prêt au Qatar

Les faits reprochés concernent les arrangements effectués avec Qatar Holding, filiale du fonds souverain qatari, et le fonds privé Challenger Universal créé spécialement pour l'occasion par le Cheikh Hamad Bin Jassim Bin Jabr Al-Thani, à l'époque Premier ministre du petit Etat du Golfe, dans le cadre des levées de capitaux de plusieurs milliards d'euros de juin et novembre 2008, ainsi que d'une ligne de crédit de 3 milliards de dollars accordée à l'Etat du Qatar.

L'agence britannique accuse Barclays, l'ancien directeur général John Varley, l'ex-patron de la banque d'investissement Roger Jenkins, l'ex-responsable de la gestion de fortune et des investissements Thomas Kalaris et l'ancien chef de l'unité des institutions financières, Richard Boath, de présentations trompeuses dans le cadre de ces augmentations de capital.

Ayant besoin de renforcer ses fonds propres en pleine tourmente financière, Barclays a mené toute une série de levées de fonds entre juillet et décembre 2008, une première émission d'actions au profit de Sumitomo Mitsui pour 500 millions de livres, puis trois semaines plus tard une autre de 3,9 milliards auprès de Qatar Investment Authority et de Challenger Universal, de China Development Bank et de Temasek (le fonds souverain singapourien). En septembre, nouvelle émission pour 700 millions de livres auprès d'institutionnels, suivie en octobre d'une émission d'instruments dérivés au profit du Qatar encore et en novembre d'une émission d'obligations convertibles pour 4 milliards, là aussi souscrite par les Qataris et un membre de la famille royale d'Abu Dhabi. Soit au total près de 12 milliards de livres (13,5 milliards d'euros d'aujourd'hui).

Le Qatar est d'ailleurs toujours un des premiers actionnaires de la banque britannique, avec près de 6% du capital. Il n'est pas inquiété dans l'affaire.

« Barclays réfléchit à sa position par rapport à ces développements » indique la banque dans un communiqué.

L'affaire a également un volet civil, un conseil financier du cheikh Mansour d'Abu Dhabi (le propriétaire du club de foot de Manchester City) qui réclame des commissions pour son rôle dans l'une des levées de fonds.

Une enquête est aussi en cours aux Etats-Unis, menée par le ministère américain de la Justice et le gendarme de la Bourse (SEC) au sujet de ces arrangements.

Delphine Cuny

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