Catastrophes naturelles : la prévention revient sur le devant de la scène de l’assurance

Face à la flambée des sinistres, les assureurs cherchent à remettre au goût du jour les actions de prévention pour tenter de limiter les dégâts, avant d’envisager une hausse des primes. Les initiatives se multiplient, comme Covéa qui vient de publier son livre blanc de la prévention pour présenter ses dispositifs ou expériences en matière de sécheresse, inondations, grêle ou tempêtes.
L’épisode exceptionnel de grêle en 2022 aura coûté cinq milliards d'euros aux assureurs en France.
L’épisode exceptionnel de grêle en 2022 aura coûté cinq milliards d'euros aux assureurs en France. (Crédits : Reuters)

Alors que le premier (et précoce) grand incendie de l'année a ravagé, en avril dernier, plus de 1.000 hectares dans les Pyrénées Orientales, Météo-France vient de publier sa nouvelle carte de prévisions, véritable « météo des forêts », afin de sensibiliser élus et administrés sur les zones à risque.

L'an dernier, à l'aune d'une sécheresse exceptionnelle, les feux de forêts ont détruit plus de 72.000 hectares de végétation. Et avec le réchauffement climatique, le risque devient national et non plus cantonné au pourtour méditerranéen.

Une fois de plus, la prévention est mise en avant afin de tenter de limiter les risques liés au changement climatique. C'est devenu le mantra des assureurs confrontés à une hausse inquiétante de la sinistralité. « Avec l'explosion du coût et de la fréquence des sinistres, notamment liés aux catastrophes naturelles, la prévention revient en force dans la stratégie des assureurs. D'autant que nous avons aujourd'hui la capacité d'analyser de plus en plus finement les risques », indique Sylvestre Frézal, directeur général délégué chez Covéa, lors de la présentation d'un livre blanc sur la prévention des risques climatiques.

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Lors de la publication d'un précédent livre blanc au début 2022, fruit de deux années de travail, « à une époque où les voix de quelques climatosceptiques portaient encore », se rappelle Anne Savey, directrice IARD de Covéa, l'assureur mutualiste, leader en France de l'assurance auto et de la multirisque habitation (sous ses différentes marques MMN, MAAF et GMF) planchait déjà sur les conséquences du changement climatique. « Le diagnostic était déjà sombre. Il est aujourd'hui d'actualité », résume Sylvestre Frézal.

Pire année depuis 1999

L'année 2022 a même été la pire année en termes de sinistres climatiques depuis les fameuses tempêtes Lothar et Martin de fin décembre 1999, avec un coût pour les assureurs de plus de 10 milliards d'euros, dont la moitié au titre des seules précipitations de grêle. France Assureurs table sur un coût climatique annuel de 4,7 milliards d'euros sur la période 2020-2050, contre une moyenne de 1,2 milliard dans les années 80.

Sur la base des scénarios du GIEC et des outils de modélisation de Covéa, Anne Savey anticipe « une augmentation très forte de la sinistralité, avec une charge des sinistres en hausse de 60% d'ici 2050 ». Tous les types de périls sont concernés, à l'exception des tempêtes : le coût de la grêle devrait augmenter de 20 % d'ici 2050, l'impact de la sécheresse, avec notamment les fissures dans les maisons liées au phénomène de retrait et gonflement des argiles, de plus de 60% et le coût des inondations - les très fortes précipitations devraient se généraliser - grimper de 110%.

Rappelons que la grêle aura coûté à l'assureur mutualiste quelque 800 millions d'euros (500 millions en habitation et 300 millions en auto) et que ce dernier commence tout juste à traiter les quelque 30.000 dossiers liés à la sécheresse.

Miser sur la donnée

« En France, nous avons un grand défi à relever, c'est celui de la donnée », observe Charles Dumartinet, responsable des risques majeurs chez Covéa, et « c'est pourquoi cela fait dix ans que l'on investit dans la donnée. C'est le point préalable pour mettre en place les mesures de prévention ». Ainsi, l'assureur a mis au point une cartographie précise des zones inondables afin d'envoyer des SMS d'alerte à ses assurés, lorsqu'un risque de crue se dessine. Des partenariats sont également noués pour équiper les assurés de protections contre inondations (volets étanches, batardeaux...).

La sécheresse, qui menace directement quelque 10 millions de maisons individuelles, surtout les constructions légères des années 70 et 80, sans étages, est également l'objet de toutes les attentions des assureurs pour tenter de réduire le coût des travaux (actuellement la facture de la pose de micro-pieux peut dépasser les 100.000 euros).

Ainsi Covéa teste une technique mise au point par le Cerema qui permet d'humidifier l'argile en saison sèche (pour un coût de 10 à 15.000 euros). Une trentaine de maisons sera équipée dans les prochains mois. Sur la grêle, la précision est presque impossible, sinon d'encourager certains agriculteurs de s'équiper de filets... Toutefois, Covéa a mis au point un indicateur pour au moins prévenir en cas de phénomène orageux.

La prévention coûte cher, et c'est aussi le rôle de l'assureur d'accompagner l'assuré dans ses démarches pour obtenir des subventions. Il existe notamment le fonds Barnier qui peut financer à hauteur de 80% la prévention. « Sa mise en place est compliquée pour les particuliers et nous restons une offre pour accompagner nos assurés tout en essayant de simplifier les process », avance Charles Dumartinet.

Même les élus s'y perdent. C'est pourquoi l'assureur Axa vient de lancer une plateforme de conseils et de formation pour les élus, baptisée « Ma commune en action », pour les aider à mener les actions de prévention en fonction du risque auquel est exposée la commune.

Garantir l'assurabilité des biens

« Les conseils de prévention sont plébiscités chaque année par nos assurés », souligne Charles Dumartinet, sous réserve toutefois de limiter les contacts et de délivrer des conseils qui ne sont pas trop anxiogènes. L'assureur souhaite ainsi promouvoir l'idée, comme dans l'automobile, du carnet d'entretien, notamment- pour les couvertures et les gouttières. Une plateforme digitale regroupe tous ces conseils par type de risques ou de périls.

Car l'idée pour l'heure est de tout faire pour éviter un dérapage des coûts qui pourraient mettre à mal l'assurabilité des biens eux-mêmes. Ce n'est pas encore le cas en France, loin de là, clament à l'unisson les assureurs. La France, qui bénéfice de surcroît d'un système de garantie public-privé pour couvrir les catastrophes naturelles, mais dont l'équilibre financier n'est plus assuré à moyen ou long terme.

Mais, les exemples à l'étranger, comme aux Etats-Unis où State Farm vient d'annoncer qu'il refusait désormais d'assurer des biens immobiliers en Californie, peuvent inquiéter. D'ailleurs, Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, vient de lancer une mission sur « l'assurabilité des risques climatiques », avec des recommandations attendues d'ici la fin de l'année.

« Nous constatons bien une espèce de repondération des risques, entre les risques climatiques et les risques de fréquence. Il faut donc réfléchir à des systèmes qui permettent d'absorber le choc, alors même que les réassureurs se retirent du marché des catastrophes naturelles », explique un grand assureur de la place. Cela passera par une hausse des prix, notamment une hausse de la taxe « cat nat » sur les contrats habitation et auto, mais aussi par la prévention. Une sorte de retour aux sources des pratiques de l'assurance.

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Commentaire 1
à écrit le 03/06/2023 à 8:19
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Ils pourraient offrir des bâches pour protéger les voitures de la grêle déjà parce que ce n'est pas agréable de retrouver sa bagnole grêlée et ça doit couter un sacré pognon pour toutes les rembourser. Ensuite la prévention en matière de catastrophe ...

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