Complémentaire santé : les petites entreprises face au risque de l'illégalité

Le premier janvier 2016, toutes les PME-TPE devront offrir une complémentaire santé à leurs salariés. Elles peuvent en théorie souscrire la couverture minimale, auprès de n'importe quel assureur. En réalité, elles risquent d'être contraintes par un accord conclu au niveau de leur branche. Au risque, si elles ne le suivent pas, de se placer dans l'illégalité
Ivan Best
Le Crédit Agricole, notamment, se lance dans l'assurance collective santé des salariés

La complexité sociale, à laquelle sont bien sûr habituées les grandes entreprises, va s'abattre encore plus sur le PME-TPE à la suite de l'accord national interprofessionnel (ANI) de janvier 2013, qui prévoit la généralisation de l'assurance complémentaire santé à tous les salariés. Avec un risque juridique élevé.
En théorie, tout est simple. Le Conseil constitutionnel a cassé toutes les velléités gouvernementales de contrainte des entreprises. Si le gouvernement avait obtenu gain de cause, les employeurs auraient pu tomber sous le coup de procédures de désignation (les partenaires sociaux, au niveau de la branche, désignent un opérateur avec lequel toutes les entreprises sont contraintes de contracter). Mais les sages du Palais Royal en ont décidé autrement. Exit, donc les désignations. Les chefs d'entreprise qui « n'offrent » pas encore de complémentaire santé à leurs salariés, vont pouvoir choisir librement leur assureur. Beaucoup d'entre deux, surtout les patrons de TPE, opteront pour le contrat le moins cher -le contrat de base correspondant à la norme minimale ANI-, voyant cette obligation d'assurance comme une nouvelle taxe. Une taxe correspondant à une augmentation de la masse salariale supérieure à 1%.

Des tarifs agressifs

Les assureurs sont prêts à livrer bataille pour conquérir cette nouvelle clientèle. D'où des tarifs particulièrement agressifs : certains proposent d'assurer un salarié pour 17 euros par mois (la moitié étant à la charge de l'employeur, l'autre moitié étant déduite du salaire de l'employé), ce qui, aux dires de la profession, revient à de la vente à perte.
Des comparateurs d'assurance se lancent aussi, bien sûr, sur ce marché, qui paraît relativement simple. Ainsi, KelAssur.com suggère aux chefs d'entreprise de « trouver dès à présent une complémentaire santé pour leurs salariés en réalisant un devis mutuelle entreprise en ligne grâce à son comparateur ». « La démarche est simple » assure le comparateur, « l'internaute renseigne les besoins de son entreprise et le profil de ses salariés pour obtenir un devis. Les offres de mutuelles collectives sont ensuite comparées et un devis au meilleur tarif et adapté à sa demande lui est envoyé ».

Une réalité plus complexe

Tout cela semble effectivement dénué de complexité . Sauf que ce comparateur, et peut-être aussi certains vendeurs  (dont les conseillers des grands réseaux bancaires, peu au fait des questions d'assurance), ignorent une réalité plus complexe : même si le chef d'entreprise a une liberté de choix totale et entière de son assureur, il peut se trouver dans l'obligation de se conformer à un accord signé au niveau de sa branche. Les négociations entre partenaires sociaux ont en effet lieu dans beaucoup de branches, qui déboucheront évidemment sur des minima de couverture santé supérieurs à ce que prévoit la loi. Actuellement, 70 branches sur 250 ont déjà instauré une complémentaire santé obligatoire, mais ce chiffre pourrait grimper de plusieurs dizaines. « On peut envisager que la moitié des branches fassent aboutir des négociations » estime Jérôme Bonizec, directeur général d'Adéis, qui conseille des groupes de protection sociale.

Que se passe-t-il pour un patron de TPE ayant opté auparavant, tout simplement, pour le contrat de base proposé, par exemple, par son conseiller bancaire ? Il devra se conformer à ce qui a été négocié par sa branche. Autrement dit, demander une révision de son contrat, lequel devra prévoir en outre de consacrer 2% des primes perçues par l'assureur à des actions de solidarité (c'est la loi).
Sinon ? L'employeur se trouvera de fait dans l'illégalité, les accords de branche ayant valeur légale. Et si l'un de ses salariés découvre à l'occasion d'une hospitalisation, par exemple, qu'il n'est pas couvert à hauteur de ce que prévoit la branche, il pourra bien sûr se retourner contre son patron. Lequel se retournera vers le vendeur du contrat (assureur, conseiller bancaire...), pour défaut de conseil. « Le vendeur peut être mis en cause, car il a un devoir de conseil » estime l'avocat David Rigaud, spécialiste des rémunérations et avantages sociaux.
Quelle est l'ampleur potentielle de ce « bug » ? Les optimistes diront que les chefs d'entreprise auront tous été informés par leur branche, ou leur expert comptable, et sauront se mettre en conformité. D'autres souligneront le manque d'information dont souffrent souvent les patrons de petites entreprises. En tous cas, le risque existe.

Ivan Best

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Commentaires 14
à écrit le 03/07/2015 à 14:58
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Il est vrai que l'Accord National Interprofessionnel va considérablement changer l'environnement des assurances que ce soit pour les mutuelles elles-mêmes mais également pour nous contractant d'assurances et complémentaires santés. A ce titre j'aimer...

à écrit le 11/04/2015 à 8:23
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comment vont faire ceux qui ont deja un contrat complementaire personnel, qui seront assure par leur employeur ( a minima, vu le cou), et qui voudront couvrir des risques specifiques ( lies a leur sante, leur structure familiale, etc...) ils gardero...

le 11/04/2015 à 12:15
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il existe déja des surcomplémentaires chez les assureurs, tenant compte des différences

le 12/04/2015 à 2:14
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@Churchill : Voici comment ça s'est passé pour nous : L'employeur a choisi une mutuelle qui répondait aux exigences de la convention collective, qui prévoit une couverture santé plutôt élevé, aux dites des conseillers des mutuelles rencontrés. La ...

à écrit le 10/04/2015 à 11:51
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Je peux citer mon exemple, puisque par notre convention collective, nous avons cette obligation depuis le 1e mars dernier ! ... sauf qu'on a été informé au dernier moment, et je soupçonne que ce soit volontaire !! En effet, les syndicats n'ont pas p...

à écrit le 10/04/2015 à 11:49
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Moi je trouve ça vraiment mesquin...sous couvert d'offrir une couverture santé à tous...rappelons nous que (rétroactivée par décret au 01/01/2013 le 26 ou 27/12/2013), la part patronale finançant les mutuelles salariés sont intégrées au net imposable...

le 11/04/2015 à 8:27
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ce que vous n'avez pas bien vu, c'est que c'est pas un pb de ' progres', c'est une question de 'qui va payer' ... le but, c'est de transferer sur les mutuelles le trou de la secu... la secu mettra le focus sur les soins ' de ceux qui n'en n'ont pas ...

à écrit le 10/04/2015 à 11:38
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loi cession hamon , compte penibilité , mutuelle obligatoires etc.. ya rien a faire , le naturel revient toujours au galop

le 12/04/2015 à 11:59
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+1

à écrit le 10/04/2015 à 11:10
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Si c'était pour faire un cinéma pareil, ou le gouvernement a la totale mainmise sur les mutuelles (impôts incongrus, maximum imposé etc) alors que ça ne regarde pas, pourquoi ne pas revenir à la sécurité sociale définie au sortir de la guerre. La mu...

le 10/04/2015 à 12:00
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C'est un bon moyen pour l'état de faire passer les déremboursement de la sécu, en les faisant payer en plus, aux salariés via les mutuelles ! De plus, cela augmente la fracture sociale entre les salariés d'une part, et d'autre part les retraités, le...

le 10/04/2015 à 15:00
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+ 1 ou presque, dans les personnes non couvertes, vous oubliez de citer les agents publics, titulaires ou non. L'Etat qui se veut soi-disant "exemplaire" impose des règles aux entreprises privées, qu'il ne s'impose pas à lui-même en tant qu'employeu...

le 10/04/2015 à 21:22
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Az

le 12/04/2015 à 2:22
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Je ne vois qu'une seule solution équitable pour résoudre la question : exiger que les fonctionnaires entre dans le régime général : Même base de cotisation, primes incluses, Même garantie, même franchises, même carence, Même caisse de retraites, m...

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