Assurance vie : la riposte au projet Macron divise les assureurs

Face au projet Macron de taxation plus forte de l'assurance vie, le président de la Fédération française de l'assurance, Bernard Spitz, défend le régime fiscal actuel. Certains assureurs estiment nécessaire d'adopter une vision plus offensive du sujet, de réinventer l'assurance vie

Emmanuel Macron en démord pas, il défend son projet de « flat tax » (taxe proportionnelle à taux fixe) à 30% sur tous les revenus de l'épargne, dont, forcément, ceux de l'assurance vie. Si François Fillon, qui avait aussi ce projet, l'a finalement abandonné, c'est bien parce que les épargnants voient évidemment d'un mauvais œil le passage d'une taxation globale de 23% aujourd'hui à 30%. Le leader d'En Marche vient toutefois de faire une concession, sur le sujet: seuls les gros contrats seraient taxés à 30%. Mais quel serait le seuil? Il pourrait s'agir des sommes investies sur les contrats atteignant déjà les 150.000 euros.  En tous cas, le sujet inquiète les épargnants.

Un sondage réalisé à la demande de la Fédération française de l'assurance montre -qui en doutait ?- que les Français n'ont pas envie de voir leur placement préféré (37 millions de bénéficiaires !) taxé plus fortement. 77% des Français ne veulent pas de la flat tax Macron, et, logiquement, 85% des détenteurs d'assurance vie y sont opposés. Pour le président de la Fédération française de l'assurance, Bernard Spitz, ce projet mettrait en cause gravement la stabilité de l'assurance vie, qui n'aurait plus aucun avantage comparatif, fiscalement parlant, par rapport aux autres revenus de l'épargne et du patrimoine. Il souligne que l'avantage fiscal actuel est la contrepartie d'une obligation d'investissement à long terme, puisqu'il faut attendre 8 ans entre l'ouverture du contrat et le bénéfice d'une fiscalité allégée.

Ne pas se tirer une balle dans le pied

Cette ligne de défense de l'assurance vie, certains assureurs au poids non négligeable ne la partagent pas. C'est le cas de Thierry Martel, DG de Groupama (8e assureur généraliste en France). Bien évidemment, il s'accorde avec Bernard Spitz pour s'opposer au projet Macron et pour défendre l'assurance vie. « C'est une source d'épargne longue » a-t-il déclaré à l'occasion d'une rencontre avec la presse. « Les Français épargnent beaucoup, mais la part de l'immobilier est plus importante chez nous ; l'épargne financière est assez faible. L'assurance vie est donc la première source d'épargne financière. L'attaquer, c'est se mettre une balle dans le pied. »

Besoin de faire évoluer le produit

Mais Thierry Martel estime nécessaire de faire évoluer ce produit, dont la banalisation est mise avant par ses détracteurs. Beaucoup d'économistes estiment en effet que l'économie française n'a pas besoin d'un tel cadre privilégié pour se financer : de toutes façons, les assureurs achèteraient de la dette d'Etat et des obligations émises par les entreprises. C'est ce qu'a pu écrire le Conseil d'Analyse économique (1)

« De nombreux dispositifs dérogatoires ont pour objectif affiché d'orienter l'épargne des Français vers une épargne longue, permettant un financement stable de l'économie. Ces dispositifs (assurance-vie, PEA, régime des plus-values, etc.) offrent des taux réduits d'imposition en fonction de la durée de détention des actifs. Cette approche n'a cependant rien d'évident. En effet, il n'existe pas d'éléments très solides permettant de conclure à un problème de financement à long terme de l'économie française. La comparaison des PME françaises avec leurs homologues allemandes, espagnoles et italiennes montre que les PME françaises ont des fonds propres et une dette à long terme plus importants que les entreprises allemandes ou italiennes. »

Réserver le régime fiscal favorable de l'assurance vie au très long terme

 D'autres économistes (2) estiment que la fiscalité actuelle

« avantage les revenus qui sont tirés des patrimoines immobiliers et ceux tirés des supports d'épargne peu risqués, participant peu au financement de l'appareil productif (livrets défiscalisés, assurance vie investie principalement des obligations d'Etat) ».

D'où l'idée, émise par France Stratégie ou par le président de Rexecode, Michel Didier, de réserver le régime favorable de l'assurance vie aux investissement de très long terme. Emmanuel Macron s'appuie sur ces analyses pour prôner la banalisation de l'assurance vie, en tous cas de sa fiscalité, qui deviendrait identique à celle frappant le reste de l'épargne.

Pour Thierry Martel, il ne faut donc pas défendre l'existant -comme le fait Bernard Spitz- ,

« il faut être force de proposition, réveiller l'assurance vie qui a perdu son âme,  en faisant jouer aux assureurs leur rôle de gestionnaire du risque". Il faut donc « réorienter l'assurance vie », dit-il.

Les pistes peuvent être diverses. Elle pourrait contribuer à financer la dépendance, ou bien sûr la retraite, alors que les besoins vont s'accroître.

Bref, les assureurs devraient être en mesure de présenter des contre propositions à Emmanuel Macron, plutôt que s'arcbouter sur l'existant, estime Thierry Martel.

(1)   Fiscalité des revenus du capital, Par Patrick Artus, Antoine Bozio et Cecilia Garcia-Penalosa, Conseil d'Analyse Economique

(2)   France Stratégie. Quels principes pour la fiscalité ?

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Commentaires 15
à écrit le 19/03/2017 à 9:43
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Le problème du financement à long terme de l'économie Française provient principalement d'un manque d'offre équivalent aux produits de l'assurance vie. Mais il n'y a pas que cela. L'instabilité pour les petites économies d'une ressource que l'on voit...

à écrit le 18/03/2017 à 10:54
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Vous êtes prévenus Français Mr Macron c est la suite de Mr Hollande :taxes et impôts nouveaux !! taxe de 30% sur assurance vie ,taxe de +1,7% sur csg pour les retraités

le 18/03/2017 à 15:18
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Absolument pas ! Macron c'est tout le monde au boulot, y compris le capital, qui doit prendre des risques dans l'économie productive plutôt que de profiter de rentes de niches fiscales inutiles (l'assurance-vie finance les déficits publics). Vous voy...

le 19/03/2017 à 15:14
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Pas vraiment (voir mon post plus bas). Le compte titre qui est beaucoup plus pratique que l'assurance-vie est désormais favorisé par Macron puisque taxé à un taux forfaitaire de 30% alors qu'il peut l'être beaucoup plus actuellement (50%). Il bénéfic...

à écrit le 18/03/2017 à 10:46
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"en faisant jouer aux assureurs leur rôle de gestionnaire du risque". Je ne comprends pas, n'est ce pas ce qu'il font à la place des assurés?

le 18/03/2017 à 15:26
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L'assurance-vie est largement placée en OAT pour financer la dette publique française, qui est dans l'échelle des risques la moins forte. Les assureurs sont invités à proposer des produits avec plus de risques pour améliorer les rendements et ce fai...

le 19/03/2017 à 15:28
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@Léo RB: 1) le métier des assureurs, des banques et de toute autre entreprise, c'est de gagner de l'argent. Proposer des produits plus risqués pour qui ? Il est bien évident que quand on achète ou vend par exemple 1 million de titres, on a un impact ...

à écrit le 17/03/2017 à 22:10
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Assurance-vie finalement pas de changement important immédiat A l'heure actuelle, les gains (la part d'intérêts comprise dans la somme retirée) sont imposés après 8 ans à 23% (7,5% après abattement et 15,5% de prélèvements sociaux). Le 16 mars ...

à écrit le 17/03/2017 à 18:27
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Ne disais-je pas récemment que tous les placements comportaient des risques (dont celui de perdre sa mise), et que plus l'horizon de placement est lointain, plus le risque est élevé. Bon ceux qui lisent dans le marc de café peuvent prévoir l'avenir, ...

à écrit le 17/03/2017 à 18:20
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Tous les membres de notre famille ayant un contrat d'assurance vie viennent de prendre une douche froide avec la décision de M Macron. Bien qu'il vient de faire un petit marche arrière, nous sommes ne voterons pas pour lui. Trop risqué sur le plan fi...

le 17/03/2017 à 22:16
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Cà ne concerne que les nouveaux contrats et les sommes inférieures à 150.000 euros mais çà avantage aussi les comptes-titres donc çà permet de transférer de l'argent de l'assurance-vie dont on sait qu'elle est trop chargée sur des comptes titres dont...

à écrit le 17/03/2017 à 18:01
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Notre industrie est surtout financée par les fonds de pension étrangers et les pays du golfe .!!!!!! voudrait donc mieux inciter l'assurance vie à le faire sans la matraquer fiscalement NOUS SOMMES DEJA A 56% du PIB ,,,,,?????

à écrit le 17/03/2017 à 18:00
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Ce que fait Macron , c'est surtout augmenter sa base de prélèvement en utilisant la CSG comme principal levier alors qu'il a été l'instigateur de la réforme sur les comptes titres qui a fait fuir le capital . Les classes moyennes seront donc un peu ...

à écrit le 17/03/2017 à 17:52
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calmos! les taux sont a 0, et les francais ne vont pas acheter massivement des actions parce que ca rapporte rien en fonds euros! enfin avec une oat 10ans a 1% et des frais a 0.8%, ca fait 0 ou presque faites le calcul 0 * 0.23 = 0 0* 0.30 = 0 ...

à écrit le 17/03/2017 à 16:46
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Macron vient de modifier cette approche fiscale de façon plus intéressante. L'article n'est plus valable.

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