La hausse à venir des taux d'intérêt, bonne nouvelle pour les assureurs

Qu'elle soit lente ou rapide, la hausse des taux d'intérêt qui se profile fera l'affaire des assureurs et des épargnants, estiment les économistes d'AG2R. Même si le rendement des contrats en euros ne se redressera que très lentement
Ivan Best
Janet Yellen, présidente de la Fed. La banque centrale américaine devrait relever ses taux en décembre, puis deux fois en 2017. Depuis décembre 2015, ils sont à 0,5%

Jamais les taux d'intérêt n'ont été aussi bas. Même après l'élection de Donald Trump, qui a provoqué une hausse des taux sur l'ensemble des marchés, il se situent à 0,63% en France pour les emprunts d'État à 10 ans. C'est historiquement  faible : y compris pendant les périodes de déflation que la France a connues aux XIXè siècle, ces taux longs n'étaient jamais descendus sous les 3%. Cette situation tient bien sûr à la politique monétaire menée par les banques centrales, qui ont ramené le loyer de l'argent à des niveaux proches de zéro: pour une bonne part, les taux d'intérêt à long terme ne sont simplement que l'anticipation des futurs taux courts, qui devraient rester bas.

Mais il est acquis que la banque centrale américaine, la Réserve Fédérale, va désormais procéder à plusieurs hausses de son taux directeur, compte tenu de l'état toujours assez favorable de l'économie américaine, et d'une situation proche du plein emploi qui provoque des hausses de salaires, source d'inflation. Une remontée certes graduelle : proches actuellement de 1%, les taux d'intérêt à trois mois aux Etats-Unis pourraient approcher les 2% d'ici 2020. Comme le souligne Philippe Brossard, chef économiste d'AG2R La Mondiale, « nous sommes entrés dans une nouvelle ère monétaire plus accommodante ». La banque centrale américaine est désormais prête à maintenir le loyer réel de l'argent -déduction faite de l'inflation- sous le niveau de la croissance, ce qui constitue une rupture historique. Il y aura bien hausse, mais modérée.

Une assurance vie aux rendements durablement bas

En Europe, la BCE devrait suivre, bien sûr, comme toujours, avec retard, très progressivement, à mesure que la hausse des prix remontera de son bas niveau actuel (0,5% sur 12 mois). Avec quel effet pour les assureurs et les épargnants qui leur confient leurs économies ? Parmi ces derniers, ceux qui espèrent que les rémunérations des contrats d'assurance vie favoris des Français (contrats en euros, au capital garanti) vont repartir à la hausse, après quinze ans de baisse continue, se trompent lourdement. En moyenne, les assureurs ont servi un rendement de 2,3% pour l'année 2015, celui de 2016 risque fort d'être sous les 2%. Selon les économistes des Cahiers de l'Epargne, on passerait de 1,9% pour 2016 à 1,6% en 2017 et 1,5% les trois années suivantes. Philippe Brossard juge ce scénario plausible, même s'il pourrait être un rehaussé légèrement compte tenu de la hausse des taux déjà intervenue.

Pourquoi le maintien de rémunérations aussi faibles alors que les taux d'intérêt vont remonter ? Tout simplement parce que le rendement de l'actif des assureurs, déterminant pour la rémunération de leurs clients, dépend largement des titres qu'ils ont acheté au cours des années passées. La durée de détention des obligations qu'ils ont en portefeuille est proche de 8 ans. S'ils ont pu offrir encore un rendement de 2,3% en 2015, alors que les taux d'intérêt à 10 ans étaient tombés en moyenne à 0,8% sur les obligations d'Etat, c'est bien grâce à « d'anciennes » obligations, à la rentabilité bien supérieure, toujours en portefeuille. Ce qui signifie a contrario que les titres actuellement achetés, dont le rendement atteint péniblement 1,5% en moyenne, marqueront durablement, pendant 8 ans, la rentabilité de l'actif des compagnies d'assurance.

Une remontée des taux profitable aux assureurs...

Pour les assureurs, cette remontée des taux d'intérêt sera aussi profitable. Aujourd'hui, ils sont contraints de comprimer leurs marges sur les contrats en euros, tant la rémunération est faible. Ils mettent d'ailleurs tout en œuvre pour que leurs clients basculent sur les Unités de compte, contrats investis en actions, dont le risque est porté par l'épargnant. S'agissant de la vente de contrats en euros, « en 2015, nous avons actionné le frein à main, en 2016 nous avons le pied sur le frein » affirme Sylvain de Forges, directeur général délégué d'AG2R La Mondiale. Cependant, les clients réclament toujours des contrats en euros. A preuve, si, en assurance vie, 32,7% des sommes confiées à AG2R le sont sur des contrats en unités de compte (plus des deux tiers restent donc euros) ; cette proportion d'UC est encore inférieure pour l'ensemble du marché français, sous les 20%.

... même si est rapide

Et si les taux d'intérêt à long terme, déterminés par le marché, remontaient trop brutalement ? Sylvain de Forges et Philippe Brossard ne croient pas à un krach obligataire. Même en cas de remontée rapide, ce serait bénéfique pour les assureurs. Le seul risque serait que les taux remontent au dessus du rendement de l'actif (3,5% actuellement pour AG2R). Car, dans ce cas, de nouvelles compagnies d'assurance, investissant dans des obligations rapportant 5%, par exemple, pourraient offrir cette rémunération aux épargnants, alors que les anciennes, lestées par leur portefeuille moins rentable, ne le pourraient pas. Un risque mineur, en réalité.

Ivan Best

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Commentaire 1
à écrit le 24/11/2016 à 13:37
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Ah !? Et du coup ils vont enfin baisser leurs tarifs au lieu de les augmenter chaque année ? Aucune chance oui je sais bien, assurances et banques étant les fossoyeurs de notre économie avec la perpétuelle bénédiction de nos politiciens.

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