"Notre avenir, c'est tarifer selon le comportement de l'assuré" (Godefroy de Colombe)

Pour Godefroy de Colombe, PDG de Direct Assurance, filiale d'Axa, l'assurance ne se vendra jamais majoritairement en ligne, comme les billets d'avion, preuve qu'il s'agit là d'un service particulier. Mais le modèle va beaucoup évoluer. Notamment vers une tarification de plus en individuelle, liée au comportement de l'assuré.
Godefroy de Colombe, PDG de Direct Assurance

 Le modèle de l'assurance directe, vendue en ligne, progresse, mais ne semble pas être appelé à dominer le marché, y compris pour des services « standard » comme l'assurance auto. Comment expliquez-vous cette résistance, alors que la vente en ligne s'est imposée dans beaucoup de secteurs ?

Nous sommes en croissance soutenue, avec une progression de notre activité qui atteindra encore +5 à +10% en France cette année, dans un marché en croissance quasi nulle. Donc le modèle trouve ses clients ! Mais effectivement, la vente d'assurance sans intermédiaire ne deviendra sans doute pas le modèle dominant. Je crois qu'il restera toujours un plafond de verre pour ce type de distribution, peut être vers 15% de parts de marché. La situation française a des similitudes de ce point de vue avec celle de l'Italie ou de l'Espagne.

On se focalise trop souvent sur la vente, la distribution de l'assurance, mais c'est l'ensemble de la gestion de la relation-client qui compte, avec le contrat tout au long sa durée de vie et les éventuels sinistres. Ce n'est pas comme acheter un billet d'avion sur internet : ce billet fait l'objet d'une consommation en une fois, le service est bien identifié. Un produit d'assurance, vous achetez de la tranquillité d'esprit, c'est-à-dire les garanties qu'un service et une indemnité vous seront proposés le jour où vous en aurez besoin... C'est plus intangible !

Le vrai modèle pour l'assurance est la combinaison de la technologie et du contact humain, chacun pour ce qu'il fait de mieux et au moment le plus opportun de l'expérience client. C'est très subtil, mais c'est aussi très scientifique : cet équilibre se mesure et s'optimise.

Est-ce à dire que vous allez ouvrir des agences ?

Ce n'est pas notre modèle. Un réseau physique nous contraindrait à augmenter nos tarifs sensiblement. Notre idée, c'est que nos conseillers joignables à tout moment au téléphone soient en mesure de jouer ce rôle de « rassurance », de répondre à toutes les interrogations de nos clients. A commencer lors du sinistre, qui est et reste le cœur du métier. Voilà pourquoi notre nouvelle campagne insiste sur l'humain, la présence du téléconseiller qui peut s'occuper de tout. Elle met en scène des humains dans un smartphone : on ne peut être plus clair !

Par certains aspects, nous sommes confrontés à la même problématique que les télécoms. Les consommateurs sont rassurés s'ils savent qu'ils peuvent rapporter leur box ou leur portable défaillant. Free, dont le modèle est bien sûr la vente en ligne, a été confronté à ce sujet et a très bien joué en ouvrant quelques boutiques : même si elles sont très peu nombreuses, même si peu de clients s'y rendent, l'idée s'est imposée dans les esprits qu'il est possible d'avoir un contact physique chez Free. Cela suffit à les rassurer !

Pour 85%, votre activité repose sur l'assurance auto. Pourriez-vous vous diversifier ?

Notre activité en auto se développe rapidement, comme je l'ai mentionné, mais nous avons un autre axe de développement : l'habitation. Notre croissance sur de marché atteint actuellement environ 20%.

Et en termes géographiques ? En assurance directe, le groupe Axa est présent en Grande-Bretagne, en Italie, Espagne, Belgique, Pologne, Corée du sud, Japon et Chine... cela laisse beaucoup de zones à défricher...

Pour se développer, l'assurance directe a besoin d'une masse critique car notre modèle économique repose sur l'industrialisation de volumes importants. Comme ce canal reste généralement minoritaire, il nous faut donc un marché automobile important. Des pays comme l'Inde auraient pu apparaître a priori intéressants, mais le nombre d'autos à assurer n'y est en réalité pas si élevé. Partout, aujourd'hui, notre modèle connaît une croissance importante, tout en étant rentable. La crédibilité du modèle direct tient à ce que ces deux objectifs soient atteints, croissance et rentabilité, ce que certains de nos concurrents ont pu oublier à leurs dépens dans le passé.

Et la Russie ? Ou les Etats-Unis ?

La Russie pourrait être un bon candidat, mais la question de la gestion des réseaux dans un pays aussi vaste rajoute une contrainte forte au modèle direct. Aux Etats-Unis, il y a une réticence des européens à investir dans le secteur de l'assurance dommages, notamment en raison de souvenirs douloureux, comme le 11 septembre. Mais les marchés et les modèles bougent vite, il faut être attentif.

Dans quels pays pourriez-vous alors développer ce modèle ?

Le Brésil pourrait être un exemple... Nous sommes leaders mondiaux, donc nous pourrions aussi être consolidateur dans les pays où nous opérons. En fait, nous l'avons déjà été récemment en Corée et en Pologne par exemple. Mais il n'est pas question d'investir à n'importe quel prix. La tendance de valorisations irraisonnables parce que c'était de la vente sur internet me semble passée. C'est ensuite, comme souvent, question de timing par rapport au marché.

Comment se développe YouDrive, votre assurance « pay how you drive » ?

Nous tenons notre plan de marche. C'est une assurance dont le prix peut varier jusqu'à -50% à la baisse en fonction de la qualité de la conduite. Elle est destinée aux conducteurs qui ont moins de 7 ans de permis. C'est une clientèle en réalité très hétérogène et pas si évidente à cibler, puisque son âge peut aller de 20 à 35 ans voire plus.

Allianz propose aussi un tel service en France, quel est votre avantage par rapport à ce concurrent ?

Ce que nous offrons est très différent. Allianz propose une option « pay how you drive » à des conducteurs déjà clients, avec une baisse éventuelle de leur prime au bout d'un an. Pour notre part, c'est une stratégie d'acquisition de nouveaux clients à qui nous offrons un produit entièrement nouveau dont la prime varie chaque mois de +10 à -50% dès le premier mois. C'est à certains égards plus proche d'un forfait téléphonique que d'une assurance.

Ce modèle de tarification selon le comportement de l'assuré ne finira-t-il pas par s'imposer, avec le risque d'une dérive vers une société de contrôle ? Les consommateurs veulent-ils de Big brother ?

Il faut avoir des convictions : je suis persuadé que ce modèle est effectivement l'avenir de l'assurance. Car il réconcilie de manière vertueuse l'intérêt de l'assuré (payer moins cher), celui de l'assureur (moins de sinistre) et celui de la société en général puisque les accidents graves interviennent rarement sans victimes extérieures. C'est un des meilleurs exemples de digitalisation « heureuse ». Le « contrat » autour de l'utilisation des données est transparent et les bénéfices sont clairs. On ne peut pas en dire autant de la plupart des applications de votre téléphone portable..

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Commentaires 2
à écrit le 24/06/2016 à 8:59
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Lisez cet article, vous saurez que ça existe, notamment chez Direct Assurance via un boitier et votre smartphone http://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/assurance/le-cout-de-votre-assurance-auto-indexe-sur-votre-conduite-557737.h...

à écrit le 24/06/2016 à 7:14
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Comment un assureur peut il savoir si un automobiliste a une conduite vertueuse ou pas !En terme de vitesse seul un mouchard installé sur le véhicule à l’instar des poids lourds peut remplir ce role mais pour les poids lourds ,seule la durée de condu...

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