Les fonds de pension à la française créés début 2017

Michel Sapin promet une publication rapide des textes d'application, pour que ces Fonds de retraite professionnelle (FRPS) puissent être créés « début 2017 ». Le régime prudentiel sera assoupli, permettant aux assureurs gérant ces fonds d'investir plus facilement en actions
Ivan Best
Michel Sapin estime à 130 milliards d'euros les sommes qui pourront basculer vers les fonds de pension à la française

Les fonds de pension à la française, c'est pour bientôt. Non pas que la France s'apprête à basculer du système de retraite par répartition à la capitalisation. Mais les assureurs vont être encouragés à promouvoir les Fonds de retraite professionnelle supplémentaire (FRPS), qui, comme leur nom l'indique, s'ajoutent aux retraites de base et complémentaire, dans les cadre des entreprises. Les FRPS ont été approuvés par les députés en seconde lecture de la loi Sapin 2, et la loi devrait être définitivement adoptée au cours des semaines à venir. « Je veux une publication rapide des textes d'application » a déclaré le ministre des Finances, Michel Sapin, intervenant lors de la 8è conférence internationale de l'assurance, organisée par la Fédération Française de l'Assurance. « Il faut que le FRPS puissent être créés début 2017 » a-t-il ajouté.

Aujourd'hui, le marché de ces retraites supplémentaires est encore très limité (5,3 milliards d'euros par an versés par les entreprises, pour une dépense publique de retraite dépassant les 300 milliards). Mais il pourrait croître à mesure que grandissent les inquiétudes sur le système public de retraite et son rendement.

Que va apporter la loi Sapin 2 aux assureurs ? Avant tout possibilité de développer ce marché sans avoir à faire face à des exigences trop fortes en capital, ce qui obère le rendement de cette activité. Et surtout, sans attendre cette progression, les assureurs voient surtout dans l'instauration de fonds pension professionnels, la possibilité d'améliorer franchement leurs ratios de solvabilité.

Chute des ratios de solvabilité

Depuis le premier janvier 2016, c'est la directive Solvabilité 2 qui s'applique, et qui est sensée évaluer la solvabilité des différents acteurs de l'assurance, en se basant sur une valorisation quasiment en temps réel des actifs (valeur de maché), alors que S1 retient une valeur historique . Il s'agit de tester la résistance de telle ou telle compagnie à une crise financière, de savoir si elle détient suffisamment de fonds propres pour faire face à une telle crise, sur la base de multiples scénarios. Pour certains acteurs, l'introduction de Solvabilité 2 a fait chuter les indicateurs de solvabilité. Une compagnie passe la rampe si elle atteint les 100% se solvabilité -elle a alors suffisamment de fonds propres- , mais toutes veulent afficher une marge de sécurité importante et donc se situer bien au-dessus. Ainsi, Axa annonce un ratio S2 de 205% au 31 décembre 2015, Allianz 200%, Generali 202%.

Le jackpot des fonds de pension à la française

Pour des acteurs moins importants, mais non négligeables en France, notamment sur le marché de l'assurance santé-prévoyance-retraite, la situation apparaît moins favorable. Ainsi, le groupe de protection sociale (paritaire) AG2R La Mondiale a publié un ratio de solvabilité en forte baisse entre l'ancien mode de calcul (S1) et le nouveau (S2). Le ratio, qui avait été porté à 150% avec l'ancien calcul, est tombé à 120% au premier janvier 2016, avec Solvabilité 2. Un affichage assez peu « confortable » vis-à-vis des investisseurs et de l'ensemble du marché, qui amène les dirigeants d'AG2R La Mondiale à chercher tous les moyens de l'améliorer. Comment ? Plusieurs solutions sont envisagées, qui pourraient se cumuler : renforcer les fonds propres, via l'émission de « certificats mutualistes », réduire la rémunération du portefeuille d'assurance vie, en favorisant la souscription de contrats d'assurance vie en unités de compte -où le risque est assumé par l'épargnant-, augmenter les marges en assurance prévoyance et santé...

Mais, pour AG2R, le jackpot, le moyen le plus puissant susceptible d'améliorer le ratio de solvabilité que scrutent les investisseurs, serait l'avènement des fonds de pension à la française. Pourquoi ? Tout simplement parce que les assureurs ont obtenu que les fonds en vue de la retraite aujourd'hui soumis à la règlementation de Solvabilité 2, basculeraient d'un seul coup dans un autre monde, celui de la directive européenne sur les Institutions de Retraite professionnelle (IRP) prévue pour les fonds pension. Avec à la clé, une règlementation beaucoup souple, beaucoup moins exigeante en capital, nos voisins britanniques ayant bataillé et obtenu au niveau européen de conserver cette grande liberté pour leurs fonds de pension. Pour AG2R La Mondiale, l'effet serait massif. Le ratio de solvabilité, aujourd'hui tombé à 120%, pourrait remonter d'un coup à 150% voire plus, dès lors que l'activité retraite supplémentaire existante (le stock déjà géré) et à venir serait basculée vers ces nouveaux fonds de retraite professionnelle supplémentaire, aux exigences allégées.

L'ACPR veille

Avant l'été, certains assureurs ont pu craindre que l'ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) voie d'un mauvais œil cette directive IRP, l'estimant bien peu exigeante. « Elle va peut-être imposer aux gestionnaires de ces nouveaux fonds de retraite des niveaux de couverture par des capitaux propres bien plus élevés qu'anticipé par les assureurs, l'idée est de se rapprocher un tant soit peu des normes de Solvabilité 2 » affirmait un professionnel du secteur. Du coup, l'intérêt de la réforme pour les assureurs s'en serait trouvé très réduit.

En fait, ces craintes étaient pour une grande partie infondées. La réalité sera plus favorable aux groupes comme AG2R. C'est bien sur la base de Solvabilité 1 que seront calculées les exigences en capital, donc de façon beaucoup plus favorable aux gestionnaires de fonds de retraite. Seule différence introduite par l'ACPR : des « stress tests » vont être prévus, mais sur une base de long terme. Il s'agit de savoir si, à l'échéance de 10 ou 20 ans, un choc financier pourrait mettre ces fonds de retraite en risque. Dans ce cas, les assureurs concernés seraient appelés à abonder au capital de ces fonds.

Au total, ce sont donc près de 130 milliards d'euros, selon Michel Sapin, qui pourraient basculer début de 2017 dans ces nouveaux FRPS. Avec, comme objectif final, un meilleur financement de l'économie : ces FRPS pourront contribuer plus fortement au financement des PME, puisque, pour un investissement en actions, les exigences en capital seront beaucoup moins élevées que dans le régime Solva 2.

Ivan Best

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Commentaires 3
à écrit le 17/10/2016 à 14:21
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Bravo Michel ! J'attends ca depuis 1997, la loi Thomas !

à écrit le 17/10/2016 à 13:32
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Le plus bel incompetent de l'equipe en place. Vivement l'alternance.

à écrit le 17/10/2016 à 13:18
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Encore une mesure de droite que n'avaient pas osé les gouvernements précédents de droite. Le PS, une droite qui progresse !

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