Téléassistance : les assureurs insistent, mais le marché ne décolle pas

Groupama lance une nouvelle offre de téléassistance pour aider les personnes âgées à rester autonomes et à garder un lien social avec leurs proches. Ce système largement investi par les assureurs tarde à convaincre les Français.
Jean-Yves Paillé
L'AFRATA, syndicat des entreprises proposant des offres de téléassistance, recense "520.000 personnes raccordées à un système de téléassistance" dans l'Hexagone.

Dans la course au développement d'offres numériques pour seniors, Groupama a mis un coup d'accélérateur, mardi 7 février. Ce jour-là, l'assureur français a lancé Noé, un système de télé-assistance pour personnes âgées, afin de les aider à rester autonomes. "Nous proposions déjà d'autres offres, mais celle-ci est une vraie innovation", lance lors d'une conférence de presse Meriem Riad, à la tête du pôle digital de l'assureur.

Avec Noé, l'assureur a couplé des offres déjà développées ailleurs, mais qui étaient utilisées séparément : une tablette pour que la personne âgée reste en contact écrit ou vidéo avec ses proches et puisse avoir des nouvelles de ces derniers tout en les informant sur son état de santé; un bracelet connecté rallié à une plateforme d'alerte, détectant les chutes notamment; et une application que les proches et les aidants peuvent télécharger pour interagir avec la tablette et donc avec le senior.

Les autres grands assureurs déjà sur le créneau de la téléassistance

Pour se démarquer, Groupama insiste sur le fait qu'il serait "premier à lancer une offre globale de téléassistance couplée à un vrai réseau social". Car le groupe est loin d'être le premier dans le secteur à proposer un service dans ce domaine. Parmi ses concurrents:

Un système difficilement rentable ?

Pour le système proposé par Groupama, chaque personne âgée devra débourser 29,90 euros par mois (avec une réduction d'impôt possible de 50% dans le cadre de loi Borloo) pour la totalité de l'offre. Et les appareils sont disponibles gratuitement. Et "si par mégarde, la personne âgée en brise un accidentellement, une nouvelle tablette lui sera envoyée", explique l'assureur.

Difficile de voir dans ces conditions et avec de tels prix comment les assureurs dégageront une marge. Frédéric Serrière, fondateur du think tank Age Economy, est perplexe. "La téléassistance est utilisée par les plus de 80 ans et a deux ans et demi de durée de vie en moyenne, avant que la personne âgée ne parte en maison de retraite ou ne décède. Les assureurs peuvent difficilement rentabiliser un tel système", explique-t-il à La Tribune. Il estime que Groupama pourra vendre cette offre à quelques milliers d'assurés, qui découvrirait l'existence de la téléassistance.

Quel intérêt pour les assureurs ?

Où les assureurs trouvent-ils leur compte ?  Groupama espère convaincre les aidants des personnes âgées notamment, pour qu'ils deviennent leurs clients, enthousiasmés par l'apport du nouveau service, expose Christian Cochennec. Ainsi, ce système de téléassistance de Groupama n'est pas seulement dédié à son "portefeuille de 2 millions de seniors", il est également élargi aux non-adhérents.

Pour Benjamin Zimmer, directeur de Silver Valley, une organisation qui rassemble et promeut les acteurs franciliens de la silver économie, l'intérêt principal des assureurs  "est d'éviter la prise de risque des adhérents" afin de réaliser des économies.

Un marché qui tarde à décoller

Mais creuser son trou dans le marché ne sera pas aisé pour Groupama et sa nouvelle offre. D'une part, les assureurs ne sont pas seuls sur ce créneau. Rien qu'en Île-de-France, une vingtaine de sociétés sont membres de l'AFRATA, syndicat des entreprises proposant des offres de téléassistance. Et plusieurs départements lancent des initiatives de service gratuit dans ce domaine.

D'autre part, l'AFRATA recense "520.000 personnes raccordées à un système de téléassistance" dans l'Hexagone. Un nombre qui progresse lentement. Et pour Frédéric Serrière, le marché ne va pas décoller avant dix ans, malgré l'argument du vieillissement de la population utilisé par les assureurs.

"Au Royaume-Uni, on compte plus de deux millions de personnes ayant recours à la téléassistance, car ce service proposé systématiquement aux patients, et c'est une façon d'éviter quelques jours d'hôpital onéreux", explique Benjamin Zimmer.

En outre,il ne faut espérer un décollage prochain, selon Frédéric Serrière.

"Le marché de la téléassistance est quasi-stable en France. Et quand vous vous intéressez à la pyramide des âges le nombre de personnes de plus de 80 ans ne va pas progresser avant 2025. Par ailleurs, la France n'a pas une culture de la prévention, sans compter que l'utilisation de tablettes est difficile à faire accepter à des octogénaires."

Et au sommet de l'État, les difficultés pour faire progresser le marché interpellent. La Direction des entreprises organise d'ailleurs à ce sujet une conférence le 24 février intitulée "Téléassistance et services associés : vers une nouvelle dynamique ?".

Jean-Yves Paillé

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Commentaires 10
à écrit le 09/02/2017 à 11:52
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Il faudrait un Free de l'assurance, ces tarifs sont prohibitifs pour les personnes réellement dans le besoin d'assistance. Seul une vision low cost mais de masse peut fournir un business modele qui décolle On se croirait dans l'industrie des tél...

à écrit le 09/02/2017 à 7:17
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Il faudrait aussi prendre en compte que nous n'avons pas subitement 80 ans , mais que nous pouvons aussi nous équiper (en tablettes, en bracelets connectés, ... ) avant et en ayant encore des capacités pour apprendre. Dans les logements "d'anciens" i...

à écrit le 08/02/2017 à 23:26
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L'eldorado de la silver économie va se fracasser sur le mur des réformes des retraites et des salaires des aidants en berne qui ne peuvent pas financer tous ces nouveaux services et le pourront de moins en moins. A confondre la hausse de la part des ...

à écrit le 08/02/2017 à 19:59
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Comment peut-on s’étonner que ça ne marche pas ? Ma grand-tante de 102 ans vit seule dans sa petite maison je suis sa seule famille(à 600 km) à l’exception de ma mère de 85 ans qui n’est plus en capacité de prendre en charge sa vieille tante. Récemme...

à écrit le 08/02/2017 à 14:51
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Tiens, je viens d'aller sur le lien : dans le cadre de loi Borloo Et qu'est-ce qu'on y trouve : Diverses dispositions sont intégrées à la loi et présentées comme devant favoriser la cohésion sociale.L’une d’elle prévoit d’assouplir les « norme...

à écrit le 08/02/2017 à 9:33
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Trop cher, trop de technologies compliquées

le 08/02/2017 à 18:08
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Si vous étiez un peu au courant vous devriez savoir qu'une téléalarme c'est un simple boitier relié au téléphone (ligne fixe)et un bracelet avec un bouton à presser. ça a sauver la vie d'une personne agée que je connais et qui est tombée chez elle ...

à écrit le 08/02/2017 à 9:30
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"pour qu'ils deviennent leurs clients, enthousiasmés par l'apport du nouveau service, expose Christian Cochennec" Nos décideurs économiques sont ridicules, ils sont tellement déconnectés des réalités qu'ils anticipent que leurs clients, bien souv...

le 08/02/2017 à 10:25
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L'auteur de l'article parlait, non pas des personnes âgées, mais de leurs "aidants" (= enfants, proches...) lorsqu'il écrit "(...) pour qu'ils deviennent leurs clients, enthousiasmés par l'apport du nouveau service (...)"

le 08/02/2017 à 10:53
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ok et merci pour la précision en effet je pensais qu'ils s'adressaient directement aux mourants. Maintenant est il raisonnable d'attendre aussi de l'enthousiasme de la part des proches du futur mourant ? Quand mes parents auront besoin d'un t...

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