Jérôme Kerviel contre la Société Générale : suivez le procès minute par minute

Poursuite de la deuxième semaine d'audience pour le procès de Jérôme Kerviel contre la Société Générale, qui a commencé mardi 8 juin. Suivez les débats minute par minute avec notre envoyé spécial Benjamin Jullien. Ce mardi, le trader vient de dévoiler sa fameuse stratégie gagnante secrète.

Deuxième semaine du procés de Jérome Kerviel. Suivez en direct le compte-rendu de l'audience de ce mardi et retrouvez également le compte-rendu de la cinquième journée d'audience, le compte-rendu de la quatrième journée d'audience le compte-rendu de la troisième journée d'audience, le compte-rendu de la deuxième journée d'audience et le compte-rendu de la première journée d'audience ainsi que le résumé de toute cette affaire en diaporama animé.

9h40 La gestion des alertes.

L'audience de ce matin porte sur la gestion des alertes au sein de la banque, et notamment sur les relations entre les services de contrôle et le desk "Delta One", où travaillait Kerviel.
Le président attaque avec l'évolution de la trésorerie de Jérôme Kerviel, qui a connu une évolution en dents de scie à partir de mars 2007, et qui est notamment passée de -2 milliards à +1,4 milliard en un mois au cours de l'été 2007.

"Le trésorerie est le reflet de votre activité : plus vous achetez de titres, plus le solde baisse. Toutes les transactions ont un impact sur le niveau de cash", explique l'ancien trader de la Société Générale, qui porte un costume et une cravate noirs sur une chemise blanche.

"Sur les produits sur lesquels je travaillais, les turbo warrants (options de vente ou d'achat à barrière désactivante), je touchais du cash chaque fois que j'en vendais à un client, et dès que j'en achetais sur la Bourse allemande Eurex, je devais verser un "deposit" (équivalent d'un dépôt de garantie) à Eurex, qui percevait aussi des appels de marge en fonction de l'évolution de ma position"

Le président : "selon M. Cordelle, cette image n'est pas forcément celle d'un résultat, mais celle d'une activité, au sens où le trésorerie ne suit pas forcément le résultat...
- C'est vrai, mais tout est question de niveau. Dire que sur le premier trimestre j'aurais prêté 2 milliards d'euros alors que je n'avais pas de cash, ce n'est pas crédible. De même, je n'aurais pas emprunté 1,4 milliard au second semestre 2007, ça coûte cher et ça ne sert à rien.
- "Plus tard, fin 2007, la crise de liquidité arrivant, mon cash était le bienvenu, mon supérieur, qui était au courant du montant de 1,4 milliard, m'a dit "il faut que tu le prêtes", et c'est ce que j'ai fait. Une employée du desk s'occupait de faire le lien entre les traders, nous passions par elle pour ces prêts emprunts de cash."

10h. Des choux et des carottes.


Le président fait projeter un tableau qui montre l'évolution de la trésorerie de Kerviel et celle, cumulée, des autres traders de son desk. Les évolutions semblent erratiques dans les deux cas, ce que la banque présente comme une preuve que l'évolution de la trésorerie de Kerviel n'avait rien de spécialement remarquable.

«La Société Générale mélange tout ! » s'exclame Me Metzner (Kerviel)

Kerviel explique : « ce tableau a amalgamé des activités très différentes, car les activités de flux, comme celle que j'étais censé effectuer, demandent beaucoup moins de trésorerie que d'autres incluses dans l'autre courbe. On compare des choux et des carottes »

En réponse, la défense fait projeter un autre graphique qui compare les trésoreries des traders qui font de l'arbitrage sur warrants et celle de Kerviel. La trésorerie de Kerviel montre des mouvements beaucoup plus amples et erratiques que celle des autres traders.

Le président interroge Claire Dumas, qui représente la partie civile Société Générale : « Etes-vous d'accord pour dire que vous comparez des choses qui ne sont pas comparables ?

- Non. D'abord, Kerviel nous expliquait la semaine dernière qu'il faisait plusieurs activités et pas que du market making, or ici on ne voit que celle-ci. La courbe de la défense ne reflète que les traders qui font strictement de l'arbitrage sur warrants, c'est-à-dire l'activité dont Kerviel nous a expliqué que ce n'était pas sa principale. Son autre activité, le market making, s'apparente en revanche à notre courbe ».

« Quant au reporting que Kerviel vous a montré, c'est celui auquel il avait accès à son niveau, mais au niveau de son N+3 M. Baboulin, patron du pôle « equity finance », le solde de trésorerie pouvait atteindre 10 milliards », ce qui explique selon elle que le supérieur n'ait pas été alerté par la trésorerie de Kerviel.

10h20. Un emprunt d'un milliard d'euros.

Kerviel : « lorsque j'étais en perte latente de 2 milliards, j'ai emprunté 1 milliard à la trésorerie de la SocGen, et mon N+2 M. Rouyère s'est contenté de me demander pour combien de temps, alors que mon activité ne pouvait justifier un tel emprunt »

Claire Dumas intervient : « En juillet 2007, lorsqu'il a été interrogé, il ne saisissait pas que des transactions sur forwards fictives, mais aussi des prêts emprunts fictifs. Il faut bien comprendre qu'une trésorerie négative ne signifie par forcément une perte mais peut aussi résulter d'un emprunt, ou d'une opération d'achat génératrice de trésorerie couverte en risque par une opération de vente non génératrice de trésorerie. Le trader est responsable de sa trésorerie. Quant au management, il peut suivre la trésorerie de ses traders par sondage. Dans ces cas-là, Kerviel a varié ses explications, et saisi des prêts ou emprunts fictifs pour masquer sa position de trésorerie »

Me Metzner intervient : « comment expliquez-vous que M. Cordelle (N+1) ait demandé à Kerviel de prêter 600 millions fin 2007 s'il croyait vraiment que la trésorerie de 1,4 milliard de Kerviel résultait d'un emprunt ? Vous semble-t-il logique de prêter et d'emprunter en même temps ? ».

Claire Dumas s'en tient à son explication : la trésorerie ne reflète pas le résultat.

10h40. Masquer sa position de trésorerie.


Metzner interroge Kerviel : « Vous est-il déjà arrivé d'emprunter pour prêter ?
- Jamais.
- Quand vous étiez en solde positif, la banque vous payait des intérêts sur la somme ?
- Oui.
- Donc tout était visible ?
- Oui.
- Et quand vous étiez en gain, vous est-il arrivé d'emprunter du cash ?
- Jamais.
Kerviel explique : « c'est vrai que la trésorerie n'est pas le résultat, mais le résultat est une composante de la trésorerie, même si ce n'est pas l'intégralité de la trésorerie »
Le président : quand vous étiez en perte de 2 milliards, vous avez emprunté ?
- Oui, deux fois 500 millions.
- C'était des vrais emprunts ?
- Oui.
Le président interroge Claire Dumas : « s'agissait-il de vrais emprunts ?
- En l'occurrence oui, mais il en a aussi fait des faux pour masquer sa position de trésorerie.
- Attendez, il y a un trou de 2 milliards, un emprunt d'un milliard, il reste un trou de 1 milliard, il n'est pas visible ?
- Si, il existe dans les comptes de la banque, il est visible à un endroit, mais pas au niveau global, car il est noyé dans la masse des trésoreries des différents desks.

11h06 Le témoignage de Zizi.

Le premier témoin est Taoufik Zizi, ancien trader de la Société Générale, qu'il a quittée en octobre 2009. Il est arrivé en juin 2007 comme trader dans le desk Delta One, où travaillait Kerviel. Zizi était junior, et Kerviel était son senior.

« Kerviel suivait un peu mon activité, je lui posais des questions générales sur le trading, les risques, mais je ne l'interrogeais pas sur sa stratégie de trading »
- Lui est-il arrivé de vous couvrir ?
- Oui, c'est arrivé une fois où j'ai fait une perte de 300.000 euros. Ca s'est fait à travers une opération sur des forwards. C'est une chose anodine, qui est pratiquée assez communément.
- A votre connaissance, Kerviel a-t-il pris des positions sur un autre poste que le sien ?
- Oui, sur celui de M. Wu.
- M. Wu était là ? il était d'accord ?
- Et est-ce que le supérieur N+1, M. Cordelle, était là.
- Il me semble que oui.

Zizi explique ensuite que certains membres du desk savaient que Kerviel prenait des prises de positions directionnelles, mais qu'il croyaient que c'était « en intra-day » (au sens où les positions étaient débouclées en fin de journée), car ça restait dans la limite de risque « évaluée en fin de journée

« On voyait qu'il passait des ordres sur sa machine, c'est l'activité quotidienne, on ne pouvait pas ne pas voir »

Le président ironise sur cette double négation, qui semble désormais être « l'expression consacrée », car elle a été utilisée par la défense, et dénoncée par la banque et ses témoins, notament Jean-Pierre Mustier, quia affirmé que les double négociations étaient « trop compliquées » pour lui, alors que son intelligence est notoire.

Zizi poursuit : « il y a le mandat, et il y a la pratique. Si on veut prendre un peu de risque en cours de journée, en achetant quelques futures non couverts, on peut le faire, même si ce n'est pas dans notre mandat »

Il précise avoir fait un résultat de l'ordre de 2 millions d'euros en 2007 (sur six mois).
- Vous est-il arrivé de prendre des positions directionnelles ?
- Oui, en intra-day et sur des volumes réduits, autour d'une dizaine de futures, je ne suis pas censé en prendre plus.
Le président reprend les déclarations de Zizi lors de l'instruction.
« Pour moi, 70 % du résultat de Kerviel provenait du directionnel ».
« Je me suis demandé comment il avait pu prendre de telles positions à côté de moi sans que je m'en aperçoive »
Zizi raconte que Kerviel lui avait dit de ne surtout pas prendre de positions directionnelles, trop risquées.

10h55 Il n'était pas censé regarder cela.

La défense fait projeter un tableau de données, extrait de la base Eliot.

Me Huc-Morel, associé de Me Metzner, montre qu'il est facile de trier les données pour voir les intérêts versés ou prélevés à chaque trader en fonction de sa trésorerie :
« Quand Kerviel était en perte de plus de 2 milliards, la banque lui prélevait 217.00 euros par jour. Inversement, fin 2007, quand Kerviel avait 1,4 milliard de cash, sa trésorerie lu rapportait 150.000 euros par jour
- Les chiffres sont exacts, mais Kerviel était le seul à les voir, explique Claire Dumas.
- et M. Cordelle (son N+1) pouvait les voir, s'exclame Metzner !
- il pouvait, mais il n'était pas censé regarder cela, corrige Dumas.

11h42 Transactions fictives.


Me Martineau s'avance pour interroger le témoin. Il commence par le féliciter pour son diplôme à l'école Centrale, y voyant un exemple de « promotion sociale », apparemment parce que Zizi est né au Maroc.

Zizi explique que Kerviel l'impressionnait, et qu'il était considéré comme un trader « star » car il gagnait jusqu'à un million par jour.

Il confirme que lorsqu'il a pris en charge le « book » (le carnet d'ordres) de Kerviel pendant les vacances de ce dernier, à l'été 2007, il n'a pas vu les positions directionnelles extra-day de Kerviel car elles étaient dissimulées par des transactions fictives en sens inverse.

Interrogé par un avocat de la partie civile, Zizi explique qu'il n'est jamais passé par les autres services de la banque avant d'intégrer les opérations de marché. Il explique aussi que les traders ne pensent pas forcément aux conséquences de leurs actes sur l'entreprise, ses salariés et l'épargne salariale (en l'occurrence en actions SocGen)

Zizi déclare enfin qu'il a quitté la banque à l'issue d'un licenciement pour insuffisance professionnelle avec un an de salaire, soit une cinquantaine de milliers d'euros.

11h23 Comment il gagnait autant d'argent ?

La hiérarchie pouvait-elle ne pas voir les positions que prenait Kerviel ? demande le Président.

Après un temps d'hésitation, Zizi répond, l'air gêné : « Peut-être mais ça se voyait que Kerviel prenait des grosses positions des futures.
- Comment la hiérarchie pouvait-elle le voir ?
- Ben, le fait qu'il fasse des journées à un million d'euros, ce qui ne correspond pas à ses activités officielles, et le fait qu'il ait déclaré un résultat compris entre 45 et 60 millions sur l'année ».
Le président reprend les déclarations de Zizi pendant l'enquête : il a estimé que la hiérarchie savait que Kerviel faisait du directionnel et que ça représentait une bonne partie de son résultat, mais qu'elle devait croire qu'il le faisait sur des volumes moindres, et surtout en intra-day. Zizi précise que ce n'est que son opinion personnelle.

Le témoin est interrogé par un juge assesseur :
- Vous avez dit que Kerviel passait beaucoup d'ordres, c'était plus que les autres traders du desk ?
- Kerviel passait aussi des ordres par téléphone, ce qui était inhabituel, donc on se doutait qu'il jouait sur les futures
- Est-ce que vous parliez de l'activité de Keviel avec vos collègues ?
- Oui, on disait qu'il prenait beaucoup de risques mais q'il gagnait
- Pensez-vous que M. Cordelle (son N+1) fermait les yeux ?
- On peut imaginer qu'il laissait faire, car c'était étonnant qu'il ne se demande pas comment il gagnait autant d'argent.
- De façon générale, est-ce que M. Cordelle surveillait ses traders, où est-ce qu'il était coulant ?
- Il me surveillait car j'étais junior mais pour les autres je ne peux pas vous dire.
- Est-ce qu'ils se sentaient surveillés ?
- Je ne peux pas vous répondre. En tout cas il était présent, au même titre que M. Rouyère. Ce n'était pas quelqu'un d'absent

Zizi explique ensuite qu'il ne sait pas s'il est facile de faire des opérations fictives car il n'en a jamais fait. Il déclare aussi qu'en cas de position importante, au-delà de quelques centaines de milliers d'euros, il est d'usage d'en parler à son supérieur.

11h57 Démonstration de "spiel".

Me Metzner interroge le témoin. « quand Kerviel vous a laissé gérer son book pendant ses vacances, l'avez-vous cogéré avec M. Cordelle ?
- Disons plutôt qu'il intervenait quand ça devenait trop compliqué pour moi.
- Le dossier affirme que Kerviel ne prenait pas de vacances pour que personne ne puisse voir son book, mais vous confirmez que Kerviel vous a laissé gérer son book ?
- Oui.
- Et lorsque Kerviel a été rappelé car vous n'arriviez pas à gérer son book, est-ce M. Cordelle qui a pris cette décision, ou est-ce vous qui avez souhaité son retour ?
- C'est moi, car avec deux semaines d'expérience je n'y arrivais pas.

Zizi raconte ensuite avoir obtenu sa licence de Bourse en une journée.
Donc en tant ingénieur, on peut devenir trader en quelques heures ?
- Non, on apprend sur le tas.
- Quand vous êtes arrivé, que vous a-t-on expliqué ?
- En tant que junior, je devais m'améliorer sur les aspects qualitatifs, c'est-à-dire ma compréhension des marchés, mais on ne me donnait pas d'objectifs quantitatifs.
- Quand Kerviel annonce un gain de 55 millions fin 2007, quelle est la réaction au sein du desk ?
- C'était le meilleur résultat du desk, mais ce n'était pas une surprise car on savait qu'il gagnait beaucoup, ça semblait logique. » Il précise toutefois que ce résultat était illogique au regard de l'activité de Kerviel.
- Donc chaque jour, vous compreniez qu'il se passait quelque chose de plus chez Kerviel que chez les autres ? poursuit Metzner
- Oui.
Metzner cite les propos de Zizi pendant l'instruction : « ce montant ne pouvait pas provenir de l'activité normale des turbo warrants. Pour moi, il provenait à 70 % du spiel ». Zizi confirme.

- Quand on voit que quelqu'un gagne autant, le chef ne cherche-t-il pas à comprendre ?
- C'est à lui qu'il faut demander
- Et vous confirmez que Kerviel a fait une démonstration de « spiel » devant M. Cordelle, son supérieur, pour montrer comment on pouvait gagner de l'argent en quelques minutes
- Oui.
Metzner : Kerviel a gagné en 2007, à lui tout seul, plus que tous les autres traders du desk réunis ?
- Oui
Metzner lui demande s'il pense que son licenciement est lié à ses déclarations lors de l'instruction, notamment sur le fait que sa hiérarchie le laissait faire du directionnel.
Il répond : « Ce n'est pas forcément à cause de cette phrase mais je pense, de source non officielle, que mon licenciement a un lien avec l'affaire Kerviel, car j'ai dit ce que je pensais être la vérité ».
Il précise qu'il a été entendu en avril 2008, et licencié en octobre 2008

 

12h20 "800 à 1000 jours-hommes".

Le témoin suivant est Carlos Goncalvez. Spécialisé dans les systèmes informatiques (SI), il travaille pour la SocGen depuis 93, d'abord comme consultant, puis comme salarié depuis 95. Il est aujourd'hui responsable des SI (systèmes d'informations) de SG CIB, la division de banque de financement et d'investissement qui inclut les activités de marché.

Il témoigne sur les volumes d'ordres :
« En pic, on peut envoyer sur les marchés jusqu'à 90 millions d'ordres d'achat ou de vente dans la journée, et en exécuter jusqu'à 5 millions. Sur le système Eliot, on compte 385 millions d'opérations recensées. Pour l'année 2007, on compte 35 millions de transactions sur titres, 1,8 million sur futures, 28.000 sur forwards. Sur le périmètre Jérôme Kerviel, il y a environ 100.000 opérations sur titres et 100.000 sur forwards »

- La politique de reporting a-t-elle évolué depuis l'affaire Kerviel ? demande le président
- Enormément. On a investi 130 millions d'euros et beaucoup travaillé depuis 2008.

Le témoin est maintenant interrogé par Me Reinhart, l'un des avocats de la partie civile, la SocGen : « Quel rôle avez-vous joué dans le développement de la base Eliot ?
- J'ai participé à sa création, et j'ai crée une partie des modules, donc je la connais très bien.
- Vous avez évoqué les volumes des transactions référencées dans cette base. Comment les managers l'utilisent-ils ?
- Ils utilisent des données en agréges qui permettent de suivre l'activité.

Il précise ensuite que le système est paramétré pour que 99 % des opérations soient traitées automatiquement, sans intervention humaine.
- Est-ce que vous êtes intervenu dans le cadre de la « task force » constituée par la banque pour tirer au clair les positions de Kerviel, le week-end du 19-20 janvier 2008 ?
- Pas directement.
- La défense a affirmé qu'il suffisait de quelques clics pour retrouver les positions de Jérôme Kerviel.
- On a déployé environ 800 jours-hommes pour la recherche et 1000 jours-hommes après coup pour mettre en place des contrôles. Le volume d'information est tel qu'on ne peut pas trouver ce qu'on cherche en trois clics, à moins de savoir exactement ce qu'on cherche »

Me Metzner s'avance. Il commence par remarquer que M. Goncalvez l'a « noyé » dans les chiffres, et note que c'est justement le mot qu'utilisait la banque dans ses instructions aux salariés entendus par la police ou la justice dans une autre affaire, celle du Sentier II (cf jours précédents).

Il cherche ensuite à démontrer que malgré le volume d'informations dans Eliot, la banque pouvait retrouver les données relatives aux opérations de Kerviel avec une contrepartie « pending » (en suspens) : « si je sélectionne les informations insérées par « jkerviel », je peux les obtenir directement ?
- Oui.
- Et je peux aussi sélectionner les opérations dont la contrepartie est en « pending » ?
- Je ne sais pas si on peut faire une recherche sur ces deux termes en même temps.
- Mais on peut les faire à la suite. Ensuite, on peut trier les opérations obtenues par montant nominal croissant.
- Ca fait un peu plus de trois clic...
- Je vous le concède.

Me Huc-Morel fait projeter une copie de l'écran d'Eliot sur lequel sont faites les recherches, qui permet effectivement d'appeler (c'est-à-dire de retrouver) les opérations en fonction de l'identifiant du trader qui les réalise, et de la contrepartie.

Claire Dumas (SocGen) intervient. « Ce que vous explique Me Metzner, c'est exactement ce que nous avons fait le week-end du 19-20 juillet. Mais il a d'abord fallu comprendre les techniques que KErviel avait utilisées, comme celles des contreparties « pending » et des opérations à date de départ différées. Nous avons ensuite demandé aux services informatiques de retrouver toutes les opérations correspondant à 7 typologies parmi les centaines de millions d'opérations de la base.

Metzner précise qu'il ne pensait pas au week-end du 19-20 janvier, mais à la gestion des alertes, courant 2007, sur les « opérations fictives » repérées sur le périmètre de Kerviel, qui auraient pu donner lieu à ce type de vérifications sur la base des anomalies constatées, comme l'utilisation de contreparties en « pending ».

Interruption de séance de la mi-journée.

14h23 Quand Kerviel dévoile sa fameuse stratégie gagnante.

L'audience reprend. Le président revient sur le résultat déclaré par Kerviel fin 2007. Le total de 55 millions résultait de plusieurs activités différentes, dont 42 sur ses activités régulières (17 millions en "market making" et 25 millions sur l'arbitrage des "turbo warrants" émis par la concurrence)

Ce résultat « aurait du alerter sa hiérarchie », a estimé la Commission bancaire dans son rapport d'enquête, car la banque, en analysant ce résultat, aurait vu qu'une bonne partie résultait de prises de position directionnelles.

Alain Declerck (N+1 de Kerviel avant Cordelle) a lui aussi estimé lors de l'instruction que le résultat déclaré par Kerviel n'était pas impossible à réaliser avec ses activités officielles, mais qu'il méritait au moins des vérifications.

Lors de l'instruction, Kerviel a déclaré qu'il n'avait pris que 5 ou 6 positions sur les turbo warrants, sur 3000 contrats, dans l'année 2007, ce qui ne pouvait générer plus de 3 millions de résultat, loin des 25 millions qu'il a déclarés.

Kerviel : « pour faire un résultat de 25 millions sur ces opérations sur les turbo warants, il aurait fallu que je gagne 5 % à chaque opération, or les cours d'ouverture, sur lesquels je jouais n'ont jamais reflété une variation de cette ampleur au cours de l'année 2007.

Kerviel explique la stratégie qu'il utilisait. L'idée était d'opérer sur les turbo warrants dont le cours était proche de leur « barrière désactivante » à la clôture, en espérant que cette barrière soit atteinte à l'ouverture le lendemain (donc que le cours du sous-jacent baisse assez pour que le cours atteigne la barrière, et que le warrant soit désactivé), ce qui plaçait Kerviel en position bénéficiaire.
14h35 "Bon mais pas délirant."

Kerviel affirme que les managers avaient accès jour après jour aux éléments qui composent le résultat de chaque trader, qu'ils valident, si nécessaire en ajoutant leurs commentaires.

Claire Dumas (SocGen) projette un document qui montre qu'au sein de l'activité d'arbitrage, avec son résultat de 25 millions, Kerviel était le 15ème plus gros contributeur au résultat, et le 22ème trader le plus « senior », ce qui n'est pas choquant, selon elle.

Elle explique que certains traders ont réalisé en 2007 un résultat de l'ordre de 100 millions. « Ca, c'est un niveau de résultat exceptionnel », estime-t-elle, alors que celui de Kerviel était "bon mais pas délirant".

15h05. Kerviel en reste "les bras ballants".

Kerviel revient sur les transferts de résultat qu'il a faits en décembre 2007 au bénéfice de trois traders de son équipe, de l'ordre de 600.000 à un million d'euros. « Ensuite ils en faisaient ce qu'ils voulaient ». Il exprime son amertume à propos des déclarations de l'un d'eux, qui a affirmé qu'il avait vu qu'il avait reçu 1 million de Kerviel, que Kerviel n'était pas venu le lui demander, et qu'il l'avait donc gardé. « J'aurais cru que ça lui aurait fait plaisir », grince Kerviel.

Il s'emploie ensuite à démonter les explications fournies après coup par les trois intéressés, à savoir qu'il s'agissait de provisions et non de transferts de résultat. « Si c'était vrai, pourquoi aurions-nous eu recours à des transactions fictives au lieu de passer des provisions ? Ca ne tient pas la route » Il remarque que les trois traders concernés avaient plus d'expérience que lui, et que l'idée qu'ils n'aient pas compris comment cet argent est arrivé sur leur compte le laisse "les bras ballants"

Kerviel ajoute que « les trois ont déclaré qu'il s'agissait d'une pratique connue et reconnue par le management »

15h30 Des ordres de plusieurs milliers de contrats passés par téléphone.

Me Metzner s'avance. Il note que le dossier a toujours évoqué un résultat de 55 millions pour Kerviel, mais que depuis peu, la banque tient à distinguer le brut du net en défalquant les 11 millions de commissions de vendeurs générées par l'activité de Kerviel. Il souligne que le chiffre de 55 millions a pourtant été validé pendant l'instruction par les responsables de Kerviel, et que les 11 millions en question étaient bien au bénéfice de la banque.

Kerviel explique ensuite que courant 2007, il passait le plus clair de ses journées à faire du « spiel » en intra-day en passant des ordres de plusieurs milliers de contrats par téléphone auprès de Fimat, le courtier filiale de SocGen. Fimat a d'ailleurs traité pour 91 milliards d'euros de futures pour Kerviel en un trimestre, et envoyé à la SocGen des factures qui ont atteint 700.00 euros en un mois sur ce compte
Le président note que la Commission bancaire a pointé cette anomalie, alors que Kerviel disposait d'un accès direct au marché (donc pas besoin de courtier), et le fait que la SocGen vérifiait seulement que les factures utilisaient bien les tarifs agréés par contrat, mais pas la logique et le volume des ordres par rapport à l'activité de ceux qui les passaient.

La Commission bancaire notait aussi que Fimat avait été alerté par la hausse des volumes de son courtier, Moussa Bakir, et avait fait une enquête interne, mais sans en informer SocGen.

15h57 Faire du chiffre.

Le tribunal entend maintenant Moussa Bakir, le courtier avec lequel Kerviel a passé les ordres qui viennent d'être évoqués. Cité par la défense, il travaille maintenant pour Newedge, la filiale de courtage commune à SocGen et Crédit Agricole, qui englobe l'ancien Fimat.

"Le courtier a pour rôle d'exécuter des ordres pour le compte des clients. Pour Kerviel, c'était surtout sur des futures et des actions".

Bakir raconte qu'il a vaguement connu Kerviel lorsqu'il travaillait chez SocGen, mais qu'ils n'avaient fait que se croiser avant que Bakir parte chez Calyon (aujourd'hui Crédit Agricole CIB) puis soit embauché par Fimat.

"J'ai appris en 2007 que Kerviel était passé trader. J'ai commencé à travailler pour lui en juin pour une opération de roll" [déjà évoqué, ce terme reflète les opérations passées chaque fin de trimestre pour reconstituer les positions avec des contrats "futures" valables sur le trimestre suivant, car ces titres ont une échéance de 3 mois. Le "roll" déclenche donc des volumes de transaction inhabituellement importants]

"Fin août, quand la fusion de Fimat avec le courtier du Crédit Agricole a été annoncée, j'ai appelé Kerviel pour lui dire que j'avais besoin de faire du chiffre. Kerviel m'a répondu que comme Fimat faisait partie du groupe SocGen, ça ne le dérangeait pas de payer des commissions. On a donc commencé à travailler ensemble sur les futures, et les volumes ont augmenté de mois en mois. Pour moi, il n'y avait pas de problème.

"Kerviel faisait des achats-vente, des aller-retour, en intra-day. Quand j'ai demandé à Kerviel d'où venaient ces ordres, il m'a parlé d'un certain "Matt", qui travaillait pour un fonds d'investissement".

Le président s'étonne que Bakir se soit contenté de cette explication, d'autant que le lien entre ce Matt et Kerviel, dans ses activités officielles, n'était pas clair.

Bakir précise qu'il avait une relation professionnelle avec Kerviel, et aussi une relation personnelle. « Je n'ai jamais mélangé les deux», affirme-t-il. Il explique que ces informations sont couvertes par la confidentialité, donc Kerviel n'avait pas à répondre.

« Kerviel a humanisé ce Matt, racontant qu'il avait eu Matt au téléphone, et que celui-ci l'avait réprimandé, ou qu'il était parti en vacances. Il m'a dit qu'il avait 35 ans, qu'il venait à Paris de temps en temps... »

15h50 Des volumes hors de propos.

Kerviel : « L'information sur le montant des commissions de courtage est disponible au quotidien pour les managers. Or, il suffisait de les diviser par le prix unitaire pour voir les volumes que j'engageais, et qui étaient hors de propos au regard de mon mandat.

En août, le volume traité par Fimat pour le compte de Kerviel, soit 171.000 contrats, équivalait un montant d'engagement d'environ 25 milliards.

Claire Dumas précise qu'il s'agit d'un volume de transaction, et pas d'une position, au sens où la moitié de ce volume aurait pu être pris en sens inverse, résultant en une exposition nulle.

16h18 "T'as rien fait de mal".

Le président évoque ensuite les échanges entre Kerviel et Bakir dans lesquelles Kerviel a fait part de son inquiétude à propos de l'alerte envoyée par la Bourse allemande Eurex, puis à propos des questions qui lui sont posées au sein de la banque. Bakir explique qu'il ne comprenait pas le désarroi de KErviel, qui parlait d'aller en taule, lui répondant "t'as rien fait de mal".

Le président s'étonne de la formulation utilisée par Bakir dans un SMS à Kerviel : "cela va montrer la puissance Kerviel." Bakir explique que l'adjectif "puissant" est aujourd'hui couramment utilisé, dans le parler populaire, pour dire que quelque chose est "bien". Il prend comme exemple "une paire de baskets" ou "un jeu vidéo", qui peuvent être qualifiés de "puissants".

Bakir indique qu'il a touché 1 million d'euros de bonus au titre de 2007. De quoi acheter pas mal de paires de baskets et de jeux vidéos "puissants"...

Il précise avoir signalé que Kerviel était son plus gros client, et avoir demandé que la partie de son bonus liée à Kerviel soit bloquée le temps que la lumière soit faite sur l'affaire.

16h30  "De la curiosité".

Bakir revient ensuite, à la demande du président, sur le vendredi 18 janvier 2007 au soir. Il a pris un verre avec Kerviel et quelques autres, dont Nemouchi (trader sur Delta One, déjà entendu). Kerviel était très préoccupé, mais Bakir n'a pas compris pourquoi : "il parlait de ratio Cooke, je n'ai rien compris" [il s'agit d'un ratio prudentiel qui rapporte le capital de la banque à ses engagements, lesquels avaient été gonflés par les positions de Kerviel, ce qui affectait le ratio, plaçant la banque en contravention avec ses obligations, d'où l'inquiétude des services de contrôle, Ndlr]

Le procureur : "selon vous, quel était l'intérêt pour Kerviel de passer par un trader ?
- il y a la qualité d'exécution, et le gain de temps
- pourquoi passait-il tout le temps par vous ?
- les courtiers privilégient la relation avec leur client, qu'ils mettent en avant auprès de leur employeur
- les relations sont donc personnalisées ?
- oui
- Kerviel a dit qu'un courtier n'avait pas à poser de questions à un trader sur les raisons de ses opérations. Pourtant, vous avez été insistant en posant des questions à Kerviel sur ce fameux "Matt". N'est-ce pas parce que vous vous posiez des questions sur l'importance des montants ?
- c'était juste de la curiosité

Le courtier est ensuite interrogé aussi par le vice procureur. Les deux représentants du ministère public cherchent à établir que Bakir était au courant du fait que Kerviel faisait des opérations irrégulières, ou au moins qu'il s'en doutait. Bakir ne dévie pas de sa ligne : il n'a rien soupçonné jusqu'à la fin. Ainsi, lorsque Kerviel lui a dit qu'il allait s'acheter une corde, Bakir assure qu'il a pris cela à la rigolade.

Me Veil (SocGen) interroge le témoin : "comment avez-vous obtenu le paiement de votre salaire et bonus de 2007 ?
- par une décision de justice, à l'issue d'un contentieux
- c'est donc la justice qui vous l'a attribué ?
-oui
- LOL, glisse l'avocat, en référence au langage SMS et "chat" utilisé par Bakir et Kerviel dans leurs échanges. Rires dans l'assistance.
Me Veil reprend : "si vous aviez su, qu'auriez-vous fait ?
- j'en aurais parlé à mon supérieur direct
Me Martineau (SocGen) interroge à son tour Bakir : "vous avez cru à l'existence de ce client nommé Matt de bout en bout ?
- oui
- est-ce que Kerviel vous a menti de bout en bout
- oui
- donc vous pensez qu'il vous a manipulés de bout en bout ?
- oui
Me Reinhart observe au passage que "Kerviel semble avoir un pouvoir de persuasion supérieur à la moyenne des avocats". Rires dans l'assistance...

 

17h - 1,4 million de bonus

Me Metzner interroge à son tour le témoin. On comprend que le bonus de 1 million évoqué pour Bakir était en fait au titre du 4ème trimestre, après 420.000 euros au 3ème trimestre. L'avocat l'interroge sur sa décision de faire "geler" son bonus du 4ème trimestre. Bakir explique qu'il pensait qu'il aurait à répondre à des questions sur le montant des ordres de Kerviel. Une fois les audits internes et enquêtes externes terminées, la Fimat a encaissé les commissions, et Bakir a touché le bonus prévu par son contrat, grâce à une décision de justice. Le montant des opérations réalisées par Kerviel a atteint 125 milliards d'euros en 6 mois.

"Vous avez gagné 1,4 million de bonus pour avoir traité 125 milliards d'euros d'ordres, et vous ne vous êtes pas demandé si les opérations concernées étaient régulières, demande Me Metzner.
- non, répond Bakir, avant d'expliquer qu'il évalue le volume des ordres qu'il traite en nombre de lots, et non selon leur montant en euros
- mais votre bonus n'était pas payé en lots ?, lui fait remarquer Metzner. Rires dans l'assistance.
Même lorsque l'audience rit, Bakir reste extrêmement sérieux, très concentré, comme lorsqu'il écoute les questions et y répond. On sent qu'il s'est préparé et qu'il ne veut surtout pas commettre d'erreur. Il est d'ailleurs, à ce stade, le seul témoin à être venu avec son avocat, qui s'est tenu prêt à intervenir tout au long de l'audition.

 

17h35 - Cigares et télévision

L'audience reprend, mais la défense n'est pas là. Me Veil en profite pour souligner que "la télévision passe avant le tribunal", car Me Metzner est en train de répondre à des journalistes à l'extérieur. "Ils doivent lui tenir le cigare", ajoute Me Veil en souriant (Me Metzner est un gros fumeur de cigares).

 

17h40 - Les questions d'Eurex à Société Générale

Le témoin suivant est Grégory Strypsten, responsable de la "compliance" (conformité) chez Fimat. Il a participé, en novembre 2007, à la rédaction de la réponse de Fimat aux questions posées par Eurex, la Bourse allemande des dérivés, sur les transactions de Kerviel. Eurex avait envoyé des questions à Fimat d'un côté, et à la SocGen de l'autre.

Il explique que ce type de demande est normal de la part des places de marché et qu'il en recevait environ une par semaine en moyenne. Il raconte aussi qu'il a été consulté par SocGen sur les points de leur réponse qui concernaient l'exécution et la compensation des ordres.

Me Martineau demande au témoin de préciser le rôle de la compliance : elle vise à assurer la conformité des opérations avec la réglementation, mais ne fait pas partie de la hiérarchie des opérateurs
Me Metzner : "je ne pourrai pas poser de questions sur la lettre d'Eurex à Fimat car elle n'a jamais été saisie, ce qui est curieux".

Le président relit les questions posées par Eurex à SocGen : (en substance)
"Les transactions jointes représentent des exemples des transactions sur lesquels nous vous demandons des explications. Une importante position courte, nette, sur les produits "future" DAX et Eurostoxx a été mise en ?uvre par Kerviel, et souvent enregistrées par Fimat.
De quelle stratégie ont découlé ces transactions ?
Pourquoi de nombreuses transactions ont-elles été transférées par Fimat à SocGen ?
De quelle façon ces transactions ont-elles été enregistrées ?" (en automatique ou en manuel)
G.Strypsten précise que Fimat étant un courtier, il agit pour le compte de ses clients, donc les questions sur la stratégie n'ont pas été adressées à Fimat, mais les autres questions (sur le cheminement des ordres) ont été posées aussi bien à SocGen qu'à Fimat.

Me Metzner tente de faire dire au témoin que la demande aurait du alerter sur le caractère anormal de sordres, mais Strypsten maintient que ce type de demande est habituel.

Me Metzner demande ensuite à diffuser une bande son
- c'est la séance sonore du jour, s'amuse Me Veil. C'est la récré.
- tu adorais cela à l'école, j'en suis sûr, lui répond Me Metzner
Il s'agit d'une conversation enregistrée le 24 janvier, le jour de l'annonce de l'affaire, entre Moussa Bakir et un trader non identifié.

A la fin de la conversation, Bakir déclare avoir parlé du problème à Strypsten, et voilé ce que Bakir a retenu de la réponse du responsable conformité : "sur les appels de marge et tout, il y a un réel problème, ils ont laissé filer, il y a un truc. Sinon ça veut dire que c'est du n'importe quois.
Lorsque Me Veil reprend l'expression "c'est du n'importe quoi" pour amuser la galerie, Kerviel se retourne et lui jette un regard noir.

18h30. "La réponse de Kerviel a été validée par les services de contrôle"

Le témoin suivant est Vincent Duclos, déontologue à la SocGen

Il raconte avoir reçu d'Eurex, début novembre 2007, une "demande d'information", et non une alerte, qui portait sur des aspects techniques concernant des ordres, et reprend les deux questions évoquées un peu plus tôt avec le témoin précédent sur le cheminement des ordres et leur caractère manuel ou automatique. Il indique qu'il recevait une douzaine de lettre de ce genre par an. Il explique avoir contacté son homologue à la Fimat, Strypsten, qui a confirmé que le cheminement des ordres ne posait pas de problème, et ne l'a pas alerté non plus sur les volumes.

Il raconte ensuite qu'à la suite de la réponse de SocGen, Eurex a envoyé une deuxième lettre pour poser d'autres questions techniques sur les ordres, et d'autres pour éclaircir certaines terminologies anglaises utilisées par SocGen dans sa réponse

Sur la quantité de 6.000 contrats " futures" traités par Kerviel, il estime que cela ne constituait pas un motif d'alerte, et que l'interrogation d'Eurex portait plutôt sur le moment de passage des ordres, après la clôture et pas pendant la séance.

Il estime que cette alerte pouvait être considérée comme un "feu orange", la première étant un "feu vert" car elle n'évoquait pas d'infraction.

Le président lit la réponse de SocGen sur la stratégie de trading censée être à l'origine des ordres concernés. Cette réponse ne semble pas avoir satisfait Eurex, qui a posé de nouvelles questions fin novembre sur le "grand nombre de transactions" passées par Kerviel après la clôture. Il demande pourquoi SocGen a une importante position courte sur les futures Dax et une importante position longue sur les futures Eurostoxx.

"Comment avez-vous élaboré la deuxième réponse ? demande le président
- de la même façon que la première, avec Kerviel et ses supérieurs. A ce moment, nous avions conscience qu'il y avait une incompréhension entre nous et Eurex, notamment sur l'orientation des positions sur l'Eurostoxx, car nos données internes étaient opposées à celles dont parle Eurex. J'ai alors proposé une réunion téléphonique pour résoudre cette zone d'ombre et préciser les aspects techniques, mais Eurex n'a pas donné suite. J'ai donc considéré que le problème était réglé.
- vous connaissiez la réalité de ces ordres ?
- En fait, non
- Que vous a dit Kerviel ?
- Il nous a proposé un projet de réponse, qui a été validé par les services de contrôle.

Il précise avoir compris par la suite que les réponses étaient fausses.

 

19h. Kerviel a menti à ses supérieurs

 S?ensuit une longue discussion souvent technique. Les avocats de la SocGen appuient sans relâche sur le fait que Kerviel a donné des explications mensongères au déontologue de la SocGen pour préparer la réponse de la banque à Eurex, de même qu?il a menti à ses supérieurs, à ses contrôleurs et à son courtier. Kerviel réplique que ses « artifices » étaient trop « grossiers » pour abuser des interlocuteurs sérieux. Quant à Me Metzner, il insiste sur le fait que la banque s?est satisfaite de réponses peu crédibles, et les a reprises à son compte dans ses réponses à Eurex. Il s?étonne de nouveau que les demandes d?information d?Eurex n?aient pas donné à des investigations plus poussées, notamment au motif que Kerviel était alors « vierge » de toute infraction aux règles internes. Metzner lui demande pourquoi personne n?est allé voir dans la base de données Eliot la réalité des opérations effectuées par Kerviel. Le déontologue explique que les réponses de Kerviel ont été jugées crédibles, et validées par ses contrôleurs.

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