Jérôme Kerviel contre la Société Générale : suivez le procès minute par minute

Troisième et dernière semaine d'audience pour le procès de Jérôme Kerviel contre la Société Générale, qui a commencé le 8 juin et s'est poursuivi ce mercredi avec sa onzième journée. La banque réclame à son ex-trader 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts soit le montant de perte qu'il a générée. Suivez les débats minute par minute avec notre envoyé spécial Benjamin Jullien.

Troisième et dernière semaine du procés de Jérome Kerviel. Suivez en direct le compte-rendu de l'audience de ce mercredi avec les plaidoiries des parties civiles. Retrouvez également le compte-rendu de la dixième journée d'audience, le compte-rendu de la neuvième journée d'audience, le compte-rendu de la huitième journée d'audience, le compte-rendu de la septième journée d'audience, le compte-rendu de la sixième journée d'audience, le compte-rendu de la cinquième journée d'audience, le compte-rendu de la quatrième journée d'audience le compte-rendu de la troisième journée d'audience, le compte-rendu de la deuxième journée d'audience et le compte-rendu de la première journée d'audience, ainsi que le résumé de toute cette affaire en diaporama animé.

13h45 - Début de l'audience avec le retrait d'une partie civile

Le président indique que M. Kemlin, à l'origine de la citation à comparaître de Daniel Bouton, a décidé de retirer sa constitution de partie civile, compte tenu du fait qu'il considère ne "plus être dans un Etat de droit".

- Vous ne lisez pas le reste de ma lettre ?

- Non, nous avons la raison essentielle".

Son avocat, Me Frédéric-Karel Canoy, veut plaider quand même, au nom d'une autre partie civile, mis le président donne la parole à Me Martineau (SocGen).

"Depuis que la fraude de Jérôme Kerviel a été révélée, nous nous cessons de nous interroger sur ses causes et sa signification.

Il affirme qu'il n'y eu qu'un trentaine d'affaires comparables en vingt ans.

"Triste record pour Kerviel...Nick Leeson n'avait perdu que 1,1 milliard, et un japonais 2 milliards."

"On est allé jusqu'à s'interroger sur l'utilité des produits dérivés."

On a vu les limites de la raison qui veut tout prévoir dans les banques et se heurte à l'irrationalité, à la subjectivité des hommes.

Mais le tribunal a vu la réalité de ce dossier : un prévenu qui estime n'avoir commis que de légères fautes professionnelles. Un prévenu qui ment au-delà de toute limite. Une victime moquée avant et pendant le procès. Pendant le procès, en décrédibilisant les témoins cités. Il evoque le "préjudice de réputation irrémédiable" de SG.

14h02 - Le "système Kerviel" décortiqué

Me François Martineau cède la place à Me Jean Reinhart. Il évoque le "système Kerviel", salue la qualité des débats, qui permet à la partie civile d'être courte aujourd'hui.

On va arriver très vite au c?ur du système Kerviel. Un système en trois parties. D'abord une prise de position spéculative massive et masquée. La deuxième, c'est le fait que les positions sont masquées. La troisième, c'est le recours au mensonge et la production de faux. Il y a eu trois temps dans la fraude. Premier temps, mars-août 2007, prise de position de 30 milliards d'euros, TRENTE MILLIARDS D'EUROS, qui ont provoqué une descente aux enfers, 2,5 milliards de perte au 19 juillet 2007. Deuxième temps, octobre-novembre 2007, Kerviel repart au combat avec une position de 30 milliards, 1,4 milliard de gain à fin 2007. Mais Kerviel ne s'en contente pas. Du 2 au 18 janvier, on va forcer la dose. On va monter la dose à 50 milliards d'euros. Qui vont se dénouer dans les conditions que nous savons, avec une perte de 4,9 milliards.

14h08 - "Chui mort"

Me Reinhart évoque le "deuxième faux" réalisé par Kerviel, un e-mail inventé qu'il prétend transférer à son contrôleur, et notamment sa 1ère phrase :

"cela fait un mois que je me bats avec eux [la bourse italienne, Ndlr] sur le sujet », avant de donner une explication à une anomalie détectée par les services de contrôle. Alors qu'il ne se bat que contre lui-même, contre son imagination. Il rajoute du tonus, du contenant à ses explications pour convaincre son contrôleur. Ce faux, il est là pour tromper, et il trompera.

Un faux parmi d'autres, mais symptomatique. Kerviel crée des personnage, joue la fibre humaine pour emporter la conviction de son interlocuteur. Il donne une vraisemblance à sa démarche Ce ne sont pas des petites erreurs, c'est une démarche organisée, structuré

Il prend un second exemple. Le 18 janvier, Kerviel envoie un message instantané à son courtier : "peut-être ma dernière journée ici [...] Chui mort."

L'avocat évoque ensuite le "personnage fantasmagorique de Mat", inventé par Kerviel pour justifier le montant et la fréquence de ses ordres. « Depuis 18 jours, Kerviel a une position frauduleuse de 50 milliards sur les futures des indices européens, et elle perd plus de 2 milliards. Mais il a un autre problème : le résultat de 1,4 milliard que j'ai caché.

Il prend donc une position de 40 milliards pour produire une perte fictive de 1,4 milliard. Mais il commet l'erreur de passer cette opération en face du petit courtier allemand Baader. C'est le petit grain de sable qui va la faire tomber.

Mais il est futé le petit M. Kerviel, il a compris que Baader ne passait pas, donc il se renseigne pour trouver une solution. Le 7 ou 8 janvier, il a appelé une spécialiste de la banque et comprend que Baader n'a pas d'accord de collatéral, donc les engagement pris en face de lui plombent le risque de contrepartie de la banque. Il comprend qu'il faut changer de contrepartie, il choisit Deutsche Bank. Il raconte que l'opération est en fait face à Deutsche Bank, que Baader n'est pas le courtier, et modifie les écritures fictives dans le système. Et il envoie un double faux email de confirmation au déontologue de la banque. De Baader à Kerviel, avec une pièce jointe censée émaner de Deutsche Bank.

Le grain de sable, là il commence à se refermer (sic). Ce jour-la Kerviel a 3 cerveaux, un pour les activités normales pour lesquelles il est pay », deux pour tromper, expliquer, détailler, fabriquer une vraisemblance, trois pour continuer à mette du charbon dans la machine ne prenant 16600 contrat supplémentaires. Le 18 janvier, il a manié pour 3,9 milliards d'euros de volumes. Ce qui a augmenté la position de 902 millions d'euros. Que se passe-t-il dans la tête de Kerviel ? Le matin il dit qu'il est mort, mais il continue. Assis sur sa chaise, Kerviel reste impassible.

14h25 - Les escrocs sont dangereux dans la société comme des lions le seraient dans le plaine normande

On a entendu des témoins un peu désemparés. Il évoque les "yeux rougis", le "désarroi à la Société Générale" lié au sentiment de trahison ressenti par les collègues de Kerviel. Quand on lit dans la presse que "Kerviel accuse", je crois qu'il n'est pas vraiment à sa place. Me Martineau reprend : la thèse de Kerviel est totalement invraisemblable. L'audience a confirmé ce que nous subodorions : la formidable habilité de Kerviel à tromper par le langage. Il utilise un jargon impressionnant qui renvoie l'interlocuteur à son ignorance de la "désactivation des forward". Il a la capacité à dire en une phrase tout et son contraire. Exemples : sa position de 50 milliards. Il a dit : "la banque ne pouvait pas ne pas savoir", et dans la même phrase "la banque savait et m'a encouragé".

On comprend donc qu'il ait pu tromper ses collègues, surtout en accompagnant ses mensonges de faux. Mon collègue Metzner, talentueux et pas dénué de culture, a fait hier allusion à la cage aux lions, dont Balzac disait : les escrocs sont dangereux dans la société comme des lions le seraient dans le plaine normande.

Le président l'écoute, la main sur le menton.

14h36 - Les délicieuses vacances que voilà pour le menteur : dire la vérité

Sur la thèse de Kerviel, constatons d'abord qu'elle a évolué. Au début Kerviel a tout avoué : positions masquées, évolutions des techniques de dissimulations, faux... Il a dit qu'il avait agi tout seul, qu'il n'avait jamais parlé de tout ça à ses collègues Cela illustre parfaitement l'instant ou le menteur est découvert. Avec la joie de jeter enfin le masque. Etre un jour ce que l'on est, les délicieuses vacances que voilà pour le menteur : dire la vérité. Mais ensuite il a peur de la prison. Il va, en nuance, dire : "la banque ne pouvait pas ne pas savoir".

C'est alors qu'il attaque la banque, le PDG, la commissaire aux comptes. Il dit : "je ne suis pas seul responsable". Puis, le procès se rapprochant, Kerviel change d'avocat et de système de défense, et affirme que la "la banque savait, elle m'a encouragé".

14h40 - Une thèse invraisemblable pour cinq raisons.

Sa thèse est totalement invraisemblable pour cinq raisons. Pourquoi cacher quelque chose qui est su ? Pourquoi cacher les dépassements de limites si ces limites sont floues et que ce n'est pas grave. Il parle de "sauver les apparences" mais il voulait sauver son système frauduleux. Cela repose sur une allégation factuelle contredite par le dossier : on m'a laissé gagner, et on m'a arrêté quand j'ai commencé à perdre. Mais c'est faux et le tribunal le sait : il perd 715 millions en avril et 2,147 milliards en juillet. 3ème raison : sa thèse repose sur une conception ubuesque de l'activité d'un trader : MM. Mustier, Mianné, Bouton et tous les traders ont expiqué le role d'un trader : gagner ce qu'il faut gagner en fonction des limites. Kerviel, lui, en a une conception mythomaniaque. Pourquoi aurait-on autorisé Kerviel à jouer 30 milliards, autant que les fonds propres de la banque ? 4ème raison : tous les autres acteurs de l'histoire disent le contraire de lui, il n'y a pas une seule trace écrite. 50 milliards de positions et pas une ligne écrite ? Cela n'est pas sérieux. 5ème raison : la thèse n'est constituée ex-post que par un amalgame sophistique destiné à tromper le tribunal et l'opinion. Il assimile ses opérations ficives destinées à masquer et les opérations techniques [alors dites fictives au sein de la banque, Ndlr] qui servent à rationaliser des écarts de méthode liés aux diéfférentes modélisations utilisées pour les prix des produits Il entretient une confusion entre les limites en montant nominal unitaire, montant nominal cumulé et risque résiduel, alors qu'on sait que seules les dernière existaient. Il dit : « tout le monde dépassait les limites au sein de mon équipe ». Mais de quel montant de dépassement parle-t-on ? Dans le desk, les dépassements officiels étaient de moins de 10 millions, il est allé à 50 milliards.

14h50 - Me Metzner, avocat de Kerviel, trouve la plaidoirie tellement passionnante qu'il s'est assoupi.

L'avocat revient sur le fait que la banque n'ait pas su interpréter les nombreuses alertes déclenchées par Kerviel : « Ça ne prouve pas la conscience du système frauduleux de Kerviel, ni a fortiori le consentement de la banque ». Il rappelle que même les supérieurs de Kerviel, s'ils avaient su, n'auraient pas eu le pouvoir juridique d'autoriser de telles positions. D'ailleurs personne n'aurait pu, même pas le conseil d'administration, car réglementairement un tel engagement aurait rendu la banque insolvable.

Quand on écarte ces artifices, il reste le dossier et les chefs d'inculpation. Je sais que le tribunal connaît les textes, je n'aurais pas l'outrecuidance de les lui rappeler. Ces trois infractions quoiqu'autonomes, sont indissociables dans ce dossier. L'abus de confiance est étayé par l'introduction de données frauduleuses dans les systèmes de la banque, elle-même appuyé de faux et usage de faux. Ce système frauduleux n' a aucun rapport avec les quelques fautes professionnelles que Kerviel a consenti hier à reconnaître, à votre demande.

Introduction frauduleuse de données : « Kerviel a bien reconnu avoir entré des opérations fictives dans le système Eliot, le délit est constitué, d'autant que Kerviel, ce faisant, avait bien l'intention de tromper la banque.

Faux et usage de faux : un délit très grave en matière bancaire. On a là une gradation dans la fraude, avec un faux matériel, toujours punissable dès lors qu'un préjudice peut en résulter et qu'il y a une intention frauduleuse, comme le dit la cour de cassation.

Le préjudice est évident : le faux à permis à JK, à Jérôme Kerviel, pardon - c'est le fait de vivtre avec lui depuis deux ans... - ce faux lui permis de prolonger sa fraude, avec les conséquences que l'on sait.

Kerviel a reconnu avoir fait des faux pour tromper les sytèmes de contrôle. Là encore, le délit me semble constitué.

Abus de confiance : c'et le délit qu'il rejette pour des raisons juridiques, en disant que « la banque savait ». Cette argumentation n'est ni prouvable, ni opérant La conscience de la banque n'est pas prouvée, aucune preuve n'est apportée. Pas opérante : car personne n'avait le pouvoir de consentir une autorisation d'engager 30, 40 ou 50 milliards.

Derrière lui, Me Metzner, l'avocat de Kerviel, trouve la plaidoirie tellement passionnante qu'il s'est assoupi.

15h03 - "C'est l'histoire d'un menteur, d'un faussaire, d'un truqueur"

C'est au tour de Me Jean Veil : "poursuivant savamment une stratégie d'inversion des valeurs, la défense avait annoncé le procès de la SocGen. Pendant les 1eres audiences, mensonges, dénis, amalgames messages simplistes voire populistes ont été rabachés. Le prévenu et ses conseils ont tenté d'occulter la vérité. Ils ont fait citer 34 témoins pour sursaturer l'audience et éviter qu'on puisse interoger le meilleur témoin surprise, Jérôme Kerviel. On a enfin pu l'interroger et alors on a compris que cette extraordinaire histoire n'était que fondamentalement médiocre. C'est l'histoire d'un menteur, d'un faussaire, d'un truqueur, qui n'a intéressé l'opinion qu'à cause de la personnalité de la victime (SocGen)."

La banque a fixé les réparations à 4,9 milliards

Il évoque maintenant le préjudice, qui doit être "direct et certain" Vous ne pourrez pas contester quand sans les positions fictives de Kerviel, les pertes n'auraient pas été subies par la SocGen. Ni que ces fautes ne peuvent être égalées par les défaillances que la banque a reconnues avec transparence. Aucune disposition de la loi ne permet de réduire le montant des dommages à cause de négligences de la victime. C'est pourquoi vous accorderez à la SocGen les réparations qu'elle demande. Elle les a fixées à 4,9 milliard par souci de simplicité. Il est evident que Kerviel ne paiera pas. On aurait pu demander les intérêts, la réparation du préjudice moral, inquatifiable, et que nous n'avons pas quantifié.

Quand au préjudice financier, nous nous sommes demandés s'il fallait demander 1 euro symbolique, mais par souci de simplicité, de compréhension, nous avons retenu ce chiffre de 4,9 milliards, qui nous est dû même si Kerviel dit que nous avons "mal débouclé les positions".

15h04 - "Vous semblez plus préoccupé par votre image que par la vérité"

"Il n?a jamais été dans le mandat de Kerviel d?engager 50 milliards. Il devait respecter le code de déontologie du trading, qui prévoit la transparence vis-à-vis de son management. Il connaissait la limite de 125 millions d?euros en risque, on la lui rappelait tous les matins."

Me Metzner, qui vient de rouvrir les yeux, surligne des passages d?un document en mâchouillant.

Me Martineau conclut : "en préparant ce dossier avec un salarié de la SocGen, nous évoquions les motivations de Kerviel? Mystère. Et puis dans la discussion, ce salarié se plaignait du dénigrement de la banque et de la finance par Kerviel, il s?est arrêté et à dit : "quel gâchis?qu?a-t-il fait de ses talents ? Alors oui M. Kerviel, qu?avez vous fait de vos talents, de votre intelligence, qui est indéniable ? Qu?avez-vous fait de votre éducation ? De la confiance que vous a fait la banque ? Sinon mentir et trahir, sans état d?ame aucun. Vous semblez plus préoccupé par votre image que par la vérité."

15h57 - "Leur préjudice est certain, direct, personnel"

L?audience reprend. C?est au tour de Me Valeanu, qui défend avec Me Richard cinq salariés de la Société Générale qui se sont constitués partie civile. "On n?a pas beaucoup parlé d?eux dans cette audience", fait-il remarquer. "La première est une directrice d?agence qui touche 2000 euros par mois". Il décrit les autres, qui ont aussi été en contact avec les clients particuliers dans leur carrière. "Ce sont cinq personnes silencieuses, cinq sur 150.000 (le nombre d?employés de la banque). Ils sont venus pour comprendre et demander réparation du préjudice qu?ils ont subi. S?ils doivent servir d?exemple ou de modèle ce sera malgré eux. Ils viennent en tant que salariés et non comme actionnaires, ils viennent parce qu?ils ont une épargne salariale dans l?entreprise. Ils ont constaté fin 2008 que 65% de cette épargne avait été détruite. Catastrophe, surtout pour les retraités, qui comptaient dessus pour compléter leur pension. Ce fonds contenait 70% d?actions SocGen.

Il faut comprendre qu?un fonds d?épargne salarial n?est pas un fonds spéculatif, il doit être géré de façon prudentielle. M. Le président, je vous ai fourni des écritures pour prouver que ces parties civiles sont recevables. La banque voulait être la seule partie civile, mais alors devait-on lui demander des comptes ? Je vous demande de condamner le prévenu à indemniser mes clients. Leur préjudice est certain, direct, personnel :

- certain, car ils ont perdu 65% de leur épargne salariale.

- personnel, au titre de leur patrimoine : l?épargne de nos clients ne se confond en aucun cas avec le capital de la banque. La perte a affecté les fonds propres de la banque et la valeur liquidative de l?action SocGen, mais ne doit pas affecter l?épargne salariale, donc le préjudice est bien personnel.

- direct : l?actionnaire peut agir aux cotés de la société quand il fait valoir un préjudice propre, comme le montrent deux affaires de délit d?initié.

16h12 - "Je n?ai pas entendu d?excuses de Kerviel, mais de la Société Générale non plus"

L?avocat passe maintenant au chiffrage du préjudice. Il compare la chute du cours de SocGen à d?autres banques, exposées ou non aux crédit hypothécaires américains à risque ("subprime"). La chute de la valeur du fonds d?épargne salariale, à 65%, est bien supérieure à ce qu?ont perdu des banques comparables, "c?est donc qu?il y a un effet Kerviel", qu?il chiffre à un tiers de la perte.

Kerviel a dit "ce que j?ai fait était débile", et en même temps il a dit qu?il était "dans un système". Je n?ai pas entendu d?excuses de Kerviel, mais de la Société Générale non plus.

Le président lui fait confirmer que ses demandes s?adressent au seul Kerviel. Il passe ensuite la parole à Me Richard. Il revient sur les propos de Daniel Bouton hier, qui a "rêvé" que Kerviel s?excuse. Me Richard, lui, fait un cauchemar : que Kerviel ait pris des positions non pas de 49 milliards mais de 490 milliards. Là, la banque n?aurait eu aucune chance de s?en sortir

"Ker" veut dire château fort en breton. Le château fort Kerviel m?est apparu mieux cadenassé que la SocGen. La SocGen est une société sans général. Me Veil  : SocGen a dit que si Bouton venait le tribunal, se transformerait en cirque barnum. Allait-il nous faire un tour de magie, nous montrer comment on fait disparaître 1,4 milliard des comptes de la SocGen, ou bien un tour de domptage ? Enfin, Bouton parut, et le ciel s?éclaira. Nous avons vécu un très fort moment de vie judiciaire. Kerviel s?est mis à parler, il a exprimé quelques regrets. De son côté, Bouton a aussi émis des regrets, comme celui de ne pas avoir appliqué son fameux rapport Bouton sur la gouvernance. M. Bouton a été le meilleur avocat de la SocGe, pardon pour mes confrères. Finalement les meilleurs sélectionneurs peuvent faire des erreurs de casting. C?était lui votre meilleur joueur, qui a marqué le plus de buts.

 16h24 - "Les petits en sont pour leurs frais"

Me Richard : "il n?y a pas une Société Générale,il y en a deux. Au sommet, la banque d?investissement et les activités de marché, la race des seigneurs. Tous ces jeunes traders ne connaissent qu?une seule valeur, l?argent. Les salariés de la banque m?ont dit qu?avec le salaire d?un seul trader de niveau moyen, on finançait un secrétariat d?Etat. Le patron des activités de marché, Jean-Pierre Mustier, gagnait au moins 10 millions d?euros par an. Daniel Bouton nous a dit qu?il y aurait toujours de la fraude, qu?il a qualifiée, comme Mustier, de consubstantielle à la banque. Mais en bas, dans la banque de réseau, l?argnet coule en un mince filet, tant pour les salariés que pour les clients emprunteurs. Nous faisons entendre la voix des soutiers, qui ne comprennent pas ce fossé entre leus deux mondes. Eux sont soumis à des contrôles incessants.

Tout à l'heure on nous a parlé des "yeux rougis" des collègues d eKerviel, cela m?a un peu fait sourire. Les ex-salariés sont tous partis avec des gros chèques. Alors que les petits, qui comptaient sur leur épargne salariale, en sont pour leurs frais.

Quand il manque un papier dans un dossier qui bloque un paiement, les clients les traitent d?escrocs. Aujourd?hui, tout ce qu?on leur a donné c?est un guide antistress, alors que Bouton est parti avec une retraite dorée.

Au moins Kerviel a eu le mérite de la franchise en disant : "nous les traders, les autres salariés, on s?en foutait".

Les employés du réseau aussi sont soumis à la pression des objectifs. Ils se retrouvent à devoir vendre des produits dont les clients n?ont pas forcément besoin pour une commission de 3 euros.

Pendant ce temps, Jean-Pierre Mustier revendait tout son portefeuille d?actions SocGen avant que cela baisse, cela fait désordre et met une certaine ambiance.

Comment voulez-vous que réagissent des jeunes de 23 ans qui entrent dans la banque et voient que la seule valeur est l?argent ? La batille de l?image a été perdue par la banque, d?ailleurs les salariés, qui gagnent peu, ont plus de sympathie pour Kerviel que pour elle. Je pense que vous avez compris que notre cause était juste."

16h35 - "Enrichissez-vous..."

Me Richard : "certains ont demandé si c?était le procès d?un homme ou d?un système, à l?évidence c?est le procès des deux. Sans les années Bouton, sans les "années fric" de la SocGen, il n?y aurait sans doute pas eu d?affaire Kerviel. Il y a eu un problème de valeurs. Bouton en avait sûrement, il a réussi en provenant d?un milieu simple, mais il n?a pas su les communiquer. Guizot a dit : "enrichissez-vous par le travail et par l?épargne et vous deviendrez un électeur". Bouton, lui, semble avoir dit : "enrichissez-vous par la spéculation et la prise de risque contrôlée, et vous deviendrez un bon trader."

16h38 -L'actionnaire n'est pas un "touriste"

C?est au tour de Me Canoy, qui représente des actionnaires constitués parties civiles. Il rappelle que c?est un petit porteur qui a porté plainte le premier.

L?actionnaire n?est pas un "touriste", il est vigilant (il fait allusion à une remarque de Me Veil qui avait traité les autres parties civiles que la banque de "touristiques" le premier jour du procès).

Il évoque la jurisprudence. Il cite un exemple de 1998, le dossier Comptoir des Entrepreneurs, pour présentation de faux comptes et faux bilan.

Il cite aussi l?affaire Marionnaud, l?affaire Regina Rubens. Des arrêts "assez explicites", selon lui, même si aucun de ces exemples ne concerne les chefs d?accusation retenus contre Kerviel.

Fin de l'audience. Reprise demain jeudi 24 juin à 9h30 pour le réquisitoire.

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