Jérôme Kerviel contre la Société Générale : suivez le procès minute par minute

Deuxième semaine d'audience pour le procès de Jérôme Kerviel contre la Société Générale, qui a commencé mardi 8 juin. Suivez les débats minute par minute avec notre envoyé spécial Benjamin Jullien.

Deuxième semaine du procés de Jérome Kerviel. Suivez en direct le compte-rendu de l'audience de ce lundi et retrouvez également le compte-rendu de la cinquième journée d'audience, le compte-rendu de la quatrième journée d'audience le compte-rendu de la troisième journée d'audience, le compte-rendu de la deuxième journée d'audience et le compte-rendu de la première journée d'audience ainsi que le résumé de toute cette affaire en diaporama animé.

9h35 Costume sombre et cravate blanche.

Cinquième journée d'audience au procès de Jérôme Kerviel. Le prévenu, vêtu d'un costume sombre et d'une cravate blanche à discrets carreaux bleus, pose sur la chaise à côté de lui le petit carnet de notes qu'il utilise pour communiquer avec sa défense, en attendant le premier témoin, cité par l'avocat de la défense, Me Metzner. Il s'agit de Valérie Lesueur, actuellement déontologue chez Société Générale Private Banking Monaco. Elle a précédemment travaillé au "middle office" de la salle de marchés, où elle est devenue amie avec Kerviel, et qu'elle a quitté en 2001 pour intégrer le service "conformité".

A l'époque des faits, elle s'occupait des licences de "trading" des traders, et de la conformité de ordres. Elle a vu Kerviel passer du "middle office" au poste de trader en passant par celui d'assistant trader

Elle a fait passer les examens de trader à Kerviel, qui les a réussis.

- " Il y a très peu de personnes qui passent du "middle office" au poste de trader, c'est très rare. Sur son desk, il était la seul ex-assistant trader (poste rattaché au middle office)

- "Je n'ai jamais au de problème spécifique avec Kerviel, quant à l'alerte envoyée par la bourse allemande Eurex, j'étais en congé maternité"

Elle raconte avoir participé en 2005 ou 2006 à la mise en place d'un projet informatique baptisé "market abuse" censé produire des alertes en fonction des transactions effectuées. Il apparaît qu'il s'agit en fait de l'outil "Must".

 

9h50 Kerviel ne s'entendait pas avec sa hiérarchie.

Le président interroge Valérie Lesueur sur la gestion des alertes. Elle explique que la procédure est alors de récupérer les données relatives aux transactions concernées, à interroger le trader, et de répondre en toute bonne foi au régulateur concerné

Le président l'interroge ensuite sur le vendredi 18 janvier, date où les services de contrôle de la banque ont commencé à découvrir les positions dissimulées de Kerviel. "Le bureau où je range les dossiers était ouvert, a priori rien ne manquait, mais on a référencé le problème au secrétariat de la déontologie", raconte-t-elle. Elle explique que Kerviel avait l'air très tendu et très fatigué. Puis le 23 (mercredi suivant), la veille de l'annonce de l'affaire, elle a reçu un SMS de Kerviel, qui n'était plus au bureau depuis le lundi. "Il m'a dit de l'oublier, je n'ai pas compris pourquoi".

Elle explique qu'elle a eu du mal à croire que Kerviel ait pu faire ce qu'on lui reproche, et qu'elle ne comprend toujours pas aujourd'hui.

Dans sa déclaration, elle a déclaré que Kerviel ne s'entendait pas avec sa hiérarchie, qu'il avait l'impression d'être sous-estimé par rapport aux autres traders. Elle confirme.

 

10h20 Valérie Lesueur témoigne.

Interrogée par Me Metzner, elle raconte qu'en cas d'alerte, elle discutait avec le trader concerné, et qu'elle n'hésitait pas à demander des explications "plus littéraires" quand le trader répondait avec trop de jargon. Elle explique ensuite que la contrepartie devait être indiquée et connue dans la cadre de la procédure "KYC" ("know your customer", connaître son client). Les nouvelles contreparties devaient donc être recensées

Elle indique que la mention "pending" (en suspens) permettait de passer une transaction avant que la contrepartie ne soit recensée, mais que la transaction ne pouvait être finalisée sans contrepartie connue.

- Quel était le délai maximal ?, demande Metzner ?

- Trois jours pour la France, deux jours pour l'Allemagne

Depuis le début du procès, Me Metzner ne rate pas une occasion de rappeler que les opérations fictives de Kerviel, avec une contrepartie "pending", sont restées jusqu'à trois semaines dans la base de donnée.

"Lorsqu'un trader fait une transaction avec une contrepartie X non recensée, il doit savoir au moment où il traite que sa contrepartie est X et la renseigner rapidement"

- Que pensez-vous d'opérations restées plusieurs semaines en "pending" dans la base ?

- Je ne vois pas comment c'est possible, je suis étonnée

- Comment expliquez-vous que la hiérarchie ait pu laisser des opérations en "pending" tout ce temps ?

- Je ne sais pas, pour ma part, je n'aurais jamais laissé cela aussi longtemps.

 

10h40 L'épisode de la clé.

Me Jean Veil (SocGen) revient sur l'épisode de la clé.

- Avez-vous le sentiment que cet incident avait été caché ?

- Non, le responsable a fait le nécessaire et la police est venue.

Sur l'outil Must : "vous pouviez faire des requêtes dans la base de données à partir de cet outil, le faisiez-vous ?

- Seulement lorsque j'avais des questions de places de marché ou de régulateurs"

- Donc vous ne le faisiez pas tous les jours ?

- Non.

Jean Veil enchaîne sur les opérations en "pending" : "qui est responsable de vérifier les contreparties des opérations dans la base ?"

- A mon époque, c'était le "middle office".

- Donc, ce n'était pas la hiérarchie ?

- Non.

 

10h55 Les témoins se succèdent.

Le président interroge le (premier) témoin :

- un trader a-t-il la possibilité de recenser de nouvelles contreparties, de nouveaux produits, ou modifier les paramètres ?
 

- non.

Cette réponse est confirmée par la banque, mais contredite par Kerviel : "Moi et d'autres traders avions accès à la saisie et à la modification de certains paramètres", affirme-t-il.

Le président appelle maintenant Christophe Mianné, qui était, au moment des faits, responsable de l'activité Dérivés actions de la Société Générale, dans laquelle était incluse l'activité d'arbitrage dans laquelle travaillait Kerviel. Il est le seul de tous les supérieurs hiérarchiques de Kerviel à être toujours en poste (lire La Tribune de ce jour), désormais patron du pôle actions.

Il commence par expliquer le rôle de sa division. "On attend un résultat de 3 millions d'euros en moyenne par agent du "front office". Ce qu'attend la banque, c'est de la régularité et pas de perte. Tout le monde le sait car je faisais cinq ou six discours par an, devant les collaborateurs, dont M. Kerviel, pour l'expliquer. On ne demande pas d'exploits. Nous ne faisons pas de pertes car nous n'avons pas de positions directionnelles sur l'orientation des bourses, car personne ne sait dans quel sens elles vont évoluer. Nos pertes sont donc toujours très limitées.

Il enchaîne sur le week-end du 19-20 janvier 2008 pendant lequel la banque a découvert les positions dissimulées.

- "Kerviel raconte qu'il a gagné 1,4 milliard, qu'il a fait ça tout seul, qu'il a trouvé une martingale. Tout le monde dans la finance sait que cela n'existe pas. Ce qui m'a marqué c'est que Kerviel ne voulait pas révéler ses positions. On lui a dit qu'on y mettrait le temps et les ressources qu'il faudrait, il savait que le lundi matin on avait besoin de savoir quelle était cette position pour pouvoir la gérer, mais il ne voulait rien dire de plus. Il occulte la période de mars à juillet 2007, où il a beaucoup perdu (avant que le marché ne se retourne)

- Pendant les jours qui ont précédé, alors qu'il savait qu'il allait être découvert, il n'a fait qu'augmenter sa position, ce que je trouve criminel.

- Je voudrais déclarer solennellement que je n'ai jamais eu la moindre information sur ses positions, sinon je les aurais fait couper.

Il précise qu'en 2007, la plus forte perte journalière a été de 56 millions.

- Quant à ses supérieurs directs, je ne peux pas croire qu'ils auraient pu laisser passer ce type de positions.

Je suis extrêmement choqué que Kerviel dise qu'on l'a laissé faire. Quand on devient trader chez SocGen, on signe une charte de déontologie qui dit qu'on doit être loyal, transparent et respecter ses limites. Je suis très en colère, j'estime que Kerviel a été déloyal, non transparent et tricheur. J'en ai terminé."

 

11h10 "Je ne vais pas vous dire, M. le président, qu'on a été bon, mais on a été honnête".

Christophe Mianné poursuit :

- "Je ne vais pas vous dire, M. le président, qu'on a été bon, mais on a été honnête. On a connu quelques cas de fraude mais pas d'un ampleur comparable, même de loin. Nous n'avons pas été vigilants, mais ça n'excuse pas les pratiques de Kerviel, qui auraient pu mettre dans le mur une banque de 160.000 salariés".

Le président l'interroge : "comment auriez-vous réagi si vous aviez appris les faits quand Kerviel gagnait 500 millions, en août 2008 ?
- Nous aurions fait une enquête de l'inspection, licencié les responsables et lancé un plan pour remédier aux failles [c'est exactement ce qui s'est passé à partir de janvier 2008, Ndlr]"

Mianné explique que le métier des trader n'est pas de deviner dans quelle direction va le marché, mais de gagner peu à chaque opération en limitant ses risques

Le président interroge Mianné sur les propos de son ancien patron, Jean-Pierre Mustier, selon qui la fraude est "consubstantielle" à la finance. "Je le laisse libre de ses appréciations", répond-il, avant de rappeler qu'il n'a connu que trois fraudes au dehors de celle de Kerviel, qu'il qualifie d' "extravagante"

Il explique qu'une exposition de 200 millions non couverte est déjà "énorme", et qu'elle ne peut être acceptée par la banque que pendant quelques minutes pour couvrir le besoin d'un client.


11h25 Retour sur les "turbo warrants".

Le président revient sur le développement de l'activité d'arbitrage sur les "turbo warrants" émis par les banques. Mianné explique qu'en 2007, les conditions de marché créaient des opportunités pour cette activité, et évoque quelques "bonne journées", avec un résultat de "quelques millions". Sur sa chaise, Kerviel laisse échapper un sourire ironique en levant les yeux au ciel.

Interrogé par le président, Mianné dément que la banque se soit engagée dans une prise de risque croissante, expliquant que les paramètres de risque n'ont pas été modifiés.

Puis il revient sur l'attitude de Kerviel quand la banque a commencé à découvrir ses positions dissimulées. "Le vendredi soir, il sait parfaitement qu'il perd déjà plus d'un milliard, mais il ne fait que répéter qu'il a gagné 1,4 milliard. Et il sait que nous avons besoin de connaître la position pour la gérer. C'est criminel"

Interrogé par le procureur, Mianné répète qu'il est sûr des managers mis en cause par Kerviel, car il les a vus à maintes reprises l'alerter de petites positions en perte. "Je ne crois pas qu'ils aient totalement changé du jour au lendemain ".

Interrogé par Me Martineau (SocGen), il revient sur la décision de contacter Deutsche Bank le vendredi 18 au soir.

- "Qu'avez-vous pensé quand vous avez compris que Deutsche Bank n'est pas la contrepartie, contrairement à ce qu'a déclaré Kerviel ?

- Nous étions extrêmement inquiets

- Que s'est-il passé ?

- Claire Dumas a constitué une "task force" pour enquêter, et nous, les dirigeants, avons interrogé Kerviel le samedi 19 dans l'après-midi. Quand Kerviel est arrivé, il ne disait qu'un mot par minute, et nous étions toujours inquiets

- Vous a-t-il dit qu'il avait agi avec des complices ?

- Non, il dit qu'il a fait cela tout seul, même si à un moment il dit "on", et on croit comprendre qu'il fait référence son collègue M. Meskine.

- Qui aurait le pouvoir, au sein de la banque, de prendre des positions de 50 milliards ?

- Personne, même pas le conseil d'administration

- Pensez-vous qu'une instruction de ce type a pu être donnée ?

- Non

Me Martineau (SocGen) relit des extraits des procès verbaux d'audition :

Kerviel y déclarait qu'il n'avait pas évoqué ses positions dissimulées avec ses supérieurs, messieurs Cordelle et Rouyère. "Ils ne pouvaient pas être au courant. Effectivement, je n'en ai pas parlé avec eux

- Pourquoi les aviez-vous cachées ?

- Pour pouvoir les conserver plus longtemps

Me Martineau interroge Mianné :

Avez-vous déjà vu des traders faire des faux ?

- non, jamais

Il rappelle un épisode censé montrer le caractère "machiavélique", à savoir un moment où Kerviel avait modifié des indications sur l'entête d'un produit en finlandais

Plus tard : "les martingales n'existent pas. Je suppose qu'il faisait référence à la possibilité de gain quand la barrière désactivante du turbo warrant est atteinte. Mais il refusait de nous expliquer, on voyait qu'il avait l'impression d'avoir découvert un grand mystère."

Martineau rappelle que Kerviel a continué à augmenter sa position le 18 janvier, alors qu'il savait qu'il allait être découvert.

Mianné :

- "je ne me l'explique pas, j'espère que ce n'était pas pour envoyer la banque dans le mur, mais vu qu'il ne voulait rien nous dire, on peut craindre que cela ait été le cas."

 

12h10 - Mianné assure qu'il a bien entendu Kerviel parler de "martingale".

Me Metzner interroge à son tour M.Mianné : "vous avez dit que vous aviez relu l'ordonnance de renvoi hier soir, pourquoi avez-vous ressenti ce besoin ?
 

- Pour me remémorer les dates et les noms.
 

- Vous dites que Kerviel avait parlé de sa "martingale", or Kerviel n'a jamais utilisé ce mot, comme en témoigne l'enregistrement de l'interrogatoire fait à la banque le 19 janvier, ce sont vos équipes qui l'utilisent.
 

- Je soutiens que j'ai entendu ce mot dans sa bouche, peut-être que ça n'a pas été retranscrit, car Kerviel parlait tout bas.
 

- Vous dites que la banque ne "joue" pas la hausse ou la baisse du marché, mais alors que fait-elle avec des produits dérivés ?
 

- On ne joue pas, on travaille, et on se couvre pour que l'exposition soit minimale.

Me Metzner revient sur la journée du 18 janvier. Mianné explique que vers 16h30 les patrons ont pu vérifier que Kerviel avait bien 1,4 milliard en trésorerie, et ont alors monté la "task force" censée tirer au clair les positions du trader
"Vous mettez 48 heures, dans votre banque, à trouver une position de 49 milliards ?
 

- On ne savait pas où chercher.
 

- Comment avez-vous pu vous concentrer sur les opérations de 2007 au lieu de chercher tout de suite celles de 2008 ?
 

- C'est facile à dire aujourd'hui.

Pendant tout ce dialogue, Mianné a gardé la tête tournée pour ne pas croiser le regard de Me Metzner. Il a fait beaucoup de mimiques, notamment pour manifester son doute ou son incompréhension, pendant que Metzner parlait.

"Au lieu de déboucler, interroge Metzner, pourquoi n'avez-vous pas acheté de quoi couvrir la position ?
 

- Comment ? En appelant Warren Buffett pour lui demander de nous couvrir sur 50 milliards ? Couvrir, cela veut dire réduire le risque, donc notre seule solution était de vendre ces positions."

"Pourquoi avez-vous proposé votre démission après l'affaire ? Vous vous sentiez une part de responsabilité ?
 

- Oui, dans le fait de ne pas avoir su détecter cette fraude, d'avoir laissé recruter quelqu'un comme M. Kerviel. Je pense que c'était moralement important pour les équipes d'essayer de reconstruire le département, et je considère que c'était mon devoir si la banque le souhaitait
 

- Pourquoi avez vous décidé de licencier M. Cordelle (le N+1 de Kerviel) ?
 

- Je lui reprochais un défaut de contrôle."


Suspension de séance de la mi-journée.

 

14h10 JK et ses opérations fictives.

L'audience reprend. Le président interroge Jérôme Kerviel sur ses opérations fictives, destinées à dissimuler son exposition en faisant croire que ses positions sont couvertes par une autre opération en sens inverse.

"Vous aviez recours à des contreparties soit réelles, comme "clic options" (contrepartie interne au groupe SocGen), soit fictives ?

- je choisissais d'indiquer la contrepartie en "pending" (en suspens) car cela ne déclenchait pas de paiement, et cela permettait d'éviter que la transaction puisse être dénouée par erreur par le back-office de SocGen

- Votre premier objectif était donc de passer les contrôles ?

- c'est faux, c'était pour dissimuler mon exposition dans la base Eliot. Toutes les opérations sont contrôlées quotidiennement, et les écarts entre la base Eliot et la base tampon apparaissent. Mes opérations sont restées en "pending" plusieurs semaines dans la base tampon, pour des montants astronomiques, alors que comme l'a dit la déontologue ce matin, elles n'auraient pas dû y rester plus de deux ou trois jours.

Plus tard : "depuis plusieurs jours j'entends la banque dire qu'il y a une centaine de millions d'opérations dedans [ce qui rendrait les vérifications quasi impossibles, Ndlr], mais la banque ne précise pas sur quel plage de temps. Les écarts sont normalement vérifiés de près, or dans mon cas cela n'a pas été fait.

Plus tard : "si j'avais vraiment eu une parfaite connaissance des systèmes de contrôle, comme on l'a entendu dire, je n'aurais pas laissé mes futures en "pending" pendant plusieurs semaines en mars, ce qui a provoqué un écart sur lequel on m'a interrogé".

"Les opérations, dès qu'elles sont introduites dans le système, sont censées être contrôlées à J+2 ou J+3. Les "back office" de chaque contrepartie doivent s'envoyer des confirmations. Chaque banque confronte aussi ses informations internes avec les compte-rendus envoyés par les places de marché".

Pendant ce temps, Me Metzner (Kerviel) semble bien profiter de l'accalmie pour faire une petite sieste digestive.

Kerviel continue : "mes techniques d'opérations fictives, soit disant innovantes et indétectables, ont été détectées chaque mois, puisqu'à chaque fois il y avait des écarts importants à gérer."

12h35 - "SocGen, c'est une banque qui prend des risques..."

L'audience se poursuit avec la diffusion d'un enregistrement de conversation entre Guillaume Dolisi, "trader" chez BNP Paribas, et M. Zabranieki, "trader" de la SocGen, réalisé le 24 janvier, juste après l'annonce officielle.

Il semble que le "trader" de la BNP ait compris tout de suite que les positions énormes dévoilées par l'agence Bloomberg étaient celles de Jérôme Kerviel, "parce qu'il "spielait" [jouait, Ndlr] beaucoup sur les futs" (les "futures", famille auquel appartiennent les turbo warrants utilisés par Kerviel).

A plusieurs reprises, le "trader" de la BNP dit qu'il espère qu'on saura tout ce qui s'est passé un jour et celui de la SocGen répond: "j'espère pas". Il répète aussi à de multiples reprises : "comment ils ont pu laisser passer un truc pareil ?", ajoutant que "c'est complètement dingue".

Le trader de BNP déclare aussi : "SocGen, c'est une banque qui prend des risques, donc si elle arrête d'en prendre parce qu'elle a peur, c'est plus SocGen, tu vois."

Il déclare un peu plus tard : "c'est souvent comme cela que cela se finit quand il y a des boss qui ne veulent pas trop regarder un truc, parce que cela gagne, parce que cela leur rapporte beaucoup d'argent..."

Me Veil (SocGen) revient sur l'affirmation du trader de BNP selon laquelle "on va tous être touchés par ce truc (...) a priori une secousse comme cela, cela va faire mal".

Commentaire de Jean Veil : "si deux traders comprennent d'emblée que ce genre d'incident peut avoir des répercussions sur les autres banques, ont peut penser qu'ils l'auraient dénoncé à leur hiérarchie s'ils en avaient été au courant."

Il affirme aussi que celui qui est visé par les accusations de "spiel" n'est pas Jérôme Kerviel, mais Moussa Bakir, son courtier favori, qui travaillait chez Fimat (société de courtage filiale de SocGen). Ce qui est loin d'être certain en relisant la transcription de l'enregistrement (cliquer ici).

NB : la conversation par téléphone semble faire suite à un échange par messagerie électronique instantanée au cours de la quelle le trader de BNP a évoqué le nom de Jérôme Kerviel, ce qui explique que celui de la SocGen lui demande "pourquoi tu dis que c'est Jérôme ?"


14h38 "J'ai poussé le système au bout du bout".

Le président retrace les positions non couvertes croissantes prises par Kerviel, qui dépassent le million d'euros à partir de mars, puis 5 milliards en juin et 10 milliards en juillet. Les montants quotidiens atteignent 14 milliards en novembre.

Keviel reconnaît ne pas avoir parlé explicitement de ses positions à ses supérieurs. "Mais ils passaient derrière mon dos, ils recevaient des e-mails qui montraient clairement que je ne faisais plus du "market-making" mais du directionnel. Tout le monde me voyait traiter avec mon courtier. Eric Cordelle (son N+1) dit qu'il a vu passer 600 ou 700 "futures", je dis qu'il en a vu passer bien plus".

- Alors pourquoi masquer ces opérations ? interroge le président.

- pour donner l'apparence d'une position couverte dans la base Eliot et seulement dans cette base.

- les apparences, c'est une chose, mais sur de telles sommes...

- je n'ai jamais dit le contraire, j'ai poussé le système au bout du bout, c'était peut-être idiot, mais croire qu'un trader isolé peut faire cela..."

Il explique que contrairement à ce que montrait le film diffusé par la SocGen la semaine dernière, les "raders" de son "desk" étaient "les uns sur les autres", ce qui rend selon lui impossible la prise d'ordres de cette taille sans que ses voisins et supérieurs s'en aperçoivent.

Entre deux questions, Kerviel, debout au micro, tourne sa tête et la baisse pour jeter un coup d'?il au sol à côté de ses pieds, comme si cela l'aidait à réfléchir.

Il poursuit : "A J+1, la banque est censée verser un "deposit" qui correspond à 10% de la valeur du contrat. Comment peut-on dire que la banque croyait avoir ces positions (fictives) et ne s'étonnait pas de ne pas avoir de "deposit" à verser ?"

Il soutient que la méthode des provisions qu'il a utilisée pour dissimuler son résultat existait avant lui.

 

15h Claire Dumas de nouveau à la barre.

Le président interroge maintenant Claire Dumas, qui représente la partie civile Société Générale. Elle explique : "ces opérations fictives ont été choisies par Kerviel parce qu'elles n'étaient pas détectables par les contrôles du "back office", du fait du choix de la contrepartie "pending".

- Peu importe qu'elles soient crédibles ou pas ?

- Effectivement.

Elle précise que "dans le cas d'un achat-vente à date de départ décalé [utilisé par Kerviel, Ndlr] la pratique de place était de n'appareiller ces transactions que quelques jours avant la date de valeur, ce qui a permis à Kerviel de ne pas être découvert".

Elle explique aussi que Kerviel a profité du fait qu'il était "sympathique" avec les membres des fonctions support, qu'il invitait à boire des cafés ou à déjeuner, ce qui était très rare pour un membre du "front office". Ce qui explique selon elle leur manque de persévérance dans leurs questions et vérifications auprès du trader. "Il a aussi donné des explications qui semblaient logiques et justifiées, parfois en s'appuyant sur des faux".

Elle explique ensuite que les justifications données par Kerviel sur la réalité économique de ses transactions reposaient parfois sur des montages atypiques. Le président croit en déduire que les explications de Kerviel témoignaient déjà d'un comportement "pas dans les clous". Claire Dumas fait un petit sourire embêté, et contredit le président : "après ses explications, il apparaissait comme quelqu'un qui modélisait ses transactions de façon peu orthodoxe, mais pas comme quelqu'un dont les transactions n'ont pas de réalité économique".

 

15h15 "Kerviel fournissait des explications..."

Claire Dumas explique que Kerviel a réussi à faire passer, dans ses réponses aux contrôleurs, ses transactions fictives pour des opérations servant à régulariser des transactions compliquées. "Il prenait une mine contrite en expliquant qu'il était désolé, mais qu'il n'avait pas trouvé d'autre moyen pour régulariser sa situation" au plan de la conformité. Au passage, elle explique de nouveau que les services de suivi et de contrôle sont moins exigeants envers les traders qui ne sont pas "désagréables" avec eux.

Le président l'interroge :

- est-il envisageable qu'une opération en "pending" reste dans la base plusieurs semaines ?

-sur le principe, non. Mais Kerviel fournissait des explications en disant qu'il allait modifier la modélisation de ses transactions, ou qu'il allait régulariser les transactions sujettes à caution

Elle conclut : "le "middle office" n'a pas réalisé que le fait que les transactions en "pending" restent bloquées dans la base tampon désactivait la chaîne de contrôle en aval."

Kerviel : "je conteste l'affirmation selon laquelle j'ai entré des informations dans le système de "back office", car je n'y avais pas accès". Il souligne que la Commission bancaire a évoqué la taille "monstrueuse" des opérations qu'il a passées dès mars, et que dans ces conditions ces opérations aurait du alerter ses supérieurs.

"La Commission bancaire, dans son rapport, disait que les explications que j'ai fournies étaient totalement invraisemblables. J'ai donc du mal à croire que mes supérieurs, qui avaient au moins dix ans d'expérience sur les marchés, y ont cru".

Le président interroge Claire Dumas sur la crédibilité des explications de JK. Elle répond : "ce qui était reproché à JK dans les courriers internes dont se sert aujourd'hui la défense, c'était d'utiliser des modélisations impropres pour corriger des ajustements dont la finalité économique avait été validée par tout le monde du fait des faux justificatifs fournis par JK. On lui a donc demandé de ne plus utiliser ce type de modélisation, de revenir à la modélisation orthodoxe. Rétrospectivement, on s'est rendu compte qu'il avait arrêté cette modélisation avant la clôture des comptes en juin".

Un juge assesseur interroge Kerviel : "pourquoi avez-vous donné des explications incohérentes ?

- pour des raisons de façade,

- pour couvrir votre hiérachie ?

- non, pour donner une apparence de régularité vis-à-vis de l'extérieur.

- Vous jouiez une sorte de cache-cache ?, intervient le président

- oui, c'est un peu le sport national dans les salles de marché

- mais là, on est sur des sommes qui ne prêtent pas à jouer

- oui, c'est vrai"

Plus tard, Kerviel : "de par mon mandat, j'aurais du avoir 40 contrats, pas 17.000, donc cela sautait aux yeux."

 

15h45 "Mes supérieurs étaient informés".

Le procureur interroge Kerviel : "vous dites que votre but était de faire gagner de l'argent à la banque et pas de déjouer les contrôles, mais en même temps vous expliquez ce que vous avez fait pour dissimuler vos positions

- d'abord, "la banque" n'est pas un tout monolithique. Je continue de dire que mes supérieurs étaient informés par les opérations "pending", bloquées dans la base tampon, sont censées être contrôlées en terme de risque et de résultat. On est dans une banque où des opérations de 3 milliards passent inaperçues... Mon supérieur a été informé d'écarts de méthode de 15 millions, ce qui suppose une position très importante, de plusieurs milliards d'euros.

- vous dites que votre supérieur passait derrière vous et a vu votre résultat de 1,4 milliard en trésorerie fin 2007. Pouvez-vous imaginer qu'il ait cru que cette somme n'était pas un gain, puisque la somme aurait été invraisemblable ?

- je ne suis pas dans sa tête, mais l'explication que j'ai fournie, celle d'un emprunt, était débile, puisque le fait d'emprunter une telle somme sans raison entraînerait des coûts importants. De plus, la lettre d'Eurex stipulait que j'avais acheté 6.000 contrats, or Eric Cordelle a participé à la rédaction de la réponse, je ne vois pas comment il aurait pu le faire sans avoir lu les questions.

- pourquoi êtes-vous le seul à avoir agi ainsi dans la salle de marchés ?

- je ne sais pas si je suis le seul, il faudrait voir les postes des autres "traders"...

(rires dans l'assistance)

Sur la question de sa supposée connivence avec les services de contrôle, il nie avoir bénéficié d'un "traitement de faveur", et répond : "apparemment c'est considéré comme atypique pour un "trader" d'être sympa avec les gens, mais j'ai été éduqué comme cela".

 

16h "Je masquais mon exposition par des opérations fictives".

La partie civile Société Générale tente de circonscrire le débat : Me Reinhart relit les déclarations de Kerviel devant la police judiciaire : "je masquais mon exposition par des opérations fictives" pour établir les délits qui sont reprochés à Kerviel sont avérés.

Kerviel, qui s'accroche à sa version selon laquelle ces opérations fictives ne servaient qu'à produire une apparence de régularité, répond : "est-ce que Daniel Bouton (l'ex-PDG de la banque) connaissait mes positions, je pense que non, mais tous les matins mes supérieurs directs voyaient mes positions, ce que démontrent les pièces au dossier".

S'ensuit un nouveau débat sur l'existence réelle ou supposée de limites aux engagements quotidiens cumulés de chaque "trader". Kerviel soutient qu'il y en avait, car l'automate permettait de les fixer, mais la banque soutient que non, car cette fonctionnalité n'était pas utilisée.

 

16h15 "On n'est pas au pays des Bisounours..."

J.Kerviel : "les chiffres de mes positions étaient indiqués dans les e-mails que j'ai transférés à mon supérieur N+1, qui indiquaient les volumes de mes futures en "pending". C'est quand même surprenant pour quelqu'un qui chercherait à déjouer les contrôles..."

Me Reinhart (SocGen) : "en avril 2007, quand Eric Cordelle arrive à la Société Générale, votre position hors mandat de 10 milliards génère une perte latente de 750 millions, comment imaginez-vous qu'il ait pu valider cela comme vous l'affirmez, alors qu'il venait d'arriver et n'avait donc rien à se reprocher ?

- je refuse de faire des suppositions

- c'est bien la première fois !

Dès que la partie civile ou le ministère public tente de le déstabiliser, par exemple en affirmant qu'il confond des éléments, Kerviel réplique du tac au tac : "je ne confonds pas, ne vous inquiétez pas".

Plus tard, Kerviel : "on est dans une banque où il faut dix signatures pour débloquer un crédit, et en juillet on a inscrit 30 milliards de positions au bilan de la banque sur la foi d'un simple mail. Il y a quelque chose qui ne va pas dans la position de la banque...

- c'est un signe de confiance dans ses traders, glisse ironiquement le président

- oui, bien sûr, réplique Kerviel

Plus tard, Kerviel :

Sur le fait que son résultat de 1,4 milliard aurait pu passer inaperçu : "cela me fait bien rigoler. On n'est pas au pays des Bisounours L'objectif de l'année étant atteint, nous avions l'instruction de notre N+2 M. Rouyère de cacher sous le tapis tout ce qui dépassait, et ce à partir de décembre".

Il répète qu'il était "dans une spirale, une fuite en avant, mais toujours avec la volonté de faire gagner de l'argent à la banque". "Mais si mon but avait été de toucher un gros bonus, avec 1,4 milliard de résultat, rien qu'en le plaçant j'avais 25 millions d'euros de résultat assuré par an."

"Tout à l'heure j'entendais M. Mianné dire qu'un bon trader gagne 20.000 à 30.000 euros par jour, or j'ai fait des journées à 1 million et ce résultat a été validé par mes supérieurs".

Plus tard : "mais pourquoi n'êtes vous pas allé voir votre supérieur hiérarchique ?, demande Me Reinhart

- et pourquoi pas l'inverse ?, intervient Me Metzner (Kerviel), insinuant que ses supérieurs auraient du intervenir bien plus tôt.

La parole est à Me Veil (SocGen) : "M. Kerviel, je ne comprends rien à votre histoire. Avant d'être une "bonne gagneuse", comme vous dîtes, vous avez été un gros perdant, et avant cela un petit perdant. A votre avis, comment votre hiérarchie a-t-elle pu vous laisser faire ?

- je ne peux pas répondre, mais je revois Cordelle et Rouyère (N+1 et N+2) discuter en aparté en me regardant quand il y avait des alertes, et personne n'est venu m'en parler".

Un peu plus tard, il lance à Me Veil, qui veut résumer ses propos : "je n'ai jamais dit cela, maître, vous affabulez". Dans les minutes qui suivent, il l'appelle ironiquement "cher maître". Veil le tance : je ne suis pas "cher maître". Peut-être pour le président, mais pas pour vous."

Dans la foulée, Kerviel remet au cause le témoignage de M. Mianné : "M. Mianné est aussi celui qui a affirmé que j'avais parlé de "martingale", mais je vous mets au défi de trouver un seul échange où j'ai utilisé ce terme... "

S'ensuit un débat sur la question de savoir si les pertes et gains de Kerviel étaient dans les comptes d ela banque. Me Veil explique qu'au moment des faits ils n'y étaient pas, mais qu'ils ont été inclus après lors d'une correction des comptes. Kerviel soutient le contraire.

Me Veil : "franchement, je ne comprends pas comment vous pouvez affirmer que vous avez travaillé pour la banque alors que vous cachiez ce résultat de 1,4 milliard...

- c'est un sport national dans les salles de marché de cacher du résultat

Me Veil : "vous êtes sûr que les positions que vous avez reprises en janvier 2008 n'avaient pas pour but de reperdre ce 1,4 milliard pour vous en sortir ?

- oui, je vous l'assure".

Me Reinhart revient à la charge en rappelant le contenu d'une confrontation avec M. Mianné : "pourquoi avez-vous augmenté vos positions le 18 janvier ? demandait Mianné

- parce qu'à ce moment-là, je ne pensais pas être découvert", répondait Kerviel

- cette formulation cadre-t-elle avec l'image d'un employé qui travaille avec l'accord de sa hiérarchie ?", interroge Me Reinhart.

J.Kerviel affirme qu'il avait peur d'être découvert par le haut management de la banque, pas par ses supérieurs directs.


17h10 Encouragement à continuer.

Après une courte suspension d'audience, Me Metzner (Kerviel) interroge le prévenu sur la question des opérations fictives.

Kerviel : "ce matin, j'entendais M. Mianné dire qu'en cas de position de 200 millions d'euros il est d'usage de prévenir la hiérarchie, or l'alerte d'Eurex faisait référence à l'achat de 6.000 contrats, ce qui représente plus d'un milliard d'euros, et personne n'est intervenu."

Plus tard, Kerviel : "sur l'attestation fournie pendant l'instruction, la banque a affirmé que je pouvais paramétrer les limites sur mon automate de "trading", mais plusieurs témoins ont déclaré le contraire".

"Tous les outils de contrôle sont développés par la banque en interne, c'est bizarre qu'on prévoie la possibilité de fixer des limites d'engagement en nominal pour ne pas les utiliser. D'autant que M. Taillieu (un des témoins) a confirmé que par le passé ces limites étaient utilisées, alors que Mme Dumas (qui représente la banque) a affirmé qu'elles n'avaient jamais été utilisées."

Il contredit l'affirmation de la banque selon laquelle la base Eliot recensait un million d'opérations par jour, en expliquant que les numéros de transaction se suivent et ont commencé au numéro unil y a une dizaine d'années, ce qui permet de calculer le nombre moyen d'opérations quotidiennes, "très inférieur au million évoqué par la banque", affirme-t-il.

Lors du gain irrégulier engrangé par Kerviel en juillet 2005, au moment des attentats de Londres, il affirme que son management lui a dit que ce gain ne serait pas pris en compte pour le calcul de son bonus, mais qu'on lui a fixé pour l'année suivante un objectif deux fois plus important, ce qu'il dit avoir pris pour un encouragement à continuer.

Plus tard, Me Metzner : "tous les employés de la banque ont utilisé le même mot, vous traitant de "criminel"...

- oui, j'ai un peu l'impression que leur discours est formaté."

Kerviel et son avocat en profitent pour revenir sur les divers problèmes de la banque ces dernières années : affaire SGAM, pertes sur le "subprime"...

Plus tard : "c'était un secret de Polichinelle que je prenais des positions directionnelles et que je gagnais beaucoup comme cela, comme l'a montré l'enregistrement où un trader de la BNP, que je ne connais pas, évoque mon nom en disant que je "spielais" (jouais) beaucoup sur les futures."

Il affirme avoir eu le sentiment que son mandat réel "évoluait au gré des gains" qu'il faisait.

 

17h40 "Bon sens".

Le procureur, dont le micro a des ratés depuis le début du procès, revient sur des déclarations de Kerviel, qui garde les bras croisés en répondant.

Kerviel souligne que son "desk" était en dépassement trois jours sur cinq", sans conséquence sérieuse, "juste quelques remontrances", même si "à deux moments, il y a eu une vraie tension".

Claire Dumas, qui représente la banque, intervient : "la base tampon est logée à Chicago car l'outil appartient à Fimat, notre courtier, et les serveurs qui l'hébergent sont logés à Chicago. S'il faut qu'on l'exhume, on le fera, mais cela ne me semble avoir beaucoup d'intérêt.

- pour nous si !, intervient Me Metzner

- en tout cas, personne n'est parti à Chicago avec la base tampon sous le bras, comme la défense veut le faire croire, elle a toujours été à Chicago

Plus tard, sur les dépassements de limite : "les dépassements non dissimulés restent dans une zone raisonnable et ont vocation à être corrigé rapidement, mais ce n'était pas le cas des dépassements de M. Kerviel, qui étaient dissimulés".

Elle affirme de nouveau que "la banque ne suivait pas les limites de montant en nominal, même s'il existe sur les automates des fonctionnalités, accessibles aux traders, qui permettent d'éviter les ordres erronés ou l'emballement d'un automate. Il s'agit de "contrôles bloquants" sur le montant total des ordres, mais en aucune manière de limites en position nominale". Elle précise que ce constat a été fait par les diverses enquêtes menées après la découverte des faits, et que les régulateurs européens ont récemment proposé de contrôler les positions en nominal, ce qui prouve selon elle que cela n'existait pas auparavant.

Me Reinhart (SocGen) rappelle au passage que Kerviel avait déclaré lors de l'instruction : "il y a une limite de risque collective à 125 millions, mais personne ne vérifie les montants en nominal".

Me Metzner demande à Claire Dumas, qui a parlé de "dépassements raisonnables" : "de combien pouvait-on dépasser les limites, et pour combien de temps ?

- il n'y a évidemment aucun document à la SocGen qui dit de combien de % on peut dépasser les limites, mais nous avons montré que les risques de son "desk" ne dépassaient pas 200 millions, pour une limite fixée à 125 millions. Mais c'est surtout une question de transparence. M. Lepetiet (ex-patron du gendarme de la Bourse) a parlé de "bon sens", cela me semble important à garder à l'esprit face au montant des dépassements de Kerviel

- alors pourquoi ne pas faire un code d'éthique qui appelle au "bon sens" ?, interroge Me Metzner. Si les vraies limites ne sont pas définies, comment voulez-vous qu'un trader sache où sont ses limites ?

- et vous plaidez l'imbécillité ?, intervient Me Veil (SocGen).

- de la Société Générale, oui", réplique Me Metzner, déclenchant des rires dans le public.

L'audience est levée vers 18 heures.

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