Le "100 ans" britannique ne présage pas d'un retour de la rente perpétuelle

Londres envisage de lancer une obligation d'Etat à 100 ans. Un projet assez irréel, mais bien dans la tradition britannique.
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Une obligation d'une maturité de 100 ans ! C'est ce qu'envisage le chancelier de l'échiquier (ministre des Finances) britannique, George Osborne. L'effet d'annonce était immanquable dans un monde où les obligations d'Etat sont désormais en immense partie toutes amortissables et rarement au-delà de 30 ans. Mais si le Trésor de sa Majesté passe à l'acte, ceci signera-t-il le retour des très longues maturités, voire des rentes perpétuelles ?

Des investisseurs pas intéressés

Dominique Daridan, directeur de la recherche taux chez Aurel, « voit l'intérêt d'un tel produit pour le Trésor britannique, mais ne voit pas qui il pourrait intéresser». « Certains investisseurs, comme les compagnies d'assurance ou les fonds de pension, peuvent être intéressés par des produits longs, mais pas au-delà de la durée de vie d'un individu », avance-t-il avant d'ajouter que « ces produits longs sont souvent conservés jusqu'à échéance ». 30, 40 ou 50 ans, comme cette obligation britannique émise en 2005, passe donc encore. Mais pas 100 ans.

Des taux trop élevés

La seule façon d'attirer les investisseurs serait alors de proposer des taux très attractifs. « Mais les taux sont au contraire en ce moment très faibles, à la différence de voici une vingtaine d'années », constate Dominique Daridan. Ainsi l'obligation à 30 ans émise en 2009 avec un rendement de 4,25 % côte aujourd'hui avec un rendement de 3,49 %. Actuellement, les obligations émises par les entreprises avec des rendements très longs sont du reste fort chères : l'obligation Tier-1 perpétuelle de BNP Paribas à 4,875 % émise en 2005 affiche un rendement de 7,3 % actuellement. Le titre à 100 ans de GDF, émis en 2006 avec un rendement de 5,95 %, affiche actuellement un rendement de 6,21 %. Même avec son triple A, le Royaume-Uni devra donc payer plus cher un titre à 100 ans. Même s'il se débarrasse de l'amortissement à très long terme, il n'est pas sûr que le jeu en vaille la chandelle.

Le risque monétaire

Ceci dit, cette proposition pourrait raviver les idées de ceux qui veulent voir renaître les rentes perpétuelles. Le produit est cependant différent. Dans ce type de rentes, l'investisseur perd son capital et ne peut donc compter que sur les « arrérages », le rendement de l'intérêt. « Il faut donc être certain que les intérêts seront suffisant à faire face à l'inflation et à l'évolution monétaire », souligne Dominique Daridan. En effet : le succès de la rente au 19ème siècle s'explique avant tout par la stabilité monétaire. Le franc, comme la livre, n'ont pas subi de dépréciation de leur valeur en or jusqu'en 1914. L'âge d'or de la rente a disparu avec la première guerre mondiale, lorsque les dépenses considérables des Etats européens pour l'effort de guerre ont conduit à la fin de l'étalon-or et la dépréciation de leurs monnaies. Avec une inflation à deux chiffres, qui pouvait alors investir son capital dans une rente à 3 % ? Avec la crise actuelle de la zone euro, et les incertitudes monétaires qu'elle créé, il est donc peu probable que le marché soit intéressé par de tels produits du moins concernant la France.

L'avantage de Londres

Le Royaume-Uni a, quant à lui, un peu plus de latitude. « Le Trésor britannique peut compter sur le marché « captif » des fonds de pension qui doivent investir en livres », explique Dominique Daridan. Il peut ainsi offrir sans crainte des maturités plus longues, jusqu'à 50 ans. « La maturité de la dette britannique est plus élevée que celle des autres pays européens », conclut l'expert. Mais cette latitude n'est pas infinie.

La tradition britannique

La Royaume-Uni est, du reste, un des rares pays à avoir conservé des rentes perpétuelles cotées. Si le pays a adopté assez tard, en 1711, ce type de produits, il a été le premier à faire disparaître intégralement l'amortissement de sa dette, dès 1806. On compte d'ailleurs encore aujourd'hui neuf obligations émises entre 1932 et 1949. La plus importante date de 1932 et représente un encours de 1,951 milliard de livres (2,35 milliards d'euros environ), les autres vont de 1,88 à 488 millions de livres (de 2,26 à 586 millions d'euros). Elles sont les héritières des fameux « consols » qui, au 19ème siècle donnait le ton aux marchés de toutes l'Europe. Leur rendement est faible (de 2,5 % à 3,5 %) et leur liquidité l'est encore plus.

 

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