Bourse : pourquoi les banques américaines sont à la traîne de Wall Street

Mercredi 13 avril, JPMorgan a donné le coup d’envoi des publications de résultats trimestriels dans le secteur bancaire américain. L’indice S&P 500 Financials recule de 6% depuis le début de l’année, alors que l’indice global S&P 500 est stable.
Christine Lejoux
JPMorgan a clos le premier trimestre sur un bénéfice net en recul de 6,7%, à 5,52 milliards de dollars.

Si ce sont en partie les banques qui font Wall Street, la Bourse américaine possède de son côté un certain pouvoir de défaire les établissements financiers. Boudée par les investisseurs, l'industrie financière américaine n'est autre que le secteur d'activité qui accuse la plus mauvaise performance boursière, depuis le début de l'année. L'indice S&P 500 Financials recule en effet de 6% depuis le 1er janvier, alors que l'indice global S&P 500 est stable. Et encore, cette baisse de 6% n'est qu'une moyenne, qui cache de véritables dégringolades. A commencer par l'action Morgan Stanley, en chute de près de 23%, talonnée par Bank of America (-21,15%), Citigroup (-19%) et JPMorgan (-10%). Conséquence de ces plongeons, les valeurs qui composent le S&P 500 Financials ne valent plus en moyenne que 12,8 fois leurs bénéfices estimés pour les 12 prochains mois, alors que l'indice global S&P 500 se traite sur la base d'un multiple de 16,7.

Il n'y a pas de fumée sans feu : si les investisseurs valorisent aussi peu le secteur financier, c'est parce qu'ils sont convaincus que le premier trimestre 2016 a été le pire pour les banques américaines depuis la crise financière de 2008, rien de moins. De fait, les analystes pronostiquent un recul de 9,2%, en moyenne, des résultats des sociétés financières américaines, et leur prévision s'élève même à -20% pour les six principales banques du pays, d'après le consensus Thomson Reuters Ibes. Un pessimisme d'autant plus inquiétant que les trois premiers mois de l'année représentent peu ou prou un tiers des revenus annuels des banques américaines.

Le problème de l'exposition des banques au secteur pétrolier

Que leur reprochent donc les investisseurs ? D'abord, leur exposition à des sociétés pétrolières fragilisées par la chute du prix de l'or noir. Celui-ci a certes rebondi d'un peu plus de 50% depuis son plancher de 26 dollars, atteint en février, mais, à 40 dollars environ aujourd'hui, il demeure très inférieur à son cours d'il y a un an et demi (100 dollars). Résultat, une soixantaine de sociétés nord-américaines spécialisées dans l'exploration et la production pétrolière et gazière ont déjà fait faillite depuis le début de l'année 2015, d'après les données du cabinet juridique texan Haynes and Boone. Or les banques américaines ont financé à coups de milliards de dollars l'essor du pétrole et du gaz de schiste, aux Etats-Unis.

La situation est suffisamment inquiétante pour que JPMorgan, première banque américaine à publier ses résultats trimestriels, mercredi 13 avril, ait porté à 1,82 milliard de dollars le montant des provisions nécessaires pour faire face aux risques d'impayés, dont plus d'un tiers concernent les seuls secteurs du pétrole (529 millions de dollars) et des mines (162 millions). Pour rappel, le montant des provisions était près de deux fois moindre au premier trimestre 2015, à 959 millions de dollars. Et la directrice financière de JPMorgan, Marianne Lake, a expliqué lors d'une téléconférence que le groupe pourrait devoir augmenter de 500 millions de dollars cette année ses provisions sur créances douteuses concernant le secteur du pétrole et du gaz, ce qui les porterait à environ un milliard.

Ensuite, les turbulences des marchés, durant les premiers mois de l'année 2016, ne laissaient rien présager de bon pour les activités de BFI (banque de financement et d'investissement) des établissements financiers. A juste titre : les revenus de la BFI de JPMorgan ont dévissé de 24,5%, au premier trimestre, à 1,93 milliard de dollars, la volatilité des marchés ayant freiné l'activité de courtage, en chute de 11%, et découragé nombre d'entreprises de procéder à des augmentations de capital ou à des émissions obligataires.

La marge d'intérêt de JPMorgan s'est améliorée

En revanche, l'inquiétude quant à l'impact de la faiblesse des taux d'intérêt sur les marges des banques s'est révélée infondée, dans le cas de JPMorgan. La première banque américaine en termes d'actifs a vu sa marge d'intérêt nette - qui correspond à la différence entre les taux des crédits consentis et le taux de refinancement sur les marchés - passer de 2,07% au premier trimestre 2015 à 2,3% au 31 mars 2016. Une amélioration qui résulte de la hausse des taux d'intérêt de la banque, dans le sillage du relèvement du taux directeur de la Réserve fédérale américaine, intervenu en décembre.

C'est donc l'activité de banque de détail qui, couplée à un nouveau tour de vis donné aux coûts (en baisse de 7%), a permis à JPMorgan de clore le premier trimestre sur un bénéfice net en recul de 6,7% seulement, à 5,52 milliards de dollars. Soit un bénéfice par action de 1,35 dollar, supérieur au 1,26 dollar attendu par les analystes, ce qui a entraîné une hausse de plus de 2% du cours de Bourse, en séance, mercredi 13 avril. Reste qu'il s'agit là de la première baisse des résultats de JPMorgan depuis cinq trimestres. Les jours suivants, qui verront Bank of America, Wells Fargo, Citigroup, Morgan Stanley ou encore Goldman Sachs publier leurs comptes trimestriels diront si les investisseurs ont eu raison de nourrir autant d'inquiétudes au sujet des banques américaines.

Christine Lejoux

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Commentaire 1
à écrit le 16/04/2016 à 11:08
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Globalement d'accord avec cet article. Cependant la problématique réelle n'est pas les comptes trimestriels mais le retour sur investissement 10 ans. Une entreprise peut faire des bénéfices et être en faillite si les investisseurs n'ont pas de retour...

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