Crédit Suisse s’offre le luxe d’un deuxième avertissement sur résultats

La deuxième banque suisse vient de lancer un avertissement sur ses résultats au quatrième trimestre, après celui émis au premier trimestre 2021. Elle doit en effet passer une provision pour litiges de 500 millions de francs suisses. La banque, secouée par des déboires à répétition, doit surtout changer de stratégie et restaurer son image.
Le nouveau patron de Crédit Suisse, Alex Lehmann, devra restaurer l'image de la banque et repenser sa stratégie.
Le nouveau patron de Crédit Suisse, Alex Lehmann, devra restaurer l'image de la banque et repenser sa stratégie. (Crédits : Reuters)

C'est la loi des séries bien connue des passionnés de voile : quand cela va mal, tout va mal. Crédit Suisse en est la parfaite illustration. Secouée depuis deux ans par des déboires financiers à répétition et une crise de gouvernance aiguë, la deuxième banque suisse vient de lancer un avertissement sur ses résultats du quatrième trimestre en raison de provisions pour litiges dans sa banque d'investissement.

C'est le deuxième avertissement au titre de 2021 ! La banque avait déjà émis un avertissement au premier trimestre de l'an dernier alors que l'un ses clients, le fonds spéculatif américain Archegos était incapable de répondre aux appels de marge réglementaires.

L'annonce apparaît bien singulière alors que le secteur bancaire européen s'apprête à publier des chiffres records pour l'exercice 2021, à l'aune de la reprise de l'activité économique et des excellentes conditions de marché de l'an dernier. Mieux, le scénario d'un resserrement monétaire, sous réserve qu'il soit à la fois graduel et mesuré, offre de nouvelles perspectives en termes de marges, notamment dans la banque de détail.

Des milliards de pertes

Pour Crédit Suisse, l'heure est plutôt à payer les factures héritées des errements passés de sa banque d'investissement. « Les profits publiés pour le quatrième trimestre seront grevés par des provisions pour litiges d'environ 500 millions de francs suisses (482 millions d'euros) », indique ainsi un communiqué de la banque. La banque avait déjà provisionné 500 millions de francs suisses pour litiges au troisième trimestre. Ces nouvelles provisions seront en partie compensées par des plus-values de cessions sur des actifs immobiliers d'environ 225 millions de francs suisses.

Avant les dépréciations d'actifs déjà annoncées, Crédit Suisse devrait donc publier un bénéfice avant impôts « approximativement à l'équilibre » au quatrième trimestre 2021. C'est donc une perte avant impôts de 1,6 milliard de francs suisses que la banque devrait publier au quatrième semestre.

En novembre dernier, la banque avait en effet inscrit dans ses comptes une dépréciation sur l'écart d'acquisition (goodwill) restant sur le rachat, en 2000, de la prestigieuse banque d'affaires américaine Donaldson, Lufkin & Jenrett, pour 20 milliards de francs suisses.

L'année 2021 avait de fait bien mal commencé pour la prestigieuse banque suisse, très agressive sur les activités de marchés et de banque d'investissement (contrairement à sa concurrente UBS recentrée sur la gestion privée et d'actifs).

Déjà secouée par la faillite retentissante de la société britannique Greensill, nouvel acteur dans l'affacturage inversé à la croissance débridée, et pour laquelle Crédit Suisse doit rembourser des milliards de francs suisses à des clients lésés, la banque a dû encaisser ses pertes face à la déconfiture du fonds Archegos, dont l'effet de levier était particulièrement élevé (une pratique pourtant taboue depuis la crise financière de 2008). La chute du fonds américain a déjà coûté à la banque suisse près de 5 milliards de francs suisses au premier semestre.

Restaurer l'image

Plus inquiétant, l'année 2020 a été également sportive pour la banque. Outre les effets de la crise sanitaire, la réputation de la banque a été ternie par une rocambolesque affaire d'espionnage qui a finalement provoqué la démission, en février 2020, de son brillant directeur général, Tidjane Thiam. Il est en effet peu courant qu'une banque d'affaires fasse les gros titres de la presse à scandales.

La gouvernance reste un point critique de la banque qui a connu des départs en cascade au sein de sa direction. La semaine dernière, le nouveau président du conseil d'administration de Crédit Suisse, Antonio Horta-Osorio, a même dû démissionner, neuf mois après sa nomination, pour avoir enfreint... les règles de quarantaine liées au Covid-19 ! Du plus mauvais effet alors qu'il était chargé de changer la culture interne de la banque et de restaurer l'image de la banque.

Comme UBS empêtrée dans des scandales de fraudes fiscales, et dans une certaine mesure, comme Société générale trop exposée aux aléas des marchés, Crédit Suisse doit aujourd'hui repenser son modèle d'affaires. Cela passe par un nouveau plan stratégique qui vise à réduire le profil de risque de sa banque d'investissement.

Proie plutôt que prédateur

Logiquement, la banque a déjà annoncé son intention de réduire son activité de prime brokerage auprès des fonds spéculatifs. Un retrait du marché qui devrait d'ailleurs profiter à BNP Paribas qui compte à l'inverse se renforcer sur ce segment. Crédit Suisse a également reconnu, dans son communiqué, une baisse d'activités dans la banque d'investissement, avec même une perte au dernier trimestre.

Fragilisée, Crédit Suisse fait désormais figure de proie. Le nouveau président, Alex Lehmann, a même dû clairement annoncer son intention de défendre l'indépendance de la banque. Une déclaration qui aurait paru totalement hors de propos il y a à peine deux ans. Cette prime spéculative sur la banque explique sans doute pourquoi le cours de l'action a été peu chahuté aujourd'hui. Reste que la capitalisation boursière de la banque a fondu d'un tiers sur un an.

Seul point positif : la banque a su préserver la solidité de ses fonds propres. Aussi, Crédit Suisse reste une belle franchise dans l'univers de la banque en Europe.

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