La fusion entre Martin Maurel et Rothschild & Co illustre la nécessité d’une consolidation dans la banque privée

La banque marseillaise Martin Maurel, créée en 1825, et l’ex-Paris-Orléans ont annoncé leur intention de fusionner, lundi 6 juin. La pression sur les revenus et l’inflation des coûts appellent une concentration du secteur.
Christine Lejoux
Bernard Maurel et Lucie Maurel Aubert, respectivement PDG et vice-président directeur général délégué de la Compagnie Financière Martin Maurel.

L'univers d'ordinaire si discret et confidentiel de la banque privée (gestion de patrimoines aisés) se trouve sous les feux des projecteurs, en ce début de semaine. Et pour cause : deux institutions du secteur en France, deux groupes familiaux et indépendants, à savoir la banque Martin Maurel et Rothschild & Co, viennent d'annoncer leur intention de fusionner. L'ex-Paris-Orléans, dont David de Rothschild avait obtenu le changement de nom en septembre dernier, et la banque marseillaise, dont les origines remontent à 1825, ambitionnent de créer « l'une des premières banques privées indépendantes en France », avec 34 milliards d'euros d'actifs sous gestion. Sur cette somme, 17 milliards d'euros proviennent de l'activité proprement dite de banque privée (dont 10 milliards pour Rothschild & Co et 7 milliards pour Martin Maurel), le solde émanant du métier de la gestion d'actifs. Il faut dire que le sujet de la taille critique est devenu primordial dans la banque privée, ces dernières années, compte tenu des pressions croissantes qui s'exercent sur la rentabilité du secteur.

Une taille critique qui a doublé en cinq ans

Dans une étude publiée à l'automne dernier, le cabinet de conseil en stratégie McKinsey estimait ainsi qu'en dessous de 10 milliards d'euros d'actifs sous gestion, une banque privée ne pouvait plus être rentable, alors que ce seuil n'était encore que de 5 milliards il y a cinq ans.

La crise financière de 2008 a largement contribué à modifier cette donne : les déconvenues subies par les riches épargnants les ont réconciliés avec les placements dits de bon père de famille, peu risqués mais, en contrepartie, assez peu rémunérateurs, tant pour les clients que pour les banques. Autre manque à gagner en perspective pour les banques privées, la fin des rétrocessions perçues auprès des sociétés de gestion d'actifs dont elles distribuent les OPCVM, prévue par la directive européenne MIF II sur la transparence des marchés financiers, qui entrera en vigueur le 3 janvier 2018.

Réglementation et transformation numérique ont gonflé les coûts

Sur le front des coûts, l'heure est en revanche à l'inflation. En raison, d'abord, de la multiplication des réglementations dont le secteur financier fait l'objet depuis la crise de 2008, et, ensuite, d'une transformation numérique dont la banque privée ne pourra pas faire l'économie, même si celle-ci promet d'être de moindre ampleur que dans la banque de détail. Autant d'investissements considérables en perspective pour les banques privées en général, et plus encore pour celles qui ne sont pas adossées à un réseau de banque de détail, lequel constitue un vivier de clients potentiels.

« (...) Nous faisons face à deux grandes inconnues. La première est d'ordre réglementaire : malgré les tentatives du régulateur de dire que le durcissement des règles touche à sa fin, cette préoccupation demeure. Nous consacrons beaucoup d'énergie à respecter les normes, dont Bâle III [réglementation relative au renforcement des fonds propres des banques ; Ndlr], et nous ne souhaitons pas que cela nous détourne de notre dynamique commerciale », explique ainsi Lucie Maurel Aubert, vice-président directeur général délégué de la Compagnie Financière Martin Maurel, dans un entretien aux Echos.

Quant à « la seconde inconnue » évoquée par la dirigeante, elle « touche à la révolution digitale », qui va nécessiter de « mettre à niveau nos outils et nos offres ». Des défis tels que, « si nous nous projetons à cinq ou dix ans, nous ne pouvons pas être certains de conserver toute notre indépendance stratégique, étant donné notre dimension relativement petite », estime Lucie Maurel, dans les colonnes du quotidien économique. De fait, la banque Martin Maurel, valorisée 240 millions d'euros dans le cadre de cette fusion, ne compte par exemple que 400 collaborateurs et concentre son activité dans les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur, Ile-de-France et Rhône-Alpes, alors que Rothschild & Co revendique un effectif de 2.800 personnes, dans 40 pays.

Consolidation: les banques privées suisses en première ligne

Et encore, avec un bénéfice net part du groupe de 19,06 millions d'euros en 2015, en hausse de 13%, pour des revenus de 102,5 millions d'euros (+6,7%), la banque Martin Maurel présente une rentabilité à faire pâlir d'envie nombre de concurrents.

En effet, d'après l'étude de McKinsey, la rentabilité des banques privées européennes est tombée en 2014 à 25 points de base (0,25%) des actifs sous gestion, soit 10 points en deçà de son pic de 2007. Pis, un établissement sur six a perdu de l'argent en 2014, selon McKinsey. Il est vrai qu'à la différence de la France, où près des deux tiers des encours se trouvent entre les mains de cinq acteurs, certains marchés de la banque privée en Europe sont très fragmentés, à l'image de la Suisse. Ce n'est pas un hasard si, exception faite des Etats-Unis, ce pays est celui où le secteur de la banque privée a connu le plus de fusions-acquisitions en 2015, avec 46,9 milliards de dollars d'opérations, selon le cabinet Scorpio Partnership. Des opérations telles que le rachat de Coutts International par UBP, ou la fusion entre Notenstein Privatbank et Basler Bank La Roche 1787.

Christine Lejoux

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Commentaires 2
à écrit le 15/06/2016 à 17:51
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Après 17 ans à la martin maurel, je pars de cette banque incompétente. Une gestion du patrimoine déplorable, des conseillers très peu compétents ... Une gestion de mon portefeuille d'actifs à la limite du ridicule ... Dommage pour les Rot...

à écrit le 07/06/2016 à 9:49
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Sur le papier, ça a l'air bien. Comme Banque du Louvre + HSBC banque privée il y a quelques années. Dont il ne reste pas grand chose aujourd'hui. Les entrepreneurs doivent se méfier de l'arithmétique, et des comptables.

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