La hausse des taux profite aux banques françaises, souligne le gouverneur de la Banque de France

Lors de la présentation du rapport annuel de l’ACPR, le superviseur du secteur financier, son président François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, tire les principaux enseignements d’une année 2022 atypique qui marque le retour durable de l’inflation. A la clé, une crise de confiance majeur à l’égard des banques, notamment aux Etats-Unis. De nouvelles pistes de réflexion sur la vitesse de circulation des dépôts, le marché des CDS ou les mécanismes de résolution sont lancées.
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, souligne que la crise bancaire aux Etats-Unis n'a pas touché la zone euro.
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, souligne que la crise bancaire aux Etats-Unis n'a pas touché la zone euro. (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, l'a réaffirmé lors de la présentation du rapport annuel 2022 de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), le superviseur des banques et des assurances : « la solidité du secteur bancaire et assurantiel français et celle du modèle de régulation et de supervision européen » ont permis de surmonter les conséquences de la guerre en Ukraine et du retour de l'inflation, sans parler des turbulences qui ont secoué le secteur financier au printemps 2023.

Et de rappeler que « la hausse des taux d'intérêt bénéficie globalement aux banques françaises et européennes », et ce malgré le pincement des marges d'intérêt constaté en France au premier trimestre chez certaines banques, comme les caisses régionales de Crédit Agricole, la Société générale ou bien le groupe BPCE.

Pas de crise sur le crédit immobilier

En 2022, la marge nette d'intérêt des six premières banques françaises a progressé de 4,5% (à près de 70 milliards d'euros). Mais l'impact positif devrait même monter en puissance cette année et surtout en 2024, selon les analystes financiers.

En réponse aux banques françaises qui s'estiment plus pénalisées que les autres banques européennes par l'épargne réglementée et les crédits immobiliers à taux fixe, le gouverneur répète, lui, son mantra : le taux du Livret A doit garder son équilibre entre financement du logement social et juste rémunération de l'épargne et que les taux fixes du crédit immobilier sont un moyen efficace de limiter les risques de défaut (il est vrai historiquement très faible).

Si le gouverneur n'a pas exclu « des ajustements techniques à la marge » sur les conditions d'octroi du crédit immobilier, qui pourraient être amendées lors de la prochaine réunion du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) à la mi-juin, « je ne prendrai aucune mesure susceptible de favoriser le surendettement ». Pour lui, le marché du crédit immobilier recule en bon ordre, après deux années exceptionnelles, du fait de la baisse de la demande, et non des critères d'octroi imposés par le HCSF. Sur cette question, comme celle d'ailleurs de la hausse, ou non, du taux du Livret A au 1er août, les positions de Bercy et de la Banque de France apparaissent divergentes. Une fois de plus, ce sera au politique de trancher malgré tout.

Au passage, le gouverneur se félicite du décollage du livret d'épargne populaire, rémunéré à 6,1% (soit plus que l'inflation d'avril), avec quelque 300.000 ouvertures nettes par mois, pour atteindre 9,6 millions de livrets à la fin mars (pour quelque 17 millions de Français éligibles).

L'exception américaine

Au-delà de cette bataille franco-française, les banques françaises se montrent résilientes face aux chocs et à la montée des taux. « Le modèle de SVB (Silicon Valley Bank tombée en faillite) -plutôt le contre-modèle - est donc une exception et non pas la règle », souligne le gouverneur. Qui ne manque pas de rappeler que toutes les banques européennes sont soumises aux règles prudentielles de Bâle 3, et pas seulement « 13 banques américaines ».

Selon plusieurs estimations, le ratio de liquidité à court terme (LCR, désormais scruté avec autant de soin que le ratio de solvabilité) de SVB, dont les banques américaines régionales sont exemptées, aurait été en-dessous du minimum requis (100%) par les normes de Bâle 3, et dont les banques américaines régionales sont exemptées. De plus, en Europe, les banques sont soumis à des stress tests sur le risque de taux, ce qui n'est pas le cas aux Etats-Unis.

Reste que la crise de confiance à l'égard du secteur bancaire du printemps suscite, pour le régulateur/superviseur, deux sujets de réflexions : la vitesse accrue des flux de sorties des dépôts, liée à la digitalisation des usages, et l'opacité du marché des CDS, ces produits dérivés, sorte « d'assurance » contre un défaut de paiement, dont l'intense spéculation et sa corrélation avec d'autres instruments financiers, ont failli coûté cher à Deutsche Bank, victime d'une attaque en règle sur les marchés, dans la foulée de la chute de Credit Suisse. A noter que les CDS étaient déjà dans le collimateur des régulateurs lors de la crise financière de 2008. Sans réelle réforme depuis.

Contrôle intrusif

Mais alors pourquoi Credit Suisse a-t-il failli alors qu'il respectait tous les critères de Bâle 3 ? Pour le gouverneur, la réglementation ne suffit pas. Encore faut-il assurer une surveillance plus étroite des banques, « une supervision réactive et intrusive, y compris avec des contrôles sur place ». Un message sans doute à certains banquiers, comme le président du conseil d'administration de Société Générale, qui trouvent les missions de contrôle de la BCE trop intrusives.

Reste que le tremblement de terre provoqué par la chute de la maison Credit Suisse va susciter de nouvelles réflexions sur les approches de résolution dans le secteur bancaire (en cas de faillite), avec la nécessité pour la banque centrale de fournir des liquidités en période de crise, « dans un cadre qui reste à construire », précise le gouverneur, mais aussi revoir le dispositif pour les petites banques. La question de la sécurité des dépôts et de l'éventuelle fusion du système européen de garantie (FSU) et les fonds nationaux sont toujours en débat.

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Commentaire 1
à écrit le 31/05/2023 à 19:25
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Les banques trop gourmandes ne veulent pas que la règle de calcul s'applique pour les livrets car une hausse est pour l'instant inévitable. Nous allons voir ce que dit M.Lemaire. Va t il suivre la larme des banques ou respecter la règle car en politi...

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