Le Crédit Coopératif veut garder son ADN de banque de l’ESS

Les particuliers représentent aujourd’hui 10% des encours de crédit de la banque, contre 0% il y a 30 ans. Pour autant, le Crédit Coopératif, qui a présenté ses résultats annuels le 15 mars, entend « rester la banque qui finance les entrepreneurs, en particulier dans l’économie sociale et solidaire contemporaine ».
Christine Lejoux
La banque ne compte que 72 agences en France, principalement dans les grandes métropoles.

Vous n'avez jamais vu une agence du Crédit Coopératif, au gré de vos pérégrinations dans les rues de votre ville ? Normal, quand ses concurrentes en comptent plusieurs milliers dans l'Hexagone, le « Crédit Coop » en revendique 72 seulement, principalement dans les grandes métropoles. Il faut dire que les particuliers représentent 10% seulement des 12 milliards d'euros d'encours de crédit figurant au bilan de la banque, le solde de 90% se répartissant entre les entreprises (PME/PMI, sociétés coopératives, etc.) et les associations et organismes d'intérêt général, notamment dans les domaines de la santé et du handicap, dont 37.000 environ sont sociétaires (c'est-à-dire, porteuses de parts sociales) du Crédit Coopératif. « Nous sommes une banque au service de l'économie réelle, au service de l'économie sociale et solidaire (ESS) », a rappelé Jean-Louis Bancel, président du groupe Crédit Coopératif, le mardi 15 mars, à l'occasion de la présentation des résultats annuels de la banque (lire encadré ci-dessous).

Certes, la proportion des particuliers dans les encours de crédit était nulle il y a encore trente ans, et le Crédit Coopératif entend poursuivre la conquête de cette clientèle. Mais, « fondamentalement, nous voulons rester la banque qui finance les entrepreneurs, en particulier dans l'ESS contemporaine », insiste Jean-Louis Bancel. Autrement dit, le Crédit Coopératif entend préserver son ADN, qui possède une double origine : la Banque coopérative des associations ouvrières, créée en 1893, et la Caisse centrale de crédit coopératif, fondée en 1938, toutes deux ayant pour vocation de financer les coopératives de production et de consommateurs. Après la loi bancaire de 1984, le Crédit Coopératif a développé une activité de banque proprement dite. En 2002, l'alourdissement de la réglementation bancaire rendant compliquée la vie des banques de taille moyenne indépendantes, le Crédit Coopératif a rejoint les Banques Populaires, dont la fusion avec les Caisses d'Epargne a donné naissance au groupe BPCE, en 2009.

Spéculation et vision de court terme, non merci

Une concession au modèle bancaire plus traditionnel qui n'a en rien modifié la philosophie du Crédit Coopératif : la spéculation sur les marchés financiers ? la vision de court terme ? très peu pour le groupe, qui se définit comme une « banque durable ». De fait, il est le seul établissement français admis au sein de la Global Alliance for Banking on Value (GABV), une association mondiale composée de 28 banques « engagées pour une finance responsable ». A l'échelle européenne, le Crédit Coopératif avait participé à la création de la Fédération européenne des banques éthiques et alternatives (FEBEA), qui fêtera son 15e anniversaire cette année. « Nous sommes une banque à la fois citoyenne du monde, et à la fois enracinée dans le territoire français », résume Jean-Louis Bancel. Le dirigeant en veut notamment pour preuve la politique du « zéro paradis fiscal » que la banque applique tant à ses clients qu'à elle-même. « Loin de toute tentative d'optimisation fiscale en Irlande, au Luxembourg ou je ne sais où, le Crédit Coopératif paie ses impôts en France », martèle Jean-Louis Bancel. Des impôts qui se sont élevés à 53,19 millions d'euros en 2015, soit 13,24% du produit net bancaire (PNB, équivalent du chiffre d'affaires) de la banque.

Autre exemple de l'ancrage territorial du Crédit Coopératif, son livret d'épargne Rev3 (pour « troisième révolution industrielle »), lancé en janvier 2015 avec la région Nord-Pas-de-Calais. Les quelque 10 millions d'euros ainsi collectés en un peu plus d'un an, auprès d'entreprises, d'associations et de particuliers, le Crédit Coopératif s'engage à les utiliser pour financer des projets régionaux, en lien avec la "troisième révolution industrielle", dont les entreprises et les collectivités locales du Nord-Pas-de-Calais veulent être des acteurs, après avoir, de leur propre aveu, été victimes de la première révolution industrielle et loupé le coche de la deuxième. A partir du mois d'avril, ce livret d'épargne Rev3 sera progressivement élargi aux 12 autres régions françaises, pour les aider à financer leurs priorités de développement économique.

Des partenariats avec le crowdfunding

La « finance engagée », pour le Crédit Coopératif, ce sont également les 3,5 millions d'euros de dons versés à 55 associations partenaires, via ses produits de partage tels que les livrets d'épargne de la gamme Agir, dont une partie des intérêts dus aux clients vont à des associations. Ce sont aussi les quelque 100.000 euros de dons collectés en 2015 par l'intermédiaire de sa propre plateforme de financement participatif, Agir&Co, à destination, là encore, d'associations. Plus largement, le Crédit Coopératif s'est lancé dans le crowdfunding il y a sept ou huit ans déjà, lorsque ce mode de financement était encore à l'état embryonnaire, en nouant des partenariats avec des plateformes comme Babyloan, spécialisée dans le prêt solidaire aux micro-entrepreneurs, ou Spear, axée sur les prêts à destination des entreprises de l'ESS.

L'an dernier, la banque a noué des partenariats avec la plateforme d'investissement en capital Wiseed et avec la plateforme de prêts obligataires Lumo, ce qui lui permet d'être maintenant présente sur les différents segments du crowdfunding. « Le financement participatif apporte aux petites entreprises et aux startups des solutions de financement pour lesquelles les banques ne sont pas toujours les mieux placées », explique Jean-Louis Bancel. Pour qui l'innovation est « un élément clé, le métier de banquier évoluant, n'étant pas statufié dans le temps. »

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Des résultats 2015 entachés par une provision de 6,1 millions d'euros, au titre d'un redressement fiscal

En 2015, le Crédit Coopératif a dégagé un bénéfice net de 37,8 millions d'euros, en chute de 31,2%, pour un PNB en repli de 2,4%, à 401 millions d'euros. Des contreperformances qui tiennent notamment à la hausse de 10,2% des frais généraux, conséquence des 6,3 millions d'euros de surcoûts engendrés par le projet de migration du système informatique de la banque sur une plateforme du groupe BPCE, prévue pour 2018, et des charges de 4,2 millions d'euros liées au programme de rénovation du réseau du Crédit Coopératif, qui concernera la moitié de ses 72 agences au cours des trois ou quatre prochaines années. Les résultats ont également pâti de 12 millions d'euros d'éléments exceptionnels, dont une provision de 6,1 millions d'euros au titre d'un redressement fiscal lié à l'épargne réglementée. En 2012, la banque s'était trompée dans le calcul des intérêts dus à ses clients, en leur versant un trop-plein de l'ordre de 59.000 euros. S'estimant ainsi lésé, le fisc a infligé une amende de 6,1 millions d'euros au groupe, amende que ce dernier juge disproportionnée par rapport au préjudice subi, et qu'il contestera si l'administration fiscale la maintient au terme de la phase de pré-contentieux actuellement en cours.

Christine Lejoux

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