Les banques françaises devraient moins tirer profit de la hausse des taux

La hausse des taux d'intérêt est plutôt une bonne nouvelle pour le secteur. Néanmoins, les banques françaises devraient en profiter avec un décalage compte tenu des spécificités du marché français. En outre, les régulateurs appellent les établissements à beaucoup de vigilance quant aux conséquences du relèvement des taux sur l'activité économique.
En France, la grande majorité des prêts accordés par les banques étant à taux fixe, ces dernières ne peuvent répercuter les hausses successives menés par la BCE depuis juillet.
En France, la grande majorité des prêts accordés par les banques étant à taux fixe, ces dernières ne peuvent répercuter les hausses successives menés par la BCE depuis juillet. (Crédits : Reuters)

Jusqu'ici, les banques européennes ont plutôt bien géré le relèvement des taux d'intérêt. C'est le cas notamment des banques espagnoles et italiennes, qui ont pu répercuter sur leurs clients cette hausse et doper ainsi leurs revenus.

Néanmoins, les régulateurs invitent toujours à la prudence, notamment face au risque de récession, un scénario qui semble cependant s'éloigner. « Une récession sera toujours dangereuse pour l'ensemble des acteurs économiques », confirme Stéphanie Rheinboldt, analyste chez Atlantic Financial Group. D'autant que « les banques sont peut-être plus cycliques et les premières à se rendre compte que leurs clients risquent de subir une détérioration de leur bilan. Elles peuvent donc se montrer d'un coup plus frileuses, décider d'accorder moins de prêts et de commencer à avoir des critères plus stricts envers leurs clients ». La Banque centrale européenne (BCE) a d'ailleurs récemment observé un resserrement du crédit bancaire, « le plus important signalé depuis la crise de la dette souveraine de la zone euro en 2011 ». Ce durcissement des conditions de crédit devrait se poursuivre au premier trimestre, selon l'enquête de la banque centrale réalisée en décembre dernier auprès de 151 banques européennes.

Des provisions en hausse

« Les banques constituent des provisions depuis plusieurs mois pour faire face à une dégradation de la conjoncture. C'est un mouvement tout à fait naturel et normal », souligne, Maya Atig, directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF). « En 2020, elles ont ainsi augmenté leurs provisions progressivement avant de les abaisser légèrement en 2021 comme la conjoncture s'améliorait revenant à des niveaux proches de ceux de 2019 pour finalement les réaugmenter à partir de 2022 », ajoute-t-elle. En outre, « le fait d'avoir des activités multiples comme des activités de gestion d'actifs, parfois dans plusieurs zones géographiques, permet de varier les sources de revenus », indique la directrice générale de la FBF.

En France, moins de rentabilité plus de stabilité

D'autre part, en France, la grande majorité des crédits accordés sont des crédits à long terme et à taux fixe. C'est un filet de sécurité important pour les emprunteurs dans un contexte de brutale remontée des taux, ce qui permet de réduire le risque de défaut, notamment parmi les emprunteurs immobiliers. Revers de la médaille : le taux fixe empêche les banques françaises de répercuter la hausse des taux sur les encours. De plus, l'ajustement des conditions d'octroi aux conditions de marché est également bridé en France par le taux d'usure (taux maximal fixé par la loi) qui ne s'applique qu'aux ménages.

Autre spécificité du système français : l'épargne réglementée, dont les taux viennent d'être revalorisés, avec notamment un Livret A à 3 %. Or, une partie de ces ressources est au bilan des banques, ce qui renchérit le coût des dépôts. « Au lieu d'avoir sur les dépôts un coût à peu près stable, ce dernier va augmenter plus vite pour les banques puisque l'effet de la hausse des taux réglementés est immédiat sur toute l'épargne concernée », précise ainsi Maya Atig.

Dans l'immédiat, les banques françaises semblent donc pénalisées et voient leur marge nette d'intérêt, donc leurs recettes, réduites. Pour autant, ce système français confère au secteur bancaire une plus grande stabilité, avec un coût du risque plus faible, grâce aux taux fixes.

« Il est vrai que nous sommes dans une phase où les taux de la BCE augmentent très vite et sans délai ce qui peut se traduire par une baisse de la marge nette d'intérêt des banques. Les effets ne seront pas les mêmes pour les banques en fonction de leur activité, de leurs sources de financement...Mais, de manière générale, cela ne les mettra pas en péril pour autant, car elles ont eu le temps d'anticiper », résume Maya Atig qui poursuit : « C'est vraiment une fois qu'il y aura eu une stabilisation des taux qu'on pourra y avoir plus clair sur l'équilibre d'ensemble ». Ce que confirme un dirigeant d'une grande banque française : « Après une phase transitoire, nous devrions pleinement profiter de la hausse des taux à partir de 2024 ».

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