Les néobanques mettent le cap sur la rentabilité

La fintech britannique Starling annonce avoir atteint son seuil de rentabilité. Un objectif rarement atteint dans l’univers des néobanques. Sous pression, ces nouveaux acteurs infléchissent leur modèle vers des offres payantes. N26 vient d’annoncer une nouvelle offre payante, avec N26 Smart.
La néobanque Starling table sur un chiffre d'affaires de plus de 100 millions de livres sterling sur les douze prochains mois, contre 17 millions sur l'exercice 2019.
La néobanque Starling table sur un chiffre d'affaires de plus de 100 millions de livres sterling sur les douze prochains mois, contre 17 millions sur l'exercice 2019. (Crédits : Starling)

La nouvelle est suffisamment rare dans l'univers des néobanques qu'elle mérite d'être soulignée. La fintech britannique Starling vient d'atteindre, en octobre, son seuil de rentabilité. « Je suis heureuse d'annoncer que Starling est la première néobanque à devenir rentable », s'est ainsi félicitée, sur son blog, Anne Boden, fondatrice et PDG de la banque.

Si l'année 2020 devrait toujours se solder par une perte significative pour la banque (après une perte de 54 millions de livres sterling en 2019), le redressement des comptes est spectaculaire et la fintech espère dégager des profits en 2021.

La néobanque explique ce tournant à la fois par une forte croissance de ses revenus et par une maîtrise de ses coûts. Le résultat brut d'exploitation est ainsi positif de 0,8 million de livres sterling sur le mois d'octobre (soit 10 millions sur une base annualisée). Une croissance saine, selon la banque, « sans incitations financières, ni promotion », précise ainsi Anne Boden.

Revenus multipliés par quatre

Les revenus ont été multipliés par quatre en octobre 2020 par rapport à octobre 2019, à 9 millions de livres sterling. La croissance est de plus de 30 % par rapport à juillet 2020, dernier chiffre publié. Sur une base annualisée, le chiffre d'affaires pourrait ainsi dépasser les 100 millions de livres sterling, contre 17 millions en 2019 ! La marge sur les intérêts représente 60 % du chiffre d'affaires et les commissions 40%, soit une structure de revenus assez proche finalement des banques traditionnelles.

Les charges d'exploitation ont progressé de 30 % sur un an, alors que le nombre de clients a presque doublé. La banque revendique désormais 1,8 million de comptes (dont 1,4 million de comptes pour particuliers), 4 milliards de livres sterling de dépôts et 1,5 milliard d'encours de crédit.

Le solde moyen d'un compte de particuliers s'établit à 1.625 livres et à 14.900 livres pour les comptes d'entreprises et 3.100 livres pour les entrepreneurs individuels.

Ambitions européennes

« La banque a su accélérer sa croissance ces derniers mois et surtout diversifier ses revenus, notamment auprès des PME », observe Angelo Caci, directeur général de Systals Cards et auteur de la quatrième édition de l'étude sur les néobanques.

Forte de ces chiffres, Anne Boden envisage l'avenir en grand. « Je suis certaine que nous deviendrons un concurrent redoutable sur le marché bancaire européen », affirme ainsi la dirigeante, qui envisage de s'attaquer à de nouveaux marchés. D'autant que la fintech se déclare prête à gérer un afflux soudain de clients et de transactions. Avec pour objectif : préparer son introduction en Bourse « dans deux ou trois ans ».

Talon d'Achille

« Nous montrons un chemin vers la rentabilité que les autres n'ont pas », résume ainsi Anne Boden. De fait, les néobanques rentables se comptent sur les doigts d'une main, comme Transferwise au Royaume-Uni, Nickel en France ou Tinkoff en Russie.

Même le britannique Revolut, la success story européenne aux dix millions de clients, peine à redresser ses comptes, après une perte de 106 millions de livres sterling l'an dernier. Son fondateur, Nicolay Storonsky a cependant promis à ses investisseurs d'atteindre le seuil de rentabilité cette année. La fintech a, il est vrai, énormément investi pour étendre ses cartes prépayées en Asie et aux États-Unis, avec des recrutements massifs à la clé.

De fait, toutes les néobanques sont confrontées au défi de la rentabilité, d'autant qu'elles multiplient les levées de fonds. « Même si la profitabilité des néobanques s'améliore, la pression reste forte : la plupart ont dû réduire leurs coûts et surtout procéder à des revirements stratégiques, notamment en facturant de plus en plus de services », observe Angelo Caci.

N26 lance une nouvelle offre payante

Ainsi, la néobanque allemande N26 (5 millions de clients, dont 1,6 million en France) vient d'annoncer, ce mardi, le lancement dans plusieurs pays, dont la France, une nouvelle offre payante, baptisée N26 Smart, facturée 4,90 euros par mois. La néobanque dispose ainsi de quatre offres différentes, dont trois sont désormais payantes."N26 est globalement rentable en France, par client et après les coûts d'acquisition", précise Jérémie Rosselli, directeur général France et Bénélux de N26.

L'idée est toujours la même : inciter la clientèle de la formule gratuite à basculer sur une offre payante. C'est également la stratégie adoptée en France par Orange Bank, qui propose désormais un pack famille, adossé à un compte premium payant. La fintech, filiale de l'opérateur télécom, a accumulé près de 350 millions d'euros de pertes sur 2018 et 2019 mais mise sur le multi-équipement des clients (assurances, crédit à la consommation...) pour atteindre son seuil de rentabilité en 2023.

Boursorama conforte certes sa place de leader de banque digitale en France mais au prix de coûts d'acquisition élevés (primes de bienvenue) et de pertes annuelles autour de 50 millions d'euros. Hors ces coûts, la banque se déclare toutefois rentable. Seul le challenger Nickel, avec son modèle de distribution particulier dans les bureaux de tabac, a su atteindre dès 2018 la profitabilité avec son service bancaire de base.

Deux modèles qui émergent

En Europe, l'heure est également à la baisse des coûts et aux offres payantes, comme Monzo ou Starling, qui segmentent de plus en plus leur clientèle, comme sur les jeunes ou les entrepreneurs individuels.

Selon l'étude du cabinet Systals Cards, deux modèles différents pourraient émerger : un modèle fondé sur l'hyperspécialisation, comme les néobanques ciblés sur les jeunes (GoHenry), sur le crédit (Younited) ou la Bourse (Robinhood) ; ou un modèle plus généraliste, en concurrence frontale avec les banques traditionnelles, comme N26, Revolut, Starling ou de nouvelles plateformes de services financiers.

« Il est probable que nous assistions à une cohabitation de ces différents modèles avant une sélection naturelle », avance Angelo Caci.

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