UBS parachève sa fusion avec Credit Suisse en moins de trois mois

Les deux banques helvétiques ont annoncé ce lundi que la fusion née du rachat de Credit Suisse par UBS en mars dernier, sous la pression des autorités de la Suisse, sera finalisée d'ici la semaine prochaine. Les actions de Credit Suisse, elles, seront retirées de la cote. Le retrait sera effectif le 12 juin à la Bourse de New York et le 13 juin à la Bourse Suisse.
Ce rapprochement va faire naître un colosse bancaire à la tête de 5.000 milliards de dollars (4.673 milliards d'euros) d'actifs investis.
Ce rapprochement va faire naître un colosse bancaire à la tête de 5.000 milliards de dollars (4.673 milliards d'euros) d'actifs investis. (Crédits : PIERRE ALBOUY)

C'est sans doute la fusion la plus rapide de l'histoire bancaire européenne.  Le rachat de Credit Suisse par UBS, annoncé le 19 mars dernier sous la pression des autorités suisses pour éviter une faillite retentissante, devrait être finalisé le 12 juin prochain, indiquent les deux banques dans des communiqués distincts. C'est donc en moins de trois mois qu'un nouveau géant bancaire européen de 1.500 milliards d'euros de total de bilan va venir talonner BNP Paribas (2.666 milliards d'euros) ou HSBC (2.770 milliards d'euros). A cette date, les actions et les titres Credit Suisse devraient être retirés de la cote de la Bourse suisse à Zurich et à Wall Street les 12 ou 13 juin.

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UBS visait initialement une finalisation de l'opération fin juin. Lors d'un salon financier à Zurich, son directeur général, Sergio Ermotti, avait toutefois laissé entendre que la fusion pourrait intervenir plus tôt, aux alentours de fin mai ou début juin.

Le numéro un suisse UBS avait accepté de reprendre son éternel rival Credit Suisse pour 3 milliards de francs suisses (autant en euros) à condition que l'opération se réalise vite. Et, bien sûr, dans de bonnes conditions. UBS bénéficie d'une garantie publique de 9 milliards de francs suisses sur d'éventuels litiges et dépréciations d'actifs et d'un abandon de créances de 16 milliards de francs suisses avec la valeur des obligations AT1 ramenée à zéro par le régulateur. En 2022, UBS avait par comparaison proposé de payer 1,4 milliard de dollars pour acheter le « robot-conseiller » Wealthfront,  avant que l'opération ne soit finalement abandonnée.

Enfin, UBS peut également compter sur son « badwill » (différence entre le prix payé et les capitaux propres de Credit Suisse) de quelque 50 milliards de francs suisses, qui est assimilé à un bénéfice comptable pour le repreneur et qui constitue ainsi un confortable matelas pour absorber les charges de restructuration. Bref, de l'avis même des actionnaires d'UBS, ce rachat en urgence constitue une excellente affaire.

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Une commission d'enquête parlementaire en Suisse

L'annonce de Credit Suisse et UBS intervient alors que le gouvernement suisse a donné, le 2 juin dernier, son « plein soutien » à la création d'une commission d'enquête parlementaire. Rarissime en Suisse, cette initiative veut faire la lumière sur la façon dont les autorités suisses ont géré le rachat de Credit Suisse par UBS.

« Le Conseil fédéral (le gouvernement, ndlr) considère qu'il est utile et nécessaire d'examiner en détail les événements qui ont conduit à l'acquisition de Credit Suisse par UBS », indique-t-il dans un communiqué.

Cette commission sera composée de 14 membres, représentant à parts égales les députés et sénateurs, selon un communiqué de la chambre basse du Parlement. Elle sera composée de manière à représenter tous les grands partis. Elle entend examiner « la légalité, l'opportunité et l'efficacité des activités » des autorités suisses dans ce rachat et prévoit de faire un rapport sur les responsabilités et éventuelles « lacunes constatées sur le plan institutionnel ». Les commissions d'enquête parlementaire en Suisse sont extrêmement rares.

« Ce n'est que la cinquième fois de l'histoire que le parlement met en place son outil le plus puissant, qui l'autorise entre autres à consulter les procès-verbaux confidentiels du Conseil fédéral et à mener de véritables interrogatoires avec des hauts responsables », observe le quotidien suisse Le Temps.

Pour imposer ce rachat, le gouvernement avait eu recours à des mesures d'exception qui avaient provoqué la colère des élus, qui n'avaient été consultés que symboliquement sans avoir le temps de se réunir.

Un rachat en urgence mais soigneusement préparé

En attendant, les dirigeants d'UBS souhaitent aller au plus vite, notamment pour freiner l'hémorragie des meilleurs cadres de Credit Suisse, alors que l'agence Reuters évoquait des centaines de départs chaque semaine face aux incertitudes liées au rachat. Selon l'agence Bloomberg, UBS cherche d'ailleurs à retenir une centaine de banquiers d'affaires de Credit Suisse en Asie.

Reste que la rapidité avec laquelle UBS a pu mettre la main sur Credit Suisse suscite toujours beaucoup d'interrogations. Selon la presse suisse alémanique, UBS avait déjà réalisé de nombreuses études de faisabilité sur un rachat de Credit Suisse, réalisées notamment par l'ancien patron d'UBS Axel Weber. Et quand la situation de la banque a commencé à se dégrader à nouveau en début d'année, avec un rebond significatif des retraits, UBS a vite réactivé l'idée de la fusion, sous la houlette notamment d'un petit groupe de cadres de la banque et de conseillers chez Morgan Stanley.

C'est ce qui aurait permis, selon la presse, à UBS d'être prête à la mi-mars lorsque la banque centrale suisse est intervenue pour sauver Credit Suisse d'une fuite massive des dépôts en injectant des liquidités. Lors d'un week-end aussi décisif que dramatique, un accord fut trouvé, qui offre désormais à UBS un chantier complexe à réaliser mais aussi d'énormes possibilités, surtout compte tenu du prix dérisoire payé.

Un champ d'opportunités

« Bien que nous n'ayons pas entamé de discussions, nous pensons que cette transaction est financièrement intéressante pour les actionnaires d'UBS », avait même déclaré Colm Kelleher, le président d'UBS au soir de l'annonce de l'accord. A charge pour ce banquier irlandais, qui avait succédé à l'emblématique patron Axel Weber à la tête d'UBS il y a tout juste a, après avoir effectué l'essentiel de sa carrière chez Morgan Stanley, de superviser la plus grosse fusion bancaire depuis 2008.

Colm Kelleher a pris soin de rappeler l'ancien directeur général d'UBS, Sergio Ermotti pour l'épauler dans cette tâche, jugé plus expérimenté dans les restructurations de grande ampleur dans la banque. C'est ce dirigeant qui a mené au pas de charge la réorganisation d'UBS, au bord du précipice après la crise financière de 2008, avec des dizaines de milliers de suppressions d'emplois et l'arrêt des activités les plus risquées, comme les activités de négoce et de marchés.

A noter que Colm Kelleher a également joué un rôle de premier plan pour remettre sur pied les activités de banque d'investissement de Morgan Stanley, durement étrillées par la crise des subprimes. Mais UBS devrait conserver son objectif de limiter la banque d'investissement sous la barre des 25% de risques pondérés, ce qui suppose la cession de pans entiers de l'activité de Credit Suisse.

Enfin, rappelons qu'UBS est elle-même le fruit d'une fusion en 1998 de deux grandes banques suisses, la Société de Banque Suisse (SBS) et l'Union des Banques Suisses, qui s'est accompagnée d'une stratégie agressive de développement de la gestion de fortune, quitte à risquer des procès pour fraude fiscale, comme en France.

(avec agences)

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Commentaire 1
à écrit le 05/06/2023 à 11:01
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Aucun juge n'a du être invité lors des négociations on se doute... :-)

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