Réseaux, impayés, paiements, fonds propres, consolidation : les cinq défis qui attendent les banques en 2021

Malgré une crise sanitaire et économique sans précédent, les banques françaises ont démontré leur résilience. Toutefois, cette crise a souligné certaines faiblesses structurelles du secteur bancaire et surtout accéléré les mutations en cours.
Le secteur bancaire a traversé la crise sans trop de casse mais va devoir relever de nombreux défis à moyen terme.
Le secteur bancaire a traversé la crise sans trop de casse mais va devoir relever de nombreux défis à moyen terme. (Crédits : Kai Pfaffenbach)

1. Redresser la rentabilité

Le message du gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, délivré lors des rencontres de l'ACPR en novembre dernier, est clair : « les fondamentaux des banques françaises sont solides mais la bataille doit porter désormais moins sur la solvabilité que sur la rentabilité ». De fait, la profitabilité des grandes banques françaises demeure faible, autour de 10% en moyenne, un niveau inférieur à celui de la moyenne des grandes banques européennes et surtout, américaines. Des efforts pour améliorer le coefficient d'exploitation sont déjà engagés depuis des années, en particulier dans les activités de banques d'investissement et de marchés.

Désormais, tous les regards se tournent vers les activités de détail, dont les marges ne cessent d'être écrasées par la persistance des taux bas, proche de zéro. En ligne de mire, la réorganisation des réseaux d'agences, jusqu'ici relativement préservés en France au regard des réductions drastiques du nombre observées dans de nombreux pays européens.

Depuis 2015, le nombre d'agences a ainsi globalement diminué de 17,5 % dans la zone euro, plus de trois fois plus qu'en France où la décrue n'a été que de 5 %. Et la crise sanitaire, qui a dopé les usages numériques des services bancaires, semble avoir accéléré le mouvement partout en Europe.

La Société Générale vient cependant d'annoncer une profonde réorganisation de ses réseaux, avec la réduction de 600 agences d'ici 2025. Signe d'un changement d'époque même si c'est moins brutal que chez Santander en Espagne qui a annoncé la suppression d'un tiers de ses agences. Le réseau bancaire français devrait rester le plus dense d'Europe, notamment grâce à la volonté des réseaux mutualistes de maintenir leur maillage du territoire. Toutefois, dans le cadre des stratégies omnicanales et de l'accélération de la digitalisation, le rôle et l'organisation des agences elles-mêmes sont appelées à évoluer fortement dans les années à venir.

 2. Faire face au risque des impayés

Depuis le début de la crise sanitaire, une attention croissante s'est portée sur le risque de faillites en cascade et sur une envolée des provisions. En décembre dernier, l'Autorité bancaire européenne (EBA) alertait ainsi sur une possible explosion des créances douteuses en 2021, tout en demandant aux banques d'être vigilantes. En zone euro, le régulateur européen notait certes, à la fin juin 2020, un repli de 10 % des créances douteuses à 500 milliards d'euros mais pointait déjà une forte progression (23%) des créances fragiles (dites de niveau 2) à 1.200 milliards. De quoi anticiper une forte détérioration en 2021.

En France, les banques se montrent plutôt sereines, estimant leur niveau de provision suffisant pour affronter 2021. D'autant que la mise sous cloche de l'économie - le nombre de faillites n'a jamais été aussi faible en 2020 - devrait se poursuivre cette année, avec la prolongation d'un an du différé de paiement des prêts garantis par l'Etat (PGE). Les remboursements de ces derniers devaient à l'origine débuter dès le mois mars, laissant présager un « mur » de remboursement et son lot de faillites.

Ces nouvelles mesures de soutien et la décision des banques d'accorder, certes au cas par cas, de nouveaux moratoires, pourrait éviter une brusque explosion des impayés en 2021 et faciliter un lissage du coût du risque sur 2021 et 2022. D'autant que, comme le remarque la banque centrale européenne, les banques commencent à se montrer plus sélectives dans l'octroi de crédit aux entreprises.

3. Se préparer à de nouvelles exigences en fonds propres

Le débat n'est pas nouveau. Mais, une fois de plus, les banques françaises redoutent d'être pénalisées par la révision en cours des normes prudentielles de « Bâle 3 », très inspirées du modèle américain, et qui doivent entrer en vigueur au 1er janvier 2023.

La dernière étude d'impact estime que la réforme proposée par le comité de Bâle à la Commission européenne se traduira par une hausse de 17% des actifs pondérés des banques européennes, et par conséquent, par une hausse équivalente des fonds propres nécessaires (environ 52 milliards d'euros).

Le coup est rude alors que le niveau des fonds propres des banques a déjà quasiment doublé depuis la crise financière de 2008. Les banques européennes, et surtout française, espéraient un assouplissement du Comité de Bâle, surtout depuis la crise sanitaire dont les conséquences sur le bilan des banques sont encore incertaines.

Dans son dernier communiqué, en date du 30 novembre, ces espoirs ont été brisés net. En effet, le Comité, qui rassemble les superviseurs bancaires de 27 pays, campe sur ses positions et demande que la nouvelle réglementation soit mise en place « complètement », pour « longtemps » et selon le calendrier prévu.

La principale nouveauté est le « mécanisme de plancher » (output floor). En gros, il impose aux modèles des banques des scénarios plus risqués, qui entraînent une hausse significative de la pondération de certains actifs, comme le crédit immobilier.

Un dispositif qui gêne peu les banques américaines qui « sortent » habituellement les crédits, notamment immobiliers, de leurs bilans par la titrisation, mais qui pèse lourd pour les banques françaises qui les conservent au bilan. Et l'impact peut être très élevé pour des banques comme le Crédit Agricole qui est leader en France sur le crédit immobilier. Du coup, les banques françaises, mais aussi allemandes, tentent de trouver des compromis, ou du moins une interprétation moins stricte des textes. Mais le temps de la négociation est compté : la Commission européenne doit sortir son projet, sur la base des recommandations du Comité de Bâle, en mai 2021.

4. Affronter une mutation rapide de l'univers des paiements

L'industrie des paiements est en pleine mutation et en plein essor. Les banques doivent faire face à trois tendances lourdes  : une digitalisation croissante des paiements, l'incursion de la Big Tech dans les paiements et le développement des cryptoactifs, avec l'intention de certaines institutions publiques d'émettre leur propre monnaie numérique, comme en Chine. Parallèlement, des pans entiers de l'industrie des paiements, notamment dans l'e-commerce, sont de plus en plus concurrencés par de nouveaux acteurs, comme le groupe Adyen, dont la capitalisation boursière dépasse désormais celle de la plupart des grandes banques européennes.

Face à ces évolutions, les banques européennes, notamment françaises, ne restent pas les bras croisés. Elles viennent notamment de lancer le projet EPI (European Payments Initiative), qui vise à créer une nouvelle infrastructure de paiement innovante, susceptible de concurrencer les réseaux Visa ou MasterCard, avec le soutien de la banque centrale européenne et la Commission européenne, au nom de la « souveraineté ». Ce projet devrait monter en charge en 2021 avec la création d'une société commune et l'arrivée de nouvelles banques dans le projet.

Parallèlement, les banques doivent faire face à l'accélération constatée en 2020 dans le domaine des cryptoactifs et des monnaies digitales. Ces projets sont menés par les banques centrales et par des opérateurs privés, comme Facebook, et les banques ne peuvent ignorer ces développements rapides. En clair, elles doivent mener de front à la fois le développement d'infrastructures de paiement de nouvelle génération et accompagner l'essor attendu des monnaies digitales. Sans savoir finalement quelles seront les usages de paiement qui l'emporteront d'ici une dizaine d'années.

 5. Réfléchir à la consolidation bancaire européenne

La banque centrale européenne l'appelle de ses vœux, les banques européennes s'y préparent : la consolidation du secteur bancaire européen est désormais à l'ordre du jour. Des mouvements de fusions et acquisitions ont été lancés en Espagne (fusion Bankia-Caixa) et en Italie (mariage entre Banca Intesa Sanpaolo et UBI Banca) et chacun s'attend à de nouvelles initiatives en 2021. Les valorisations attractives des banques, valorisées en moyenne à la moitié de leur actif net, pourraient en effet accélérer les fusions & acquisitions dans le secteur.

Le régulateur européen a même publié des lignes directrices visant à faciliter les mouvements de consolidation. Il a notamment indiqué qu'il traiterait avec bienveillance la question des « badwill » (différence entre le prix d'acquisition et la valeur comptable, désormais négative) et de les comptabiliser en profit (sans pour autant le distribuer aux actionnaires). Une règle très avantageuse d'un point de vue financier.

Reste à savoir si les banques tenteront l'aventure, alors que la crise sanitaire devrait fragiliser à terme leur bilan. Pour l'heure, les fusions en Europe restent domestiques. Toutefois, le Crédit Agricole a fait une offre sur la banque italienne Creval. En France, l'attention se porte sur la Société Générale comme cible potentielle, compte tenu de sa faible valorisation en Bourse.

Lire aussi : Secoué par le Covid, le monde de l'assurance face à cinq chantiers prioritaires en 2021.

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Commentaire 1
à écrit le 20/01/2021 à 11:28
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redresser la rentabilite? quand on a prete a 25 ans a des gens pas solvables sans apport a 1%? ils n'ot meme pas eu a l'idee que si le marche se retourne la perte immobiliere est pour eyx! ah ben si, en fait ils s'en sont rendus compte, alors ils o...

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