Société Générale quitte la Russie : une facture de 3,2 milliards d’euros

Le groupe bancaire a annoncé la finalisation de la vente de sa filiale russe Rosbank à l’oligarque Vladimir Potanine, qui est en train de se constituer un nouvel empire bancaire à prix cassés. Société Générale doit désormais tourner la page et convaincre de la résilience de son nouveau modèle d’affaires, alors que son directeur général, Frédéric Oudéa, vient d’annoncer son départ d'ici mai 2023.
L'oligarque russe Vladimir Ponanine met la main de la filiale russe de Société Générale à prix cassé.
L'oligarque russe Vladimir Ponanine met la main de la filiale russe de Société Générale à prix cassé. (Crédits : MAXIM ZMEYEV)

Le groupe bancaire a annoncé mercredi soir la finalisation de la vente de sa filiale russe Rosbank, ainsi que ses filiales d'assurance en Russie, au fonds Interros Capital de l'oligarque Vladimir Potanine, par ailleurs principal actionnaire du géant minier Nornickel, et dont la fortune est estimée à 34 milliards de dollars par l'agence Bloomberg, largement dopée par la guerre en Ukraine.

L'opération, annoncée le 11 avril dernier, va se traduire par une perte nette de 3,2 milliards d'euros sur les comptes du second trimestre, précise le communiqué. C'est légèrement plus que les 3,1 milliards d'euros initialement annoncés, dont 2 milliards au titre de la dépréciation de la valeur comptable de l'actif.

L'impact négatif sur le ratio de solvabilité est en revanche très limité, autour de 7 points de base alors que le ratio CET1 du groupe, au 31 mars, s'établit à plus de 370 points de base au-dessus des exigences réglementaires (soit 12,9%).

Très attaché à cette filiale de banque de détail, devenue très rentable avec des années de restructuration, Société Générale a dû se résoudre à quitter la Russie face à l'aggravation du conflit en Ukraine, appelé à durer. « Une décision difficile et douloureuse », a reconnu Frédéric Oudéa, directeur général de Société Générale, lors de l'assemblée générale des actionnaires.

Ce dernier avait défendu la présence du groupe en Russie, malgré la détérioration du climat politique dans le pays et les premières sanctions décidées après l'annexion décidé par Vladimir Poutine de la Crimée en 2014.

Potanine, nouveau oligarque du secteur bancaire

La conclusion de cette transaction est paradoxalement un motif de soulagement pour la banque. En effet, l'acheteur, qui était d'ailleurs l'ancien propriétaire de Rosbank lorsque Société Générale a racheté la banque en 2008, est réputé comme proche de Vladimir Poutine.

Mais, curieusement, Vladimir Potanine échappe pour l'instant aux sanctions européennes et américaine, mais pas au Canada et en Australie. Le scénario catastrophe pour Société Générale de voir son acheteur inscrit sur une liste noire par l'Union européenne est donc évité. Les américains semblent cependant écarter l'idée d'une sanction, compte du poids de l'oligarque sur les marchés des métaux.

Mais ce que perd Société Générale, c'est Vladimir Potanine qui le gagne ! Ce dernier est même en train de se constituer un petit empire dans la banque, un secteur qui faisant pourtant fuir jusqu'ici les oligarques depuis la crise financière de 1998 et la remise en ordre opéré par la banque centrale russe.

Il vient donc de racheter à la fois Rosbank, qui présente le double avantage d'être rentable et de répondre aux critères internationaux en termes de solvabilité et de conformité, et 35 % du holding TCS auprès d'Oleg Tinkov, critique du régime russe, et fondateur de la banque en ligne Tinkoff, une perle de technologie qui connaît un grand succès.

Oleg Tinkov, désormais exilé à l'étranger, mais étrangement soumis à sanctions à Londres, s'est récemment confié sur le prix de la vente de son actif : à peine 3 % de la valeur qu'il comptait tirer de sa participation ! Enfin, Vladimir Potanine a également mis la main, pour une bouchée de pain également, sur United Card Services, la filiale russe du groupe américain Global Payments et, selon des rumeurs, pourrait s'intéresser aux actifs russes de la banque italienne UniCredit.

Tourner la page

Reste pour Société Générale à tourner la page de son aventure russe, qui figurera parmi les gros échecs de la banque depuis la crise financière de 2008, de l'affaire Kerviel à la crise de la dette grecque, en passant par les lourdes pertes sur les produits dérivés au printemps 2020 au début de la crise sanitaire.

Comme le rappelle la banque, la stratégie est claire et bien sur les rails : baisse du profil de risque des activités de marché, restructuration de la banque de détail, développement d'un nouveau pôle de métiers, autour du rachat de LeasePlan par sa filiale ALD. Tous ces chantiers seront bouclés d'ici la fin de l'année.

Mais beaucoup reste à faire. Notamment celui de rassurer les investisseurs et démontrer la résilience de son nouveau modèle d'affaires. La banque présente toujours une décote en Bourse par rapport à ses pairs européens, avec une capitalisation proche de 40% de son actif net tangible, bien inférieure à celle de BNPParibas (0, 7 fois l'actif net).

Une succession engagée

Elle devra également prouver qu'elle fait toujours partie du club des grandes banques européennes et non de la 2ème division. Autant de challenges que devra relever le successeur de l'actuel directeur général, Frédéric Oudéa, qui vient d'annoncer son départ, d'ici mai 2023, lors de l'assemblée générale des actionnaires.

« Un processus de sélection du futur directeur général a été engagé par le conseil d'administration » a indiqué le groupe. Compte tenu de la régulation du secteur bancaire, il devra être un banquier chevronné. Ce successeur pourrait venir de l'externe comme de l'interne. Plusieurs poids lourds de la banque sont récemment partis, ce qui permis à Frédéric Oudéa de mettre en place une jeune (trop jeune ?) garde à la direction générale.

Parmi les noms régulièrement cités comme successeur potentiel, figure notamment celui de Sébastien Proto (44 ans), arrivé en 2018 après un parcours en banque d'affaires, qui est actuellement en charge du dossier stratégique de rapprochement des réseaux SG et Crédit du Nord. La pleine réussite de ce chantier pourrait ainsi lui permettre de prétendre à la direction générale. Autre possibilité, celle de la promotion du directeur général adjoint chargé de la BFI en charge des activités de Banque de Grande Clientèle et Solutions Investisseurs, Slawomir Krupa, 46 ans.

Selon l'agence Reuters, qui cite une source syndicale (CGT),le nom du prochain directeur général pourrait être connu d'ici six mois. Selon cette même source, Frédéric Oudéa pencherait pour une candidature interne en insistant «sur la qualité de l'équipe dirigeante mise en place et sa connaissance intime de la banque ». Avec une indication sur le profil : le successeur devra être «de la génération 45 à 50 ans » !

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Commentaires 3
à écrit le 20/05/2022 à 12:27
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Oudéa le grand génie qui pleurait pour les petits millions de Kerviel...

à écrit le 19/05/2022 à 17:59
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Ya des banques comme ça : Crédit Suisse, SG, Unicredit.... qui cumulent les mauvais paris... c'est toujours les mêmes et ça recommence : wash and rinse

à écrit le 19/05/2022 à 17:17
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On devrait saisir des biens états uniens pour compenser les pertes des politiques internationales qu'ils nous ordonnent

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