Budget 2018 : deux petits cadeaux à la finance

Par Delphine Cuny  |   |  628  mots
La nouvelle taxe sur les transactions financières, qui devait être étendue aux opérations "intraday", initiées et débouclées dans la même journée, n'entrera pas en vigueur le 1er janvier prochain. Un geste destiné à améliorer l'image de la place de Paris aux yeux du monde de la finance.
La taxe à 20% sur les salaires dépassant 150.000 euros sera supprimée. L'extension de la taxe sur les transactions financières aux opérations dénouées dans la même journée, qui devait entrer en vigueur au 1er janvier, est abrogée. Un signal adressé au secteur bancaire pour améliorer l'attractivité de la place de Paris dans le contexte du Brexit.

La finance n'est clairement pas "le véritable adversaire" du gouvernement d'Edouard Philippe, qui tient au contraire, dans son premier budget, à effacer les mesures les plus "anti-finance" prises sous François Hollande. Dès juillet dernier, le Premier ministre avait annoncé une série de mesures destinées à renforcer l'attractivité de la place financière de Paris, dans le contexte du Brexit : parmi elles, la suppression du taux majoré de 20% sur la dernière tranche de la taxe sur les salaires, qui concerne en particulier les établissements bancaires, financiers et d'assurances.

Cette taxe sur les salaires, due par les employeurs des secteurs exonérés de TVA, avait été alourdie en 2013, avec la mise en place d'une nouvelle tranche portant sur les rémunérations brutes annuelles dépassant 152.279 euros. Une "imposition spécifiquement française"  souligne le dossier de presse du gouvernement. Ces gros salaires seront à compter du 1er janvier 2018 taxés à 13,60%.

"Cette disposition [...] permettra d'alléger significativement la charge fiscale des employeurs" fait valoir le gouvernement, qui précise : "l'économie pour les entreprises de la suppression du taux majoré de taxe sur les salaires est estimée à 140 millions d'euros en 2018."

Ce qui se traduira par un manque à gagner fiscal annuel du même montant.

Taxe sur les opérations boursières au jour le jour

Autre taxe emblématique du précédent quinquennat, celle sur les transactions financières (TFF), qui porte sur l'achat d'actions d'une entreprise française dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d'euros, d'Accor à Zodiac, en passant par Hermès, Iliad/Free, L'Oréal ou Société Générale (voir la liste).

Augmentée de 50% l'an dernier, cette taxe inspirée de la "taxe Tobin", qui a rapporté à l'Etat quelque 947 millions d'euros en 2016, contre 1,058 milliard l'année précédente, n'est pas supprimée, ni même ramenée au taux initial de 0,1% ou de 0,2%. Cependant, son extension aux transactions infra-journalières ("intraday"), c'est-à-dire initiées et débouclées dans la même journée, qui devait entrer en vigueur au 1er janvier prochain, est abrogée.

La Cour des Comptes avait dressé cet été un bilan très critique de cette taxe, qui a "seulement déplacé dans d'autres pays" les opérations visées. Les Sages de la rue Cambon avaient estimé que l'extension de l'assiette à l'intraday "se heurte à d'importantes difficultés de mises en oeuvre", en particulier pour définir le fait générateur de la taxe lorsqu'il n'y a pas de transfert de propriété des titres. Le gouvernement rappelle ce point technique mais ce n'est pas sa motivation :

"La suppression de cette extension devrait permettre de renforcer le positionnement de la place de Paris comme place financière de référence en Europe", justifie-t-il.

En juillet, des associations s'étaient élevées contre ce coup de rabot sur la TFF.

« Emmanuel Macron s'assoit sur une taxe qui rapporterait chaque année 2 à 4 milliards d'euros en France et 22 milliards en Europe. Un pactole qui lui aurait pourtant permis de respecter ses belles promesses pour lutter contre la pauvreté et le changement climatique », avait notamment dénoncé Oxfam France.

Les deux mesures sont présentées par le gouvernement comme contribuant "à accroître l'attractivité économique de la France et à renforcer le positionnement de la place de Paris comme place financière de référence en Europe", dans l'objectif de "favoriser la relocalisation ou l'implantation en France d'activités à haute valeur ajoutée et le recrutement de cadres étrangers à fort potentiel par les entreprises françaises."

Le gouvernement rappelle que d'autres dispositions "d'attractivité" qui ne relèvent pas directement de la fiscalité, sont prévues, en particulier l'exclusion des bonus différés dans le calcul des indemnités de licenciement.