Charbon : Le Maire enjoint aux banques de cesser de financer mines et centrales

Le ministre de l’Économie et des Finances va réunir dans les prochains jours banques, assureurs et gestionnaires d’actifs français pour qu’ils s’engagent volontairement à arrêter tout financement « des activités les plus polluantes, en particulier le charbon. » Il envisage de rendre contraignants ces engagements s’ils ne sont pas tenus. L’État va aussi demander à toutes les entreprises dans lesquelles il a des participations de mettre en place une stratégie de réduction des émissions de CO2.
Delphine Cuny
Bruno Le Maire à l'événement sur la finance climat ce lundi, entouré de Brune Poirson, secrétaire auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, et d'Arnaud de Bresson, délégué général de Paris Europlace.
Bruno Le Maire à l'événement sur la finance climat ce lundi, entouré de Brune Poirson, secrétaire auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, et d'Arnaud de Bresson, délégué général de Paris Europlace. (Crédits : UNEP FI)

« Les banques françaises accros aux énergies fossiles » dénonçait l'ONG Oxfam France dans un rapport publié ce week-end. Ce constat, de la part dominante du pétrole et du charbon dans les financements accordés par les grandes banques de la place, n'a pas échappé à Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie et des Finances, qui y a fait allusion ce lundi 26 novembre, lors d'une allocution à la table ronde mondiale sur la finance climat, organisée à Paris par l'Initiative Finance des Nations Unies pour l'environnement (UNEPFI).

Même s'il a fait part de certaines réserves sur la méthodologie de l'étude, le ministre a dit qu'il veillerait à ce que « les engagements [pris par les banques en faveur du climat] soient tenus ». Surtout, il veut aller plus loin.

« Je réunirai dans les prochains jours les banques, assureurs et gestionnaires d'actifs pour qu'ils prennent de nouveaux engagements sur le financement des activités les plus polluantes, en particulier le charbon. Je demande qu'ils arrêtent définitivement de financer les centrales et les mines à charbon », a-t-il déclaré, évoquant une trajectoire à définir. « Si ces engagements ne sont pas respectés, nous les rendrons contraignants » a-t-il prévenu.

En septembre, sur les sujets des frais bancaires facturés en cas d'incidents, Bercy s'était contenté d'engagements volontaires, après avoir menacé de légiférer.

"No New Coal" vs transition progressive

En matière de charbon, les grands acteurs français de la finance ont pris diverses voies. Il y a un an, Axa avait été le premier grand assureur à prendre un engagement radical de désinvestissement, mais aussi la décision de cesser d'assurer les centrales, sous le slogan "No New Coal". Natixis, filiale cotée du groupe BPCE (Banques Populaires Caisses d'Épargne), avait dès 2015 annoncé l'arrêt du financement des centrales électriques au charbon et de mines de charbon thermique dans le monde entier : elle est « la seule banque française à avoir adopté un seuil d'exclusion strict des entreprises exposées à plus de 50% au charbon » souligne Oxfam dans son étude, alors que BNP Paribas et Société Générale n'ont pris cet engagement que pour leurs nouveaux clients.

Frédéric Oudéa, le directeur général de Société Générale, a expliqué en début d'après-midi à cette même tribune la démarche d'accompagnement de ses clients du secteur de l'énergie dans la transition.

« Nous avons toujours besoin des énergies fossiles. Il faut être réaliste » a-t-il fait valoir. « Le pilotage que nous réalisons de nos financements pour production d'électricité montre que nous avançons dans la bonne direction avec une part du charbon proche de l'objectif de 19% à fin 2020, en ligne avec le scénario 2 degrés de l'AIE [l'Agence internationale de l'énergie] et par ailleurs la part des énergies non carbonées dans ce mix atteint 48,7% dont près de 42% d'énergies renouvelables » a-t-il indiqué.

De son côté, le Crédit Agricole a rappelé qu'il avait annoncé en 2015 « une politique générale de désengagement du financement des activités liées au charbon » qui s'est traduite par « une forte baisse des engagements sur la filière "industrie lourde" (de 3% à 2,4% des engagements totaux du groupe entre 2016 et 2017) », regroupant « les grands groupes mondialisés des secteurs de la sidérurgie, des métaux et de la chimie. »

Sa filiale Amundi, leader européen de la gestion d'actifs, a exclu de son portefeuille les entreprises réalisant plus de 25% de leur chiffre d'affaires dans l'extraction de charbon ou produisant plus de 100 millions de tonnes par an.

Livrets bien verts et prêts verts pour l'électrique

Bruno Le Maire a également prévenu qu'il voulait s'assurer que l'usage de l'argent placé par les épargnants français dans les livrets de développement durable et solidaire (LDDS, ex-Codevi), « aille exclusivement à des investissements verts. À ma grande surprise, ce n'est pas le cas. Il y a un peu tromperie sur la marchandise. Nous contrôlerons que ces fonds, centralisés à la Caisse des dépôts, sont bien investis » dans des projets verts.

Au lendemain d'un week-end encore marqué par les manifestations des "gilets jaunes", le ministre a insisté sur la nécessité de « ne pas faire peser sur les plus faibles, les plus fragiles, les plus modestes, le poids de la transition énergétique. » Il veut mettre à contribution les banques dans ce domaine : il a renouvelé sa proposition, évoquée la veille, de voir les banques participer à l'accompagnement des plus modestes dans la transition énergétique avec des « prêts verts ».

« Je souhaite que les banques mettent en place un prêt vert pour aider tous les Français à financer l'achat d'un véhicule propre, en complément des primes versées par l'État. Ces prêts devront être plus avantageux en termes de taux ou de frais de dossier » a déclaré le ministre.

Il s'agirait de venir en soutien aux ménages éligibles à la prime de conversion souhaitant acheter un véhicule électrique neuf ou d'occasion, « pour deux, trois ou quatre mois en attendant la prime. »

Le Crédit Mutuel a dégainé dés ce lundi une offre Prêt Eco-Mobilités, qui sera commercialisée à partir du 1er décembre, sans frais de dossier, présentant un « taux exceptionnel de 0,75% » pour l'achat d'un véhicule hybride ou électrique et de 1,50% pour une voiture essence sans malus écologique.

Le ministre a par ailleurs annoncé qu'il allait exiger des entreprises dont l'Etat est actionnaire de se montrer « exemplaires en matière de lutte contre le réchauffement climatique. »

« Je souhaite désormais que toutes les sociétés dans lesquelles l'État a une participation mettent en place une stratégie précise de réduction des émissions de CO2 », a déclaré Bruno Le Maire. « L'État actionnaire sera demain un État exemplaire » a-t-il promis. 

Delphine Cuny

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Commentaires 6
à écrit le 28/11/2018 à 8:41
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Il n'a que cela à faire lemaire ? Renault est en train de se faire michtonner par Nissan, l'économie va à vau l'eau et il veut donner des leçons aux banques sur leur politique de prêt !

à écrit le 27/11/2018 à 11:59
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Il est difficile de prétendre vouloir sauver la planète avec des véhicules non polluants tout en laissant des enfants travaillé dans des mines de colbat dans des conditions déplorable. Afin de fournir les matériaux nécessaire au smartphone et batteri...

à écrit le 26/11/2018 à 20:12
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On ne peut pas donner à Total des permis de prospection et demander aux banques de cesser de financer les sources de carbone fossiles. On ne peut pas donner des permis de forage pour du gaz de houille en Lorraine et demander des engagements aux ba...

à écrit le 26/11/2018 à 19:44
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Monseigneur LE MAIRE, avec qui j'ai des contacts quotidiens, m'a demandé de faire savoir à la planète bleue qu'il se déplacerait désormais à pied avec son chauffeur (qui poussera la voiture de fonction), son garde du corps et son porteur de parapluie...

à écrit le 26/11/2018 à 19:26
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"Le Crédit Mutuel a dégainé dés ce lundi une offre Prêt Eco-Mobilités, qui sera commercialisée à partir du 1er décembre, sans frais de dossier, présentant un « taux exceptionnel de 0,75% » pour l'achat d'un véhicule hybride ou électrique et de 1,50% ...

le 26/11/2018 à 21:44
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Et quand le revenu est trop faible, on rembourse comment ?

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