Climat : la finance décrète la mobilisation générale

La première journée mondiale de la finance pour le climat s’est déroulée le 22 mai, à Paris. L’enjeu : mobiliser les investisseurs privés dans le financement de la lutte contre le réchauffement climatique.
Christine Lejoux
L’objectif que s’est fixé la communauté internationale de limiter le réchauffement climatique mondial à 2 degrés C suppose près de 1.000 milliards de dollars d’investissements par an.

Lutter contre le réchauffement climatique est un noble combat. Mais, pour le mener à bien, les considérations philosophiques ne suffisent pas : le pragmatisme oblige à reconnaître que la bataille pour le climat ne se fera pas sans la finance. De fait, l'objectif que s'est fixé la communauté internationale de limiter le réchauffement climatique mondial à 2 degrés C - par rapport à l'ère pré-industrielle - suppose près de 1.000 milliards de dollars d'investissements par an. Une somme qui ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval, et encore moins dans la poche de gouvernements en butte à des politiques d'austérité, qui font que "les finances publiques ne suffiront pas" à financer la lutte contre le réchauffement climatique, selon Gérard Mestrallet, président de Paris Europlace, l'association chargée de promouvoir la place financière de Paris.

Celui qui est également PDG de Engie (ex GDF-Suez) s'exprimait à l'occasion de la première journée mondiale de la finance pour le climat ("Climate Finance Day"), organisée vendredi 22 mai à Paris par la Caisse des dépôts, la Banque européenne d'investissement et Paris Europlace. Une journée qui s'inscrivait dans le cadre du "Sommet des entreprises et du climat" visant à mobiliser le secteur privé sur cette thématique avant la COP21, la conférence internationale sur le climat, qui se déroulera dans la capitale française du 30 novembre au 11 décembre.

Réorienter les flux financiers vers une économie plus sobre en carbone

Que peuvent exactement faire les fonds d'investissement, les banques, les assureurs et autres investisseurs institutionnels pour faciliter la lutte contre le réchauffement climatique ? "Orienter davantage les flux financiers vers une économie plus sobre en carbone", a répondu Michel Sapin, le ministre des Finances, lors de son discours d'ouverture du Climate Finance Day. Certes, les investisseurs institutionnels sont de plus en plus nombreux à souscrire aux Principes pour un investissement responsable (PRI), édictés en 2006 par l'ONU : aujourd'hui au nombre de 1.347 dans le monde, ils représentent 45.000 milliards de dollars d'actifs sous gestion, contre 4 milliards seulement il y a neuf ans. Mais ces pionniers doivent être rejoints par "l'ensemble du monde de la finance", a insisté Michel Sapin.

En clair, les investisseurs institutionnels, qui brassent des milliers de milliards de dollars dans le monde, sont priés de réduire la voilure dans les secteurs à forte empreinte carbone et, à l'inverse, d'augmenter leurs allocations dans les énergies renouvelables et autres activités dites vertes. Un rééquilibrage que le monde financier semble disposé à opérer de bonne grâce. Il faut dire que "les technologies propres sont devenues moins chères que les énergies fossiles, les rapports du FMI et de l'OCDE montrent que les énergies renouvelables sont aujourd'hui rentables", affirme Anthony Hobley, président du think tank Carbon Tracker. "Nous n'investissons pas dans les énergies vertes par pur altruisme, notre objectif est également d'accroître le retour sur investissement des capitaux que nous gérons", confirme Mats Andersson, patron du fonds de pension suédois AP4.

Axa donne l'exemple

Vendredi 22 mai, Henri de Castries, président d'Axa, s'est donc engagé à ce que le deuxième assureur européen, qui gère 600 milliards d'euros d'actif général, ramène son exposition au secteur du charbon de 500 millions d'euros à zéro d'ici à la fin de l'année. Et ce, en sortant du capital de groupes miniers qui tirent plus de la moitié de leur chiffre d'affaires du charbon, et en se retirant de l'actionnariat des énergéticiens dont plus de 50% de l'activité émane de centrales à charbon.

Parallèlement, Axa triplera le montant de ses investissements "verts" (dans les technologies propres, etc.) d'ici à 2020, à 3 milliards d'euros. L'assureur a également pris l'engagement d'inclure avant la fin 2015 une approche ESG (prenant en compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans la gestion d'un portefeuille d'actifs de 600 milliards d'euros. "Si les grands acteurs créent une dynamique, cela ne pourra qu'encourager les autres à faire de même", estime Henri de Castries.

Shell et BP davantage à l'écoute des actionnaires sur la question du climat

Ce n'est pas Pierre-René Lemas qui dira le contraire. Le directeur général de la Caisse des dépôts a confirmé que son institution consacrerait 15 milliards d'euros à des investissements en faveur de la transition écologique et énergétique, d'ici à 2017. Et le dirigeant a prévenu de son intention d'engager un dialogue "soutenu" sur les questions climatiques avec les sociétés dont la Caisse des dépôts est actionnaire. Un dialogue dont Pierre-René Lemas est convaincu qu'il "permettra de réduire l'empreinte carbone de notre portefeuille d'actions." Et si tel n'est pas le cas, la Caisse procèdera à des réallocations, en faveur de sociétés plus "vertes."

Des entreprises qui, globalement, semblent aujourd'hui plus enclines à écouter les conseils de leurs grands actionnaires en matière de gestion du risque climatique. "Nous observons un important changement d'attitude depuis 12 à 18 mois. Des résolutions relatives à la baisse de l'utilisation des énergies fossiles au profit d'activités plus durables, qui n'auraient jamais été approuvées en assemblée générale, sont aujourd'hui appuyées par le management de groupes comme Shell et BP", se félicite Martin Skancke, président du Conseil consultatif des PRI. La mobilisation contre le réchauffement climatique semble bien devenir générale.

Christine Lejoux

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Commentaire 1
à écrit le 04/06/2015 à 13:28
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Je ne vois que des entreprises européennes, étranglées par l’écolo-réglementation. Elles voudraient que tout le monde soit à la même enseigne. Un pas de plus vers la décadence européenne ?

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