C'est l'un des points d'achoppement de l'enquête en cours de Bruxelles sur la fusion à 27 milliards d'euros entre Deutsche Börse et le London Stock Exchange (LSE) : la question clé des chambres de compensation, ces rouages essentiels et systémiques des marchés financiers, chargés de réduire les risques de contrepartie entre acheteurs et vendeurs. Ce mardi matin, le LSE a annoncé être entré en négociations exclusives avec le français Euronext en vue de lui céder la filiale française de son activité de compensation, LCH.Clearnet SA.
La Commission européenne avait relevé que la fusion risquait de créer un "quasi-monopole" dans la compensation, en particulier sur le marchés des produits dérivés, avec le rapprochement de Clearstream (Deutsche Börse) et de LCH.Clearnet. Le LSE précise qu'il n'y a néanmoins "pas de certitude" que les discussions aboutissent à une transaction.
Acquéreur naturel et contexte de Brexit
Euronext, l'opérateur des Bourses de Paris, Amsterdam, Bruxelles et Lisbonne, est l'acquéreur naturel de LCH.Clearnet SA, qui est né du rapprochement de la chambre de compensation française Clearnet et de la britannique London Clearing House (LCH) en 2004. A l'issue d'une bataille boursière en 2011, c'est le LSE qui en avait pris le contrôle, sur la base d'une valorisation d'un milliard d'euros. L'entreprise de marché française assure déjà près de la moitié du chiffre d'affaires de LCH Clearnet SA à travers les ordres de ses clients. LCH Clearnet SA pourrait être cédé pour un montant compris "entre 350 et 400 millions d'euros" selon un analyste d'Alphavalue cité par l'AFP.
Pour autant, ce rachat pose une forme de dilemme à Euronext, puisqu'il permettrait de lever le principal obstacle à l'approbation d'une fusion qu'il ne souhaite pas voir réussir, créant un concurrent ultra puissant. Il y a quelques jours, Euronext a aussi annoncé la finalisation du rachat pour 13,4 millions d'euros de 20% d'EuroCCP, chambre de compensation paneuropéenne installée à Amsterdam, contrôlée par ABN Amro Clearing Bank et les américains Bats, DTCC et le Nasdaq.
Le sujet de la localisation et de la supervision des chambres de compensation sur les opérations en euro est devenu encore plus aigu dans le contexte du Brexit. LCH Clearnet SA est d'ores et déjà supervisée par la Banque de France, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l'Autorité des marchés financiers (AMF), tandis que la maison-mère LCH Group est sous la tutelle de la Banque d'Angleterre. Toutes les questions n'ont pas été tranchées dans le cadre de cette fusion germano-britannique, en particulier celui de l'implantation du futur centre de décision.
La Commission européenne a récemment publié de nouvelles propositions de règles pour parer à toute défaillance des chambres de compensation, dont on a reconnu le rôle systémique lors de la grande crise financière mondiale de 2008. Par ailleurs, l'enquête sur la fusion doit être conclue avant le mois de mars prochain.
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