Fusion LSE-Deutsche Börse : Londres acte sa rupture avec l'Europe

Le London Stock Exchange a tiré un trait sur ce rapprochement avec Francfort à plus de 28 milliards d’euros. L’opérateur de la Bourse de Paris, qui devait racheter sa filiale de compensation Clearnet, redoutait la naissance de ce mastodonte paneuropéen. Le LSE redevient une cible pour les Américains ICE ou le Nasdaq. Euronext récupérera peut-être des actifs dans ce cas.
Delphine Cuny
Et si Bruxelles, en exigeant il y a dix jours une concession de dernière minute, avait offert sur un plateau un magnifique prétexte de rupture aux deux fiancés ?

Trois tentatives de mariage et trois enterrements. L'entreprise opérant la Bourse de Londres, le London Stock Exchange Group (LSEG, qui gère aussi la place de Milan) a pris acte dimanche soir du feu vert « peu probable » de la Commission européenne à son rapprochement avec son homologue allemand, Deutsche Börse, qui n'aboutira pas, pour la troisième fois (des projets avaient fait long feu en 2000 et 2005). Les ruptures de fiançailles sont presque devenues une tradition dans le milieu des bourses de valeurs. Car à ce nouvel échec, il faudrait ajouter les multiples combinaisons tentées par le passé : la fusion transatlantique Nyse-Euronext, qui finira par un divorce, après avoir échoué à racheter Deutsche Börse et s'être fait avaler par l'américain Intercontinental Exchange (ICE), ou encore les noces avortées entre le LSE et la Bourse de Toronto, et plus récemment l'offre d'ICE finalement abandonnée sur le LSE.

Officiellement, la Commission doit rendre sa décision le 3 avril. Désormais, plus personne ne croit en cette fusion. Aux yeux de Farhad Moshiri, analyste chez AlphaValue,

« il semble clair, d'après le communiqué, que la fusion est enterrée. »

Un prétexte de rupture après le Brexit ?

Il y a tout juste un an, le 23 février 2016, lorsque le LSE et la Deutsche Börse annonçaient leur fusion entre égaux, les marchés avaient applaudi. L'action du LSE avait bondi de 16%, celle de DB de 7%. Ce lundi, les investisseurs ont accusé le coup : les titres perdaient entre 2% et 4%, y compris celui d'Euronext. L'opérateur des Bourses de Paris, d'Amsterdam, de Bruxelles et de Lisbonne, était en fait partie prenante de l'opération : il devait racheter la filiale française de compensation du LSE, LCH Clearnet S.A., pour 510 millions d'euros. C'était l'un des « remèdes » exigés par la Commission pour maintenir la concurrence dans ce domaine où Deutsche Börse est déjà gros avec Clearstream.

Et si Bruxelles, en exigeant il y a dix jours une concession de dernière minute, la vente des 60% de LSEG dans la plateforme italienne d'échanges sur les marchés de taux MTS, spécialisée dans les obligations souveraines européennes, avait offert sur un plateau un magnifique prétexte de rupture aux deux fiancés ?  « Une raison permettant de sortir la tête haute » analyse un connaisseur du dossier ? Le sort de MTS et des relations du LSE avec l'Italie étaient-ils sérieusement un "deal breaker" ? Certains en doutent. La fusion semblait surtout atrocement compliquée par le Brexit. Les actionnaires du LSEG et de Deutsche Börse AG avaient tout de même approuvé en juillet ce rapprochement à la gouvernance problématique dans la perspective de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Mais les deux parties ne parvenaient à se mettre d'accord sur le siège social (à Londres, à Francfort ?) et les pouvoirs publics britanniques et allemands n'étaient plus guère favorables à cette union. Ni le gouvernement britannique ni la chancellerie allemande n'ont souhaité s'exprimer sur une opération entre deux entreprises de droit privé, mais on peut imaginer de leur part un certain soulagement. Même les investisseurs n'ont pas eu l'air si catastrophés : l'action LSE a quasiment effacé ses pertes dans l'après-midi (-1,12% à la clôture), Deutsche Börse 2,35%, tout comme Euronext.

Cours LSE 27 fevrier

[Cours du LSE lundi 27 février 2017]

Un mariage (raté) peut en cacher un autre

Si Euronext était ravi de se renforcer avec LCH Clearnet S.A., le petit opérateur, qui pèse 2,8 milliards d'euros en Bourse contre plus de 15 milliards pour Deutsche Börse et plus de 10,6 milliards de livres (12 milliards d'euros) pour le LSE, redoutait la naissance de ce poids lourd qui lui ferait de l'ombre.

 « Du côté positif, Euronext n'est plus "nanisé" par un mastodonte européen » nous confie l'analyste d'AlphaValue. « On peut imaginer qu'en cas de bid d'ICE sur le LSEG, des actifs seront cédés et Euronext sera bien évidemment intéressé. » ajoute-t-il.

En effet, si le groupe du London Stock Exchange dirigé par le Français Xavier Rolet, s'est déclaré « très confiant » dans ses atouts et sa stratégie pour continuer en solo, les investisseurs parient déjà sur le deal d'après, un autre mariage boursier, en particulier une offre du géant ICE (New York Stock Exchange, ICE Clear Europe, etc), valorisé 34 milliards de dollars, sur le LSEG. Voire du Nasdaq (qui opère aussi les Bourses nordiques OMX), qui a déjà tenté par deux fois de le racheter, en 2005 et 2006. En actant sa rupture avec son grand projet paneuropéen, le London Stock Exchange n'aura peut-être d'autre issue que de se retourner vers l'Atlantique et ces deux puissants opérateurs américains.

Si sur le papier, un "Airbus de la Bourse" pourrait séduire, notamment les politiques, un projet de rapprochement entre Euronext et Deutsche Börse ne semble plus du tout dans les cartes. Le Français n'a pas très envie de se retrouver noyé dans un immense groupe dominé par les Allemands. Il espère plutôt se renforcer comme deuxième opérateur boursier d'Europe continentale. Par exemple si la Bourse d'Italie venait à être cédée.

Delphine Cuny

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Commentaires 2
à écrit le 28/02/2017 à 9:33
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Avec l'Europe ?! Quelle europe ? Ah ! Avec l'Allemagne vous voulez dire !

à écrit le 27/02/2017 à 20:38
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Aucun souci.....tout ce petit monde rebondira à son avantage.....

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