"Nous ne voulons plus être des payeurs aveugles mais des gestionnaires du risque santé"

Un géant de l'assurance complémentaire santé vient de naître avec la création d'un groupe composé de cinq mutuelles de la fonction publique. Baptisé Istya, ce groupe est présidé par Thierry Beaudet, par ailleurs président de la MGEN, la plus grosse mutuelle de ce nouveau groupe. Il explique à La Tribune les objectifs d'Istya qui compte 3,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires et couvre près de 10 % de la population française.
Hervé Thouroude/MGEN

D'où vient l'idée de ce groupe Istya?

Les cinq mutuelles fondatrices issues des trois fonctions publiques d'Etat, territoriale et hospitalière, MGEN, MNH, MNT, MGET et MAEE*, constituaient déjà un groupe politique au sein de la mutualité française depuis 2009. Nous avons décidé de former un véritable groupe de protection sociale.

 * MGEN : Mutuelle générale de l'Education nationale ; MNH : Mutuelle nationale des hspotialiers et des professionnels de la santé ; MNT : Mutuelle nationale territoraile ; MGET : Mutuelle générale environnement et territoires ; MAEE : Mutuelle des afaires étrangères et européennes.

Et que veut dire Istya ?

Ce nom vient de la déesse du foyer. Il évoque l'idée de protection mutuelle, c'est pourquoi nous l'avons choisi.

Est-ce une fusion ou un simple rapprochement ?

Ce n'est pas une fusion. Chaque mutuelle va conserver son nom, son identitié, sa propre dynamique mutualiste. Mais ce n'est pas une union molle. Nous voulons créer un vrai groupe avec des mécanismes de solidarité financière entre les mutuelles membres. Nos comptes seront consolidés et la marge de solvabilité calculée au niveau du groupe. D'ici 18 mois, c'est-à-dire d'ici fin 2012, une structure de tête sera en place pour piloter les risques, l'actuariat, la gestion des actifs, les achats et le conventionnement des professionnels et des établissements.

A terme toutes les fonctions opérationnelles des mutuelles seront-elles communes ?

Cela fait partie des schémas possibles mais nous ne nous sommes pas projetés à cet horizon. Nous verrons dans l'avenir ce qui est le plus performant. Clairement, la question de l'informatique est déterminante et nous réfléchirons à la manière de faire converger nos systèmes.

Votre union est-elle tirée par l'entrée en vigueur de Solvabilité 2 ?

Non. Mais il est possible que les mutuelles bénéficient de l'effet groupe et de la diversification. En l'état actuel des calibrages des risques, chacune des mutuelles prise isolément passe sans difficulté le cap de Solvabilité 2.

Istya revendique quatre métiers. Vous n'êtes donc plus des mutuelles santé ?

Le groupe Istya est un acteur de la protection sociale complémentaire. Nous sommes acteur de la santé comme assureur complémentaire, gestionnaire des prestations pour le compte de la Sécurité sociale et offreur de soins avec nos 33 établissements sanitaires et sociaux. Nous sommes aussi un acteur de la prévoyance avec plus de 500 millions de cotisations dans ce domaine. De plus, nous sommes le premier assureur de la dépendance avec près de 2, 5 millions de personnes couvertes dont 2 millions à la MGEN et 500 000 à la MNH. Enfin, pour le dernier métier nous sommes distributeur du produit mutualiste de retraite complémentaire facultative le Corem géré par l'Union mutualiste de retraite.

L'Union mutualiste de retraite sera-t-elle intégrée à Istya ?

Le dispositif ne prévoit pas pour le moment d'intégrer l'UMR même si on pourrait imaginer que cela augmente à terme l'effet de diversification dans le cadre de solvabilité 2

Vous faisiez donc déjà ces différents métiers sans le dire ?

Oui. Il s'agit d'ailleurs d'un retour aux sources pour la MGEN car à l'origine, elle a été créée pour faire de la prévoyance, pour maintenir le salaire en cas d'interruption d'activité des instituteurs, pour venir en aide aux enfants orphelins, et intervenir en cas de décès. La santé n'est venue qu'après.

Le groupe a-t-il vocation à rassembler toutes les mutuelles de la fonction publique ?

Le groupe Istya est ouvert. D'autres mutuelles de fonctionnaires ont déjà manifesté leur souhait de nous rejoindre comme la  Mutuelle Civile de la Défense. Mais nous ne rassemblerons pas toutes le mutuelles de la fonction publique, car certaines font le choix de rejoindre d'autres ensembles.

Pourriez-vous accueillir des mutuelles en dehors de la fonction publique ?

Nous avons déjà une offre à destination de tous les publics. MGEN Filila, la MNH et la MNT couvrent environ 300 000 personnes qui ne sont pas fonctionnaires. Nous sommes donc disposer à discuter avec toutes les mutuelles qui souhaiteraient s'adosser à un groupe. Mais nous ne sommes pas dans une course à la taille car avec 6 millions de personnes protégées, nous avons déjà la taille critique.

En quoi votre taille sera-t-elle un avantage pour vos adhérents ?

Nous bénéficierons d'effets de taille mais d'abord nous serons plus forts parce que plus cohérents. Plutôt que de nous faire concurrence, nous préférons l'action collaborative. En nous unissant, nous nous préparons à faire face à la deuxième vague de référencement des complémentaires santé dans la fonction publique et hospitalière en 2016. Avec 10% de la population française et 3,5 milliards d'euros de cotisations, nous pourront agir sur l'offre de prestations et bâtir des réseaux conventionnés.

Est-ce une manière de réduire vos coûts ?

Notre taille nous permettra de peser davantage dans le dispositif de santé. Nous ne voulons plus être des payeurs aveugles mais des gestionnaires du risque santé. Nous voulons optimiser les cotisations c'est-à-dire faire en sorte de réduire ou de supprimer le reste à charge pour les adhérents grâce aux conventionnement de davantage de professionnels et d'établissements. Nous avons déjà de bons accords avec les chirurgiens-dentistes ou les opticiens, nous voulons les renforcer et les élargir. Mais nous ne voulons pas agir que sur les remboursements.

Dans quel autre domaine ?

Avec 6 millions de bénéficiaires, nous pourrons monter des programmes de prévention et d'éducation thérapeutique à grande échelle. Nous voulons en particulier agir sur l'accompagnement des personnes en affection longue durée souffrant de maladies chroniques.

Compte tenu de votre taille n'allez-vous pas concurrencer le rôle de fédération nationale de la Mutualité ?

La fédération dans l'avenir aura pour rôle de défendre les spécificités des mutuelles et du mouvement mutualiste et moins d'agir comme opérateur pour le compte des mutuelles. Nous subissons en effet un véritable laminoir réglementaire qui tend à banaliser la mutualité. Face à cette tendance, l'action de la Fédération est essentielle pour préserver notre modèle.

 

 

 

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Commentaires 2
à écrit le 13/05/2011 à 5:43
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Face au lobby européen des assureurs La mutualité française est resté totalement silencieuse. Il serait temps quelle se réveille et qu' elle défende le mutualisme au niveau européen.

à écrit le 12/05/2011 à 15:56
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"Nous subissons en effet un véritable laminoir réglementaire qui tend à banaliser la mutualité." déclare Thierry Beaudet. L'auteur ou la Tribune seraient bien avisés de traiter au fond cette question dans un prochain papier. En effet à moins d'êt...

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