La lutte contre les délits d'initiés s'intensifie à Wall Street

Après avoir obtenu la condamnation de Raj Rajaratnam, fondateur du fonds d'investissements Galleon, les autorités américaines poursuivent leur traque. Et viennent de recruter l'acteur Michael Douglas.
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Vingt-cinq ans après avoir incarné Gordon Gekko sur grand écran (dans "Wall Street" d'Olivier Stone), Michael Douglas fait désormais campagne avec le FBI. Lundi, la police fédérale américaine a dévoilé une campagne de sensibilisation mettant en scène l'acteur oscarisé, en 1987, pour ce rôle de financier véreux. Le but: inciter Wall Street à dénoncer les pratiques illégales, à commencer par les délits d'initiés.

"Ce film était une fiction, mais le problème est réel, explique Michael Douglas dans cette vidéo diffusée sur les chaînes d'informations financières CNBC et Bloomberg. Notre économie est de plus en plus dépendante du succès et de l'intégrité de nos marchés financiers. Si une offre semble trop intéressante pour être vraie, c'est qu'elle l'est probablement pas."

"Plus le nombre de personnes au courant du problème est élevé, plus nous avons l'opportunité d'obtenir des tuyaux," a expliqué Richard Jacobs, un inspecteur du FBI. Au delà, cette campagne est également le moyen pour la police fédérale de souligner son rôle dans les affaires récentes, alors que les médias mettent plutôt en avant l'action de Preet Bharara, le procureur général du sud de l'Etat de New York, le nouveau "sheriff de Wall Street".

Enquêtes en cours

Ces derniers mois, les autorités américaines se sont en effet lancées dans une chasse aux délits d'initiés. Selon le "Wall Street Journal", pas moins de 120 personnes seraient ainsi dans leur collimateur. "Nous les avons identifiés et nous essayons maintenant de monter un dossier contre eux", a expliqué lundi David Chaves, un autre agent du FBI.

L'opération en cours, baptisée "Perfect Hedge", se focalise notamment sur les fonds spéculatifs ("hedge funds") et sur leur réseau d'informateurs ("experts networks"). Selon une étude menée par Integrity Research Associates, plus d'un tiers des investisseurs institutionnels font appel aux services de ces firmes, dont le rôle est de collecter des informations et de les interpréter.

Pour réaliser leur mission, elles emploient notamment des salariés et des anciens cadres de sociétés, payés des centaines de dollars de l'heure. C'est sur les données qu'ont pu obtenir ces derniers que se portent les soupçons. Toute la question est désormais de savoir où se situe la frontière entre une recherche légitime d'information et le délit d'initié.

Condamnation record

La croisade des autorités américaines a été symbolisée l'an passé par la condamnation de Raj Rajaratnam, le fondateur du fonds d'investisseurs Galleon, à onze années de prison - assorties d'une amende de 10 millions de dollars. Il s'agit de la plus forte peine jamais infligée aux États-Unis pour une affaire de délit d'initiés.

Le milliardaire, dont la fortune était estimée en 2009 à 1,3 milliard de dollars par "Forbes", avait été reconnu coupable en mai des quatorze chefs d'inculpation pesant à son encontre, portant essentiellement pour l'utilisation d'informations confidentielles sur plus d'une douzaine de sociétés cotées (Goldman Sachs, Intel, Google, IBM...). Il risquait jusqu'à vingt-quatre ans de prison. L'accusation estimait qu'il avait illégalement engrangé 72 millions de dollars de profits en Bourse.

Au terme de sept semaines d'un procès retentissent - au cours duquel avait témoigné Lloyd Blankfein, le patron de Goldman Sachs et que certains médias américains n'ont pas hésité à qualifier de "procès du siècle" -, les douze jurés n'avaient pas retenu l'argumentaire de John Dowd, le principal avocat de la défense. Raj Rajaratnam n'a fait que son métier, qui consiste à collecter une mosaïque d'informations publiquement connues avant d'investir, avait-il tenté de convaincre.

Mais cette stratégie n'avait pas pesé lourd face à l'imparable démonstration de l'accusation et à l'accumulation des témoignages, preuves et écoutes téléphoniques accablantes. "Merci pour ce tuyau. Merci, parce que grâce à vous je viens de gagner des millions", pouvait-on entendre dire l'investisseur sur l'une des nombreuses bandes diffusées au cours de son procès.

Ecoutes téléphoniques

Cette affaire exceptionnelle, suivie de très près par la communauté financière, a fait d'autres "victimes". Zvi Goffer, un ancien trader de Galleon, a écopé de dix ans de prison - ce qui était alors une peine record. Son collègue Craig Drimal passera jusqu'à cinq ans et demi derrière les barreaux. Et Danielle Chiesi, qui dirigeait un cabinet de consultants, a été condamnée à deux ans et demi de prison.

"Le message pour Wall Street doit être clair et fort : si vous utilisez des informations confidentielles, vous serez attrapés. Et si vous êtes condamnés, vous irez en prison", avait lancé en novembre le juge Richard Holwell, chargé de l'affaire Rajaratnam. D'autant que la lutte contre le délit d'initiés a été érigé en priorité par Preet Bharara.

Depuis sa prise de fonctions en août 2009, ses services ont déclenché une cinquantaine de procédures dans ce cadre et ont désormais recours à des écoutes téléphoniques, là où les enquêteurs devaient jusqu'à présent se contenter de traquer les transactions boursières suspectes et d'éplucher les courriers électroniques.

Une stratégie coûteuse (plus de 50.000 dollars par écoute) mais qui porte ses fruits. "La preuve la plus puissante de la culpabilité de l'accusé vient de sa propre voix", avait ainsi lancé le procureur adjoint au cours du procès Galleon. Sur les deux dernières années, 79 % des accusés ont été reconnus coupables, selon les calculs du "Wall Street Journal", contre seulement 59 % dans les années 2000 et moins de la moitié entre 1993 et 1999.

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Commentaires 4
à écrit le 29/02/2012 à 13:13
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Etrange le monsieur n'est pas natif US ;où sont les autres ,qui sont les autres ?

à écrit le 28/02/2012 à 21:25
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Les initiés sont protégés en France, pour qu'ils puissent continuer à satisfaire la cupidité des politicards.

le 29/02/2012 à 13:33
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les initiés en france , sont les politcards !

à écrit le 28/02/2012 à 18:40
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C'est pas 240 personnes, à commencer par les parlementaires qui jusqu'à récemment et sauf erreur étaient aux US à l'abri de toute sanction s'ils utilisaient des informations privilégiées, mais sans doute 24 000 qu'il faudrait interroger rien qu'aux U...

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