A l'origine de la débâcle de Groupama, il y a...

Groupama publie des résultats annuels particulièrement mauvais. Passage en revue des différents facteurs qui ont pénalisé l'assureur en 2011.
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La déconfiture que connaît aujourd'hui Groupama n'est pas simplement due à la crise. Celle-ci n'a fait que décupler les problèmes latents que connaissait l'assureur, au bord de l'implosion en 2011. Groupama a publié ses résultats 2011 ce jeudi 15 mars, qui viennent attester que la marche vers la rédemption sera encore longue et douloureuse.

A l'origine de la débâcle de l'assureur vert, il y a :

- Une surexposition aux actions. Par rapport aux autres acteurs du secteur de l'assurance, Groupama a beaucoup investi en actions. A fin 2011, son portefeuille comptait encore 12.8% d'actions (15,9% en 2010) contre 5% à 8% pour l'ensemble des assureurs français.
L'exposition à cette classe d'actifs lui aura été particulièrement préjudiciable. Les titres dont dispose Groupama ont en effet beaucoup perdu en Bourse en 2011, à l'image des titres Société Générale, Veolia, Saint Gobain ou Eiffage. Si bien que l'assureur enregistre 700 millions d'euros de moins-values latentes sur son portefeuille actions en 2011. Au 1er mars 2012, cette classe d'actifs est de nouveau en plus-value latente de 300 millions d'euros.
Au global, la chute des marchés financiers aura coûté 932 millions d'euros à Groupama en 2011.

- L'exposition à la Grèce. Le portefeuille de Groupama est constitué à 67% d'obligations. Ce portefeuille obligataire a souffert de 2,9 milliards d'euros de moins-values latentes en 2011 et ressort toujours en moins-value de 1 milliard d'euros au 1er mars 2012.
Parmi ces obligations, Groupama a détenu jusqu'à 3,2 milliards d'euros de dette souveraine grecque. Et la Grèce a impacté pour 1,55 milliard d'euros son résultat net après impôts. Son exposition résiduelle à la Grèce se monte aujourd'hui à environ 300 millions d'euros.

- Des investissements lourds. Dans La Tribune du 24 novembre 2011, Cyrille Chartier-Kastler, président du cabinet Facts & Figures, déclarait déjà : "Groupama a accumulé beaucoup d'investissements lourds au cours de la décennie passée : développement à l'international et acquisitions avec des coefficients souvent élevés au regard des pratiques de marché, entrée au capital de Mediobanca, poursuite de l'assurbanque en dépit de résultats en deçà des objectifs impartis, lancement d'Amaguiz, engagement sur le paiement d'un goodwill sur La Banque Postale Iard...". A fin 2011, le ratio d'endettement rapporté aux fonds propres de Groupama SA s'élève à 41,3%.

-Des "goodwills" importants à l'international. L'assureur comptait 3,1 milliards d'euros de survaleurs fin 2010, liées aux écarts d'acquisition de ses filiales à l'international. Groupama expliquait d'ailleurs dans son document de référence 2010 : "Une dépréciation de l'écart d'acquisition sur certains pays de l'Europe de l'Est a été enregistrée. De même, la dégradation de la performance opérationnelle de certaines acquisitions du groupe ou des conditions de marchés pourraient, à l'avenir, conduire à déprécier significativement les écarts d'acquisition [...]. Ces éléments peuvent impacter négativement et de façon importante le résultat net et la situation financière du groupe."
L'assureur a déprécié pour seulement 90 millions de survaleurs dans ses comptes 2011, pour ses filiales grecque et roumaine.

- Problèmes de gouvernance. Fin novembre 2011, la CFDT indiquait que le groupe avait été pénalisé par des "agissements isolés, hors de contrôle, de la tête de l'exécutif d'alors (d'où l'éviction du précédent capitaine) dans des prises de participations stratégiques et d'allocations d'actifs". Mais aussi par "un défaut de contrôle du conseil d'administration de Groupama SA dans la mise en ?uvre de la stratégie". De la même manière, la CGT relève que "Jean Azéma ne pouvait agir seul ; il a toujours eu l'aval et le soutien sans faille de tous les administrateurs de Groupama, et de Jean-Luc Baucherel, son président. Il suffit de consulter tous les comptes-rendus de conseil d'administration depuis 10 ans : jamais une voix discordante".
Interrogé lors de la conférence de presse au sujet de ces problèmes de gouvernance, Jean-Luc Baucherel répond : "Il y a eu un manque de transparence de la direction générale vis-à-vis du conseil d'administration. Nous allons faire en sorte que cette transparence soit totale pour que le conseil d'administration prenne ses décisions en toute connaissance de cause".
Et Thierry Martel, directeur général, d'ajouter : "Nous allons donner la priorité à la gestion du risque. Il y avait auparavant une vision trop segmentée et trop optimiste des risques. Il n'y avait pas de vision globale de l'accumulation des risques dans le bilan".

- Des ambitions démesurées. "La grenouille qui voulait se faire plus grosse que le b?uf" caractérise désormais l'assureur vert de l'ère Azéma. Ce dernier formait de nombreuses ambitions pour son groupe, en particulier celle d'une introduction en Bourse et celle d'un positionnement parmi les 10 plus grands assureurs européens. Dans un tract de 2006, la CGT déclarait: "la volonté de la direction et du conseil d'administration de Groupama SA de mettre le groupe sur le marché boursier constitue une aberration économique, prépare un désastre social et tourne résolument le dos à tous les principes mutualistes".
Thierry Martel revient aujourd'hui sur ces rêves de grandeur et abandonne ces deux ambitions.

- Des problèmes de solvabilité. La marge de solvabilité du groupe s'est fortement érodée.
Elle ressort à 107% en 2011 contre 130% en 2010, en intégrant les 300 millions d'euros d'apport de la Caisse des dépôts. Par ailleurs, les fonds propres ont directement été amputés des pertes subies en 2011 pour ne pas impacter le rendement des contrats d'assurance vie : ils s'élèvent donc à 5,3 milliards d'euros pour le groupe (contre 7 milliards d'euros en 2010), et à 2,9 milliards d'euros sur le périmètre Groupama SA (contre 4,3 milliards d'euros en 2010).

De ce cocktail explosif découle le fiasco que l'on connaît, qui a poussé Thierry Martel à engager une restructuration du groupe avec la mise en vente de Gan Eurocourtage, de Groupama Insurances (Royaume-Uni), de Groupama Private Equity et de Proama (Pologne). D'autres cessions d'activité ne sont pas à exclure dans les mois à venir.
Sans surprise, les résultats de Groupama SA pour l'année 2011 sont donc mauvais : le résultat net est négatif de 1,81 milliard d'euros, contre un profit de 387 millions d'euros en 2010.
 

A lire également sur le même sujet: Groupama: quel avenir après une restructuration à la hache?

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Commentaires 6
à écrit le 16/03/2012 à 11:07
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Pour avoir été en stage chez AXA au moment de l'aquisition de l'UAP, je peux attester que ce monde l'assurance est affreux . je vous recommande de voir ce reportage edifiant sur les méthodes employées par cette industrie :"La gueule de l'emploie" htt...

à écrit le 16/03/2012 à 10:36
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et ils font du bateau pendant ce temps la...

le 27/09/2012 à 19:07
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Il faut bien que quelqu'un paie tous leurs privilèges, leurs pubs sous différentes formes....et cela sur le dos des adhérents. Quelques retards dans le règlement des cotisation et c'est LE CONTENTIEUX - le terme de VOLEUR qui leur est donné n'est p...

à écrit le 16/03/2012 à 6:08
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Que de tristesse, tant pour mes anciens collègues que pour mes anciens clients est-ce qu'un jour, l'assureur vert reprendra son rang oui à mon humble avis mais à quel prix!!!! Reprenez vos esprits messieurs les dirigeants!!!!!

le 16/03/2012 à 7:57
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Vous êtes encore bien optimiste...cette entreprise va disparaitre, absorbée par un grand groupe financier dans les mois qui suivront l'élection présidentielle. Pour ma part je pense à mon ancienne entreprise, le Gan, qui a eu la malchance d'etre ra...

le 28/09/2012 à 15:57
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J'ai connu l'époque de Groupama avant qu'il rachète leGAN on travaillé dans une bonne ambiance reconnu dans notre travail, Et les dirigeants de l'époques étaient très humains proches des managers et des salariés, d'ailleurs tout les dirigeants de l'é...

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