Les banques d'affaires sont condamnées à un sérieux lifting

Les banques de financement et d'investissement, confrontées à un environnement opérationnel et réglementaire défavorable, doivent encore tailler dans leurs effectifs et se spécialiser au lieu de jouer au "touche-à-tout".
Gred Smith, un cadre de Goldman Sachs, avait dénoncé la stratégie de court terme de la banque, dans sa lettre de démission, début 2012. Copyright Reuters

Les premières scènes de "Margin call", le film de J.C. Chandlor sorti le 2 mai en France, donnent une bonne idée de l'ambiance qui règne au sein des banques d'investissement depuis plusieurs mois. On assiste au glaçant entretien de licenciement de l'un des managers d'une banque qui taille à tour de bras dans ses effectifs. De fait, crise des dettes souveraines et débandade des marchés obligent, le secteur de la finance a annoncé l'an dernier pas moins de 220.000 licenciements dans le monde, essentiellement dans la banque de financement et d'investissement (BFI). Mais ce n'est pas encore assez, selon une récente étude du Boston Consulting Group (BCG), qui estime que les BFI américaines devraient encore mettre sur le carreau 10% à 12% de leurs effectifs pour retrouver une rentabilité des fonds propres décente. C'est-à-dire de 15% au moins, contre 7% à 10% aujourd'hui, et...20% à 30% lors des années de gloire de la banque d'investissement, avant que n'éclate la crise financière de 2008.

40% à 50% des revenus des banques consacrés aux rémunérations

Comme dans "Margin call", ce ne sont pas les traders et les chargés d'affaires de base qui sont visés par l'étude de BCG, mais les managers et autres postes intermédiaires, jugés trop nombreux et bien payés. Les rémunérations, justement : le BCG tacle les banques d'affaires, estimant qu'elles se sont contentées de diminuer les bonus et autres rétributions variables alors qu'il faudrait également baisser les salaires fixes. Que les banques d'investissement continuent à consacrer 40% à 50% de leurs revenus à la rémunération de leurs employés n'est plus possible, juge le BCG. D'abord parce que les BFI sont confrontées depuis la crise financière de 2008 à une volatilité des marchés financiers qui plombe leurs activités de courtage, de conseil en fusions et acquisitions et de pilotages de levées de fonds. Ensuite parce que le renforcement de la réglementation bancaire va les priver d'activités particulièrement lucratives, comme le trading pour compte propre auquel la "Volcker rule" américaine doit mettre fin.

La moitié de leur clientèle ne rapporte rien à certaines banques

Les réductions de coûts ne font pas tout. Les BFI doivent se chercher de nouveaux « business models », afin que leur chiffre d'affaires renoue avec la croissance. Pour le BCG, plus question de BFI "touche à tout." Elles doivent se spécialiser. Dans le trading électronique de produits relativement basiques comme les devises et les bons du Trésor, par exemple. Une activité a priori moins lucrative que le courtage manuel de produits sophistiqués mais qui, à condition de porter sur des volumes importants, peut dégager une forte rentabilité. Comme il est question de taille critique, le nombre de BFI susceptibles de se spécialiser dans le trading électronique sera donc restreint, admet le BCG. Qui milite également pour des spécialisations géographiques (sur les marchés émergents, notamment) et de clients, 50% de leur clientèle ne rapportant rien à certaines banques !

Renoncer à une stratégie de court terme

Le cabinet Accenture plaide lui aussi pour une spécialisation des banques d'investissement, évoquant la commercialisation d'instruments de dette bien spécifiques ou le montage d'opérations ultra sophistiquées, et donc particulièrement profitables. Par-dessus tout, Accenture, comme le BCG, exhorte les banques d'investissement à placer leurs clients au centre de leurs préoccupations. Un conseil qui ressemble, de prime abord, à un coup de pied dans une porte ouverte. Mais ce serait ignorer que nombre de banques d'investissement proposent à leurs clients tel produit plutôt qu'un autre non pas dans l'intérêt de ces derniers mais parce qu'ils sont plus rentables pour elles. Pour le BCG, les banques d'investissement doivent en finir avec leur vision de court terme, qui sert leurs propres intérêts, et adopter une stratégie de long terme, en adéquation avec les besoins de leurs clients. Exactement ce que Greg Smith, un cadre de Goldman Sachs, avait dénoncé dans sa lettre de démission, en début d'année.
 

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.