L'avocat de Jérôme Kerviel abat une nouvelle carte

Alors que le procès en appel de l'ancien trader s'ouvre ce lundi 4 juin, Me David Koubbi, l'avocat de Jérôme Kerviel, dispose de nouveaux témoignages d'anciens salariés de la Société Générale.
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Les langues de certains salariés ou anciens salariés commencent à se délier. Me David Koubbi, avocat de Jérôme Kerviel pour son procès en appel qui débute lundi 4 juin, dispose ainsi de nouveaux témoignages dans ses dossiers.
"Les gens se sentent insultés. Lorsque l'on dit qu'il y a eu un problème de contrôle interne à la Société Générale, on accuse des personnes, pas des ordinateurs", confie Me Koubbi.
L'Express s'est procuré un de ces témoignages, intitulé "La Société Générale que j'ai connue". C'est celui d'un ancien salarié de la banque, qui a travaillé dans les services informatiques et sécurité.
Me Koubbi confirme qu'il y en aura d'autres...

Voici quelques extraits du témoignage publié sur le site de L'Express et dont Me Koubbi atteste le contenu.

"A l'heure où resurgit une affaire ô combien médiatisée, je ne peux que reprendre mes notes et rouvrir mes archives, car le doute me tenaille.
Dans cette affaire, la réputation de la Société générale est attaquée. Ou plus exactement, c'est la réputation de sérieux, de compétence, de motivation et de fidélité de ses employés et cadres, qui est mise à mal. Aussi, je crois qu'il est temps, aujourd'hui, de donner quelque éclairage sur ce que sont ces femmes et ces hommes qui font la Société générale.
C'est pourquoi j'ai écrit ce document, que j'ai décidé de remettre d'une part à Maître Koubbi, d'autre part à L'Express, étant entendu qu'il est exclu que je puisse apporter mon témoignage sauf à conserver secrète mon identité."

La Société Générale de l'affaire Kerviel m'est étrangère

"J'ai bien connu la Société générale pour y avoir travaillé plusieurs années dans les domaines de l'informatique bancaire et de la sécurité. Pour avoir vécu la Société générale "de l'intérieur", c'est à bon droit que je suis surpris, à bon motif que je m'interroge sur ce que j'ai lu, sur ce que je lis, de celle que l'on appelle l'Affaire Kerviel.
Je suis surpris car je ne retrouve pas, dans cette Affaire, la Société générale que j'ai connue, je ne reconnais pas l'excellence de ses équipes informatiques, je ne reconnais pas son souci de la sécurité proche de la paranoïa, je ne reconnais pas l'obsession de son personnel pour le travail bien fait, je ne reconnais pas la rigueur morale qui caractérise son encadrement. La Société générale de l'Affaire Kerviel m'est totalement et définitivement étrangère.
Se peut-il que cet établissement présenté comme un fleuron de l'économie française ait à ce point changé qu'il en soit devenu méconnaissable ? Il m'est fort difficile, que dis-je, il m'est impossible de le croire. Quelque chose dans cette histoire m'intrigue, quelque chose ne me plaît pas, quelque chose m'amène à soupçonner le pire."

Une tradition d'excellence informatique

"La Société générale porte une longue tradition d'excellence informatique. Ses équipes sont formées dans cette tradition. Les applications qu'elles créent suscitent l'envie des banques concurrentes tant par leurs performances que par leur fiabilité. En termes de conduite de projet, la méthode qu'elle applique est d'une telle qualité que les prestataires de services se l'approprient volontiers.
Les applications créées sont performantes et fiables, soit. Mais sont elles sécurisées ? Ici encore, la Société générale s'est taillé une réputation d'excellence. Consciente des insuffisances des méthodes du commerce, elle a créé et mis en place sa propre méthode de sécurité, rigoureuse, cohérente et précise. Son usage est obligatoire, les contraintes qu'elle impose sont impératives. La sécurité proverbiale des systèmes informatiques est telle que des organisations financières se sont déjà déplacées du bout du monde pour s'en entretenir avec la Société générale. Les dispositifs sont corsetés, bridés, surveillés pour que rien ne puisse en altérer le fonctionnement ni l'intégrité. "

La SocGen, grande paranoïaque de la sécurité informatique

"Comment imaginer dans un tel panorama qu'un Jérôme Kerviel qui n'est pas informaticien et qui ignore tout des dispositifs de sécurité informatique en vigueur, soit à même de tromper la vigilance des dispositifs et des personnes affectées au contrôle ? Je ne peux croire que les équipes d'experts en informatique et en sécurité de la Société générale soient toutes devenues d'une extrême nullité. Car si tel était le cas, la Banque serait la cible favorite des fraudeurs, ce qui n'est pas le cas, loin de là. L'hypothèse selon laquelle les opérations de Jérôme Kerviel ne seraient pas visibles, n'auraient pas été vues par le contrôle, ne tient pas. Les systèmes de sécurité respectent la solide tradition de la défense en profondeur, les champs de surveillance sont croisés, les connexions aux systèmes sont épiées, les conversations téléphoniques sont écoutées et enregistrées. En termes de sécurité informatique, la Société générale est une grande paranoïaque et ce n'est certes pas moi qui l'en blâmerai."

"Je ne peux accepter qu'ils n'aient rien vu"

"Les équipes de contrôle de la Société générale sont respectées et craintes par les employés comme par l'encadrement. En particulier le corps de l'inspection, constitué d'éléments d'élite recrutés par un difficile concours interne. Considérés un peu comme "les incorruptibles" de la Société Générale, intervenant sur requête de la direction, ils sont compétents, précis, toujours inquisiteurs et les rapports qu'ils émettent peuvent stopper sans appel une carrière jusque là prometteuse. Ils ont pour mission de surveiller et de superviser les opérations menées par les contrôleurs internes, de conduire des audits, de proposer des réformes des systèmes dont ils jugent l'efficacité insuffisante, de suivre leur mise en place et d'en vérifier les effets. Pour le profane, ils ont un côté "force spéciale d'intervention".
Les contrôleurs internes ont une mission d'un autre ordre, une mission de surveillance permanente, qu'ils remplissent avec diligence et efficacité. Les équipes de contrôleurs sont chargées de l'analyse des risques, du contrôle de la régularité des opérations, du strict respect de l'application de procédures internes contraignantes. Ce sont des experts du passage au crible, au fin tamis, pour rechercher et détecter les anomalies et en imposer l'immédiate correction.
Je les ai côtoyés. Je les ai subis ! Les contrôleurs comme les inspecteurs. Et je ne vois pas comment l'exposition aux risques de la Société générale a pu leur échapper, je ne peux accepter qu'ils n'aient rien vu, rien suspecté, rien compris. Leur aveuglement est incompréhensible. Cela ne colle pas."

L'argent fuit d'autant plus vite que la peur advient

[...]"Pour être prospère, une banque doit être rassurante. On ne confie pas son argent à un établissement qui prend des risques inconsidérés. L'argent fuit d'autant plus vite que la peur advient. En conséquence, dans la hiérarchie de ses valeurs, la première que toute Banque cherche à préserver est sa réputation. La défense de cette dernière prime sur toute autre considération. Prenons un exemple. Un journaliste financier s'étonnait récemment que des banques qui ont réussi leurs stress tests puissent être mises en faillite juste après. La réponse à lui fournir est pourtant d'une extrême simplicité. Laisserait-il son argent dans un établissement qui échoue à ses stress tests ? Je lui laisse trouver la bonne réponse.
Le monde bancaire est donc assujetti à faire bonne figure, à montrer que tout va bien, à rassurer ses clients. C'est le métier qui veut cela.
Conséquences : lorsqu'il se produit des fraudes, elles sont, autant que faire se peut, dissimulées et passées sous silence. "Nous sommes un établissement sérieux. Notre réputation est sans faille. Votre argent est en sécurité chez nous".

On parle de l'affaire Kerviel et non de l'affaire Société générale

[...]"Un dernier mot sur la réputation, cette valeur sans laquelle une banque est condamnée.
A l'étranger, on parle de l'affaire Enron, et non de l'affaire Lay-Skilling, on évoque l'affaire WorldCom sans parler d'une affaire Ebbers-Sullivan, on mentionne l'affaire Barings et non l'affaire Leeson. Et si l'on mentionne l'affaire Madoff, c'est parce que la société de Bernard Madoff s'appelant "Bernard L. Madoff Investment Securities LLC.", c'était donc bien une affaire Madoff.
En France, les affaires bancaires s'auréolent de pudeur. On parle de l'affaire Kerviel et non de l'affaire Société Générale ; on mentionne l'affaire Spaggiari pour éviter de parler de l'affaire... Société générale, on se souvient de l'OPA de Marceau Investissements sous le nom d'affaire Beregovoy et non sous celui d'affaire... Société Générale.
N'est-ce pas étonnant cette aptitude de la Société Générale à ne voir jamais son nom mentionné autrement que dans le rôle de la victime ?
Alors, en définitive, Jérôme Kerviel est-il coupable ou non coupable ? Poser la question conduit à l'évidente réponse : in fine, il faut bien qu'il soit coupable puisque la Société générale joue le rôle de la victime... Et il doit donc être condamné, comme un bon tragédien qui joue son rôle jusqu'au bout.
A cet instant, ma dernière pensée va à mes anciens collègues dont "l'extrême nullité, l'incommensurable incompétence et l'absolue médiocrité" ont conduit à ce désastre. Soyez rassurés mes chers amis, je vous sais toujours compétents, motivés, solidaires et travailleurs. Avec moi, l'histoire proposée ne prend pas..."
 

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Commentaires 13
à écrit le 06/06/2012 à 14:46
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Ce témoignage est bidon : la "longue tradition d'excellence informatique" de la Société Générale relève du pur fantasme. Et j'en sais quelque chose pour y travailler depuis plus de 20 ans.

à écrit le 04/06/2012 à 16:29
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En tant qu'ancien SG (Salle de marchés), je voulais juste apporter une petite précision: Si le Corps de l' inspection est sensé représenter l'élite et préparer le management de demain, il est essentiellement constitué de jeunes recrues sans expérienc...

à écrit le 04/06/2012 à 11:54
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On se demande quel intêret peut trouver l'avocat de Jérôme Kerviel à citer un témoignage qui dit "les faits sont impossibles". En lisant les journées du premier procès et les livres de Kerviel et d'Hugues Le Bret, les faits sont pourtant clairs. J. K...

à écrit le 04/06/2012 à 10:08
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Pour avoir moi meme entré mes données dans l'ordinateur de "ma banquiere" de la SG lors de la souscription d'un crédit, je sais que peu importe le logiciel, si les employés ne savent pas s'en servir cela ne sert a rien. Le B-A-BA de l'ingenerie infor...

à écrit le 04/06/2012 à 10:06
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Mais les faits sont tétus ! Les mesures de sécurité à la SG n'étaient pas fiables. Et cela vient forcément des hommes. En effet les programmes informatiques ne sont que le reflet de l'action humaine (les ordinateurs auraient bon dos) La seule alterna...

à écrit le 04/06/2012 à 9:53
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En tout cas, la Soc Gen me semble pour le moins totalement défaillante : ignorait-elle les agissements de ses salariés, et quand ça porte sur plusieurs milliards d'euro, on peut se demander comment sont surveillés les agissements sur mon petit comp...

à écrit le 04/06/2012 à 9:09
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N'importe quoi Cette personne décrit un envirronnement qui n'est pas celui dans lequel JK a évolué Je suis pret à en temoigner de manière non-anonyme

à écrit le 04/06/2012 à 5:51
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le temoignage est juste RIDICULE, pour dire qu'il est impossible que Kerviel ait pu echapper au controle interne, cette personne n'a certainement jamais travaille dans une banque. C'est beaucoup plus difficile de truander les systemes aujourd'hui a l...

le 04/06/2012 à 13:36
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Socgen se targuait d'avoir un systeme front-back unique récent, ses consoeurs pour les memes opérations disposaient de plusieurs systèmes plus vieillots qui impliquaient les rapprochements comptables des opérations!!! et donc le suivi des risques......

le 05/06/2012 à 2:21
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contrairement à l'auteur de cette lettre, Je peux vous dire que certains ne sont pas surpris, mais du tout; ils peuvent s'étonner que ça soit pas arrivé plus tôt. Car des petites bombes, la sg en a dans tous les coins. Ceux qui en ont connu les couli...

à écrit le 03/06/2012 à 23:23
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Ce témoignage serait bien plus puissant s'il n'était pas anonyme... Quoi qu'il en soit, il est impossible de croire que personne n'ait eu connaissance des positions de Kerviel. Si c'était réellement le cas, ce serait encore plus inquiétant ; une inco...

à écrit le 03/06/2012 à 22:57
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ça me rappelle plusieurs chose cela. la première j'avais laissé ma fenetre ouverte et je me suis fait cambrioler... L'auteur des faits, mais je suis innocent, il avait laissé la fenetre ouverte, il savait qu'il allait se faire cambioler, il savait !!...

à écrit le 03/06/2012 à 22:46
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Le procès de cet individu se fait-il devant une cour de justice, ou via des petits journalistes à qui les avocats du prévenu fournissent des informations sensées mettre l'opinion public du cote de Calimero! Pauvre travail de manipulée!

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