"La Société Générale gagne des milliards sans s'en rendre compte ? "

La sixième journée du procès en appel de Jérôme Kerviel a commencé ce jeudi 14 juin. Plusieurs témoins doivent passer à la barre, dont Maxime Kahn trader de la Société Générale qui avait débouclé en urgence la position de 50 milliards d'euros de Jérôme Kerviel, du 21 au 23 janvier 2008.
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11h50. « On veut nous faire croire que la Société Générale gagne des milliards sans s'en rendre compte ? »

C'est au tour de Philippe Houbé, le fameux témoin de la défense qui accrédite la thèse du complot défenduE par Jérôme Kerviel, d'être entendu par la Cour. Philippe Houbbé est salarié de Newedge (ex Fimat), filiale de courtage de la Société Générale.

Me David Koubbi, avocat de Jérôme Kerviel : qu'est-ce-qui vous a déterminé à me contacter ?
Philippe Houbé : Je supporte assez difficilement l'injustice, que j'ai personnellement connue. Les déclarations de la Société Générale me paraissent incohérentes. Je vois des dirigeants salir l'entreprise, en la faisant passer pour une espèce de bazar, de bateau ivre, qui ne contrôle rien, et je ne le supporte pas. Car je sais comment fonctionnent les sociétés financières. Je pense qu'on insulte la profession.
Me K. : Quelle est votre rémunération et depuis quand êtes-vous dans l'entreprise ?
PH : Depuis 1993 et je gagne 41000 euros bruts annuels, payés sur 13 mois.
Me K. : Pourquoi, avec vos compétences, restez-vous dans cette filiale de la Société Générale, avec un salaire modeste ?
PH : Parce qu'il est hors de question pour moi de laisser insulter l'entreprise. Les représentants de la direction n'assument pas leurs responsabilités, n'ont pas leur place, ridiculisent l'entreprise, leurs propres intérêts, cherchent à sauver leur poste.
Me K. : Les opérations de Jérôme Kerviel étaient-elles vues ?
PH : Bien sûr. Ne pas voir cela est techniquement impossible et réglementairement interdit. Les fameuses opérations fictives, c'est de la bidouille d'amateur qui ne pouvait pas dissimuler les opérations réelles de Jérôme Kerviel.

Me K. : A l'époque, en 2007, aviez-vous entendu parler d'un gros compte à la Société Générale ?
PH : Bien sûr. C'était un compte (celui de Kerviel, en réalité, Ndlr) qui faisait énormément d'opérations, sur des volumes extraordinaires. F
Me K. : Il y a eu une altercation à l'automne 2007 chez Fimat, dans les bureaux parisiens. Vous voyez de quoi je parle ?
PH : Oui, je n'ai connu qu'une altercation et elle a tourné autour de l'activité de Jérôme Kerviel.
Me K. : Pourquoi cette altercation physique entre M. Galdano (responsable du middle-office chez Fimat)et Moussa Bakir (le courtier de Fimat chargé d'exécuter les ordres de Jérôme Kerviel) ?
PH : Il y avait une tension énorme liée aux volumes traités, notamment ceux passés par Moussa Bakir pour le compte de Jérôme Kerviel.
Me K. : En quoi les opérations de Kerviel ne peuvent tromper personne ?
PH : On a des relevés de compte qui proviennent de la chambre de compensation Eurex et qui doivent être conservés dix ans. Ils sont accompagnés au quotidien de fichiers qui résument la situation de chaque compte, fichiers qui sont destinés au client, en l'occurrence la Société Générale. On n'aurait rien vu tout au long de l'année 2007 ? On veut nous faire croire que la Société Générale gagne des milliards sans s'en rendre compte. Je ne confierais pas mon argent personnel à la Société Générale si cela était vrai.
Me K. : Pourquoi personne d'autre que vous ne parle chez Newedge ?
PH : Parce que les moyens de pression sont importants. Mais le petit personnel commence à ne plus supporter la morgue avec laquelle il est traité par les dirigeants de la Société Générale.
Me K. : Cette altercation est-elle remontée ?
PH : Oui, au moins jusqu'au PDG de Fimat.

Me K. : M. Kerviel est poursuivi pour avoir fait sept faux, notamment des mails à l'en-tête de Deutsche Bank, dans lesquels il mentionne des montants en nominal et en nombre de contrats. 11 milliards d'euros d'achats, ça ne vous fait ni chaud ni froid ?
PH : C'est énorme.
Me K. : 190.000 contrats, c'est une opération classique ?
PH : C'est une très grosse opération.
Me K. : Donc, n'importe qui comme vous est alerté, dans ce cas ?
PH : Toute opération doit être vérifiée et contrôlée avant d'avoir une valeur comptable.
Me K. : Pourquoi la Société Générale, si elle voyait, aurait laissé faire ?
PH : On a laissé faire Kerviel parce que, 1,5 milliard d'euros, ce ne sont pas tous les opérateurs qui rapportent ça en un an.
Me K. : Que constatez-vous sur le compte de Jérôme Kerviel (SF581) lors des opérations de débouclage de ses positions par Maxime Kahn, du 21 au 23 janvier 2008 ?
PH : Le 22 janvier 2008, on (la Société Générale) ne transfère pas sur le compte de Jérôme Kerviel la totalité des ventes qu'elle fait le 21 pour déboucler les positions. Ce sont les ventes les moins intéressantes, sur le plan financier, qui sont transférées sur le compte de Kerviel.
Me K. : C'était donc une détérioration du compte de Jérôme Kerviel au profit d'un autre compte ?
PH : Exactement.
Claire Dumas, représentante de la Société Générale : Vous concluez qu'on a détérioré à hauteur de 77 millions d'euros la perte du débouclage. On n'a pas détérioré le résultat.
Avocat général : à supposer une volonté de détérioration, 77 millions par rapport à 4,9 milliards d'euros de perte, qu'est-ce-que ça représente ?!PH : Pas grand-chose...
Claire Dumas : Je me demande si l'écart de vue entre Philippe Houbé et moi ne vient pas du fait du délai de traitement des ordres. Je m'avance peut-être mais je n'en serais pas surprise.

L'audience reprend à 14h30.

Il n'est pas encore 9 heures, en ce jeudi 14 juin, et une forêt de caméras est déjà massée devant la première chambre de la cour d'appel. Il faut dire que cee sixième jour d'audience du procès en appel de Jérôme Kerviel sera marqué par l'audition de Philippe Houbé, le témoin de la défense qui accrédite la thèse du complot ...

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Retrouvez l'intégralité de cette sixième journée d'audience, les clés pour comprendre le procès (les noms des protagonistes et les explications techniques) et plus encore dans notre dossier spécial sur l'affaire Kerviel. 

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Commentaire 1
à écrit le 14/06/2012 à 15:05
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« Très bien. Dans ce cas, qui vote pour la troisième option, celle qui consiste à neutraliser l?agent de la B&B?? » demanda le directeur en levant lui-même le bras pour montrer l?exemple. Il fut immédiatement imité par le directeur de la stratégie. U...

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