Les banquiers d'affaires travaillent beaucoup... pour peu de résultats

Certes le marché des fusions et acquisitions n'est pas au mieux ( une chute de 64% au premier semestre). Pourtant, les vendeurs potentiels se bousculant au portillon. La difficulté étant, pour les banquiers, de trouver des acquéreurs...
La vente de Motel 6 par Accor, pour 1,5 milliard d'euros, est une bonne illustration des opérations de taille moyenne qui dominent actuellement le marché français des fusions et acquisitions. Copyright Reuters

Beaucoup de travail pour peu de résultats. Ainsi peut se résumer la situation actuelle des banquiers d'affaires. Au premier semestre, les fusions et acquisitions impliquant une entreprise française, qu'elle soit acquéreur ou cédant, ont chuté de 64%, à 39 milliards de dollars (31 milliards d'euros), selon Thomson Reuters. Des chiffres qui pourraient laisser penser que les banquiers d'affaires sont au chômage technique. Il n'en est rien. "En réalité, le marché reste très actif. Mais le taux de "déchet" est important", confie le responsable des fusions et acquisitions d'une grande banque étrangère. "Nous sommes dans un marché complexe, avec beaucoup de travail pour un volume d'opérations qui reste assez faible, au final", renchérit Stéphane Bensoussan, directeur des fusions et acquisitions chez HSBC France.

Beaucoup de vendeurs mais peu d'acheteurs

Banques ou assureurs contraints de céder des actifs en vertu de nouvelles réglementations, industriels pressés par les marchés financiers de se désendetter, entreprises désireuses de quitter la Grèce, épicentre de la crise, à l'image du Crédit agricole et de Carrefour... Si les projets de rapprochement ne manquent pas, c'est parce que les vendeurs potentiels sont légion. Et ce, malgré des valorisations boursières qui restent très faibles. Le hic, c'est que les acquéreurs, eux, sont aux abonnés absents, tétanisés par une économie européenne au point mort et une crise de la dette qui joue les prolongations.

"Nous avons beaucoup de mandats de vente, plus que de mandats d'achat. Un tabou est tombé : les vendeurs n'hésitent plus à mettre des actifs en vente, même s'ils ne sont pas sûrs que le processus aboutisse, ou bien avec l'idée d'arbitrer entre plusieurs cessions, en fonction de l'appétit rencontré. Et, en effet, il y a parfois des échecs sur les mandats de vente, les acquéreurs gardant une profonde aversion au risque et étant plus sélectifs dans leurs critères d'investissement", explicite Stéphane Bensoussan.

Un marché dominé par des transactions de taille moyenne

Et, quand les transactions se font, il ne s'agit plus de « jumbo-deals », à de rares exceptions près, comme le rapprochement à 49 milliards de dollars (39 milliards d'euros) entre Glencore et Xstrata, dans le secteur minier. "Contrairement à l'an passé, nous voyons moins de grandes opérations stratégiques, transformantes - mais il y en a encore, telle l'acquisition de ECMS France Telecom en Egypte [qui n'a cependant pas excédé les 2 milliards de dollars (1,6 milliard d'euros) ; Ndlr]", confirme Thierry d'Argent, responsable mondial de l'activité de "corporate finance" à la Société générale.

Faute de grives, les grands banquiers d'affaires mangent des merles. "Nous avons récemment travaillé sur la cession d'Alain Afflelou, sur la vente de Motel 6 pour le compte d'Accor, nous avons conseillé Fondations Capital sur l'acquisition de Sepur. Il s'agit là d'opérations de taille moyenne", énumère Thierry d'Argent. De fait, la majorité du capital d'Afflelou a été cédée au fonds d'investissement britannique Lion Capital pour 800 millions d'euros, le groupe hôtelier Accor a vendu Motel 6 au fonds américain Blackstone pour 1,9 milliard de dollars (1,5 milliard d'euros) et Fondations Capital a racheté le spécialiste de la collecte des déchets Sepur sur la base d'une valorisation de 124 millions d'euros seulement.

Créativité et relais de croissance

Ces rares opérations qui surviennent, comment les banquiers d'affaires s'y prennent-ils pour leur donner naissance ? "Nous devons nous montrer plus créatifs que d'habitude, imaginer des transactions cross-border [internationales ; Ndlr]. Dans l'immobilier, par exemple, je fais des opérations en Pologne, alors qu'il ne s'agit pas là de mon marché de prédilection. Mais l'économie de ce pays est plus dynamique que celle de la zone euro", explique Stéphane Bensoussan.

D'autres banquiers planchent sur des relais de croissance, comme les clauses "d'amend and extend" négociées par certains fonds de LBO (Leverage Buy-Out : acquisition par endettement). Incapables de rembourser les emprunts contractés pour financer de précédents rachats, ces fonds sollicitent auprès de leurs créanciers un allongement de la maturité de la dette. "Nous avons travaillé sur deux "amend and extend" et nous sommes conseil sur une autre, en ce moment", indique Jérôme Calvet, co-directeur de Nomura France. Un marché à fort potentiel, à en croire Moody's. Selon l'agence de notation financière, 133 milliards d'euros de prêts liés à des opérations de LBO, contractés par 254 entreprises européennes, arrivent à échéance en 2014 et 2015. Or, au moins un quart de ces entreprises pourraient faire défaut, estime Moody's.

 

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