Réforme bancaire : tout savoir sur le rapport Liikanen en cinq questions

Le rapport remis ce mardi à la Commission européenne recommande d'isoler les activités de marché les plus risquées afin de rendre les banques de dépôt plus sûres.
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Le très attendu "rapport Liikanen", du nom du gouverneur de la Banque de Finlande qui présidait le groupe d'experts, a été remis au commissaire européen Michel Barnier ce mardi. Il recommande de séparer "légalement" "certaines activités financières particulièrement risquées" des banques de dépôt.

"Il s'agit d'un rapport important qui influencera notre politique en matière de réglementation du secteur financier. Le rapport souligne les risques excessifs qui ont été pris dans le passé par les banques et émet d'importantes recommandations ayant pour objectif de garantir que les banques ?uvrent dans l'intérêt de leurs clients.", a réagi le commissaire européen en charge des services financiers. "Ce rapport alimentera nos réflexions sur les mesures complémentaires à prendre. Je vais à présent envisager les prochaines étapes, au cours desquelles la Commission étudiera l'impact de ces recommandations", a-t-il indiqué. La Commission va notamment lancer des consultations avant de décider si elle s'appuie sur ce rapport pour faire une proposition législative.

Quel est l'objectif d'une telle séparation ?

Les experts du groupe Liikanen considèrent qu'en sortant les activités financières les plus risquées des banques de dépôts, les groupes bancaires - et en particulier la partie banque de dépôts - deviendront plus sûrs. De quoi, en cas de difficultés, limiter le recours aux contribuables.

« La séparation de ces activités dans des entités juridiques distinctes est la façon la plus directe de lutter contre la complexité et l'interconnexion des banques », peut-on lire dans une note accompagnant le rapport. En rendant les groupes bancaires plus simples et plus transparents, le groupe d'expert espère rendre la supervision et la résolution de crise plus aisées. 

Quelles sont les activités "particulièrement risquées" ?

Il s'agit des activités les plus risquées de la banque d'investissement et de celles où les positions varient le plus rapidement. Sont mentionnées en particulier : le trading pour compte propre, les actifs et positions liées aux activités de teneur de marché, tous types de prêts ou d'exposition aux fonds alternatifs (dont le prime brokerage pour les hedge funds), les véhicules d'investissement spécialisés (SIV) ou autres entités assimilées, les investissements en private equity (capital investissement).

Dans quel cas la séparation est elle obligatoire ?

Le rapport propose que la séparation ne soit obligatoire que lorsque les activités de trading atteignent un certain seuil, absolu ou relatif (par rapport à l'activité de la banque).  Il laisse à la Commission le soin de déterminer ce seuil, mais suggère de rendre la séparation obligatoire seulement lorsque les activités très risquées  représentent une part significative de l'activité de la banque - actifs liés aux activités de trading supérieurs à 15-25% du total des actifs de la banque - ou si le volume de ces activités peut être considéré comme significatif au regard de de la stabilité financière - seuil de 100 milliards d'euros.

Elle s'applique à tous les modèles bancaires, y compris les banques mutualistes et coopératives. Seules les plus petites banques échapperaient totalement à l'obligation de séparation. Dans des entités juridiques distinctes, la banque de dépôt et l'entité de trading peuvent néanmoins faire partie du même groupe bancaire.

Quelles activités les banques de dépôts peuvent elles conserver ?

La séparation ne doit pas gêner le financement de l'économie par les banques de dépôts. C'est pourquoi, si les propositions du rapport Liikanen étaient retenues, elles auraient le droit de conserver les activités suivantes : le prêt aux entreprises et aux particuliers, le financement du commerce (trade finance), le prêt hypothécaire, le prêt interbancaire, la participation à des prêts syndiqués, la titrisation simple dédiée au financement, la gestion de fortune et d'actifs et l'exposition aux fonds monétaires régulés (UCITS). Elles conserveraient le droit d'utiliser des dérivés pour leur gestion actif/passif. 

Plutôt Volcker ou plutôt Vickers ?

Les recommandations du rapport Liikanen représentent une troisième voie par rapport à la réglementation Volcker aux Etats-Unis et le rapport Vickers au Royaume-Uni.

Le groupe Liikanen explique d'ailleurs qu'il n'est pas question à ses yeux de renoncer à la banque universelle, disant vouloir "maintenir la capacité des banques à fournir efficacement un large éventail de services à leurs clients". "Cependant [...] un certain nombre de banques en sont venues à dépendre de plus en plus des activités de trading". Il est donc "important de protéger la banque universelle des excès du trading et de réduire les incitations à s'engager dans des activités excessivement risquées", explique-t-il dans une note accompagnant le rapport.

La séparation n'est pas tout...

Le groupe d'expert présidé par Liikanen formule également des recommandations en matière de gouvernance, de niveau de capitalisation et de contrôle des banques. Il revient également sur le cadre de résolution des faillites bancaires.

 

Voir le communiqué de presse de la Commission européenne (en français) et le rapport Liikanen (en anglais)

 Lire notre analyse : Le rapport Liikanen va-t-il être enterré ?

 

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Commentaires 3
à écrit le 03/10/2012 à 13:49
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pourquoi ne pas simplement arrêter les activités risquées et interdire aux banques de perdre l'argent des clients

le 15/04/2013 à 18:45
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Car le lobby bancaire fait pression. Interdire des activités à risque, c'est priver nos banques de parts de marché au profit des banques émergentes (chinoises...). Cet argument est en partie recevable, compte tenu du fait qu'une réglementation à l'éc...

à écrit le 02/10/2012 à 15:55
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Excellentes questions et bons résumés, ça nous évitera de nous tartiner tout le rapport...merci

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