Alibaba taille des croupières aux banques chinoises

Avec le développement de son service Alipay, le numéro un chinois du commerce en ligne ressemble de plus en plus à… une banque. Les autres géants de l’Internet chinois l'imitant, la démarche pourrait amputer de 17% les profits des banques chinoises, d’ici 5 ou 10 ans.
Christine Lejoux
Yuebao, la plateforme d'investissement en ligne d'Alibaba, a attiré 100 millions de clients en un an.

Qui est exactement Alibaba, dont les premiers pas à Wall Street, prévus d'un jour à l'autre, devraient constituer la plus importante introduction en Bourse de tous les temps, avec 24 milliards de dollars levés ? Certes, Alibaba est connu pour être le numéro un chinois du commerce électronique. Mais le groupe fondé par l'emblématique Jack Ma est également, et de plus en plus, une banque. Au point de donner des sueurs froides au secteur bancaire chinois traditionnel, dominé par quatre grandes banques publiques, Industrial and Commerce Bank of China, China Construction Bank, Agricultural Bank of China et Bank of China. Il faut dire qu'Alibaba n'a cessé d'ajouter des services financiers à son offre, au cours des dernières années, Jack Ma estimant que "le monde de la finance (avait) besoin d'un élément perturbateur."

 Au commencement était donc Alipay, l'équivalent chinois du système de paiement en ligne PayPal, filiale de l'Américain eBay. Equivalent non seulement sur le plan du fonctionnement mais aussi au chapitre du rayonnement, Alipay détient aujourd'hui près de la moitié du marché chinois du paiement en ligne, contre 20% pour son compatriote Tencent, célèbre pour son application de messagerie WeChat. Alibaba a posé une pierre supplémentaire à son édifice bancaire en accordant des prêts de petits montants à des particuliers et aux petites entreprises, deux segments de clientèle délaissés par les banques d'Etat chinoises, qui leur préfèrent les grands groupes publics. Alibaba a comblé une vraie carence, son offre de crédit ayant attiré quelque 650.000 emprunteurs entre la mi-2010 et la fin 2013, pour un montant total de 160 milliards de yuans prêtés, soit 20 milliards d'euros.

 Des rendements deux fois supérieurs à ceux des banques traditionnelles

 Après les paiements et le crédit, Alibaba s'est positionné sur le créneau de l'investissement. Via un partenariat noué avec la société chinoise de gestion d'actifs Tianhong Asset Management, le groupe a lancé en juin 2013 Yuebao, une plateforme d'investissement en ligne à destination des personnes disposant d'un compte Alipay. Avec un argument marketing imparable : Yuebao ("trésor caché", en chinois) - qui investit essentiellement sur le marché interbancaire où les taux sont particulièrement élevés compte tenu des importants besoins de liquidités des banques - propose des rendements annuels de 6% à 7%. Un niveau deux fois supérieur à celui proposé, en moyenne, par les banques d'Etat chinoises.

 A noter que si ces dernières rémunèrent l'épargne des ménages à 3% au mieux, c'est parce que le gouvernement plafonne la rémunération des dépôts et fixe parallèlement un plancher aux taux auxquels les banques publiques prêtent de l'argent, afin d'assurer à celles-ci de confortables bénéfices. Conséquence, les épargnants, grands perdants de ce système et qui disposaient de peu d'alternatives en raison du ralentissement de l'immobilier et des faibles performances des marchés actions, se sont précipités sur Yuebao. D'autant plus que la plateforme d'investissement en ligne est aisément accessible depuis un smartphone, et que, contrairement aux banques traditionnelles, elle n'exige pas de dépôt minimum et ne bloque pas non plus l'argent des particuliers sur une certaine durée.

 La finance sur Internet, vecteur d'innovation

 Résultat, en un an, Yuebao a attiré 100 millions de clients, qui ont placé 574 milliards de yuans (73 milliards d'euros). Un succès qui a donné des ailes à Tencent et à Baidu. Le service de messagerie et le moteur de recherche chinois ont à leur tour lancé des produits d'investissement, respectivement baptisés Licaitong et Baifa. Des initiatives que les autorités chinoises ne voient pas d'un mauvais œil, dans le cadre des réformes amorcées en mars pour restructurer le secteur financier.

 Aussi les analystes du courtier Barclays prennent-ils très au sérieux cette concurrence des géants de l'Internet, estimant qu'elle pourrait amputer de 1% à 2% les bénéfices du secteur bancaire chinois dès cette année, et de 17% d'ici cinq ou dix ans. Ce qui est peut-être un mal pour un bien : "Nos grosses banques ne sont guère capables d'innovation, nous avons un besoin urgent de la finance sur Internet pour les y pousser", estimait Liu Shengjun, directeur de recherche à la China Europe International Business School, dans un entretien accordé en juillet à l'AFP.

Christine Lejoux

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 10/09/2014 à 11:14
Signaler
allibaba nous montre l exenple a suivre , prete aux petit et rentable car il y a plus de petit que de gros, c est ce qui manque en france et en europes???

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.