Les vrais-faux rachats d’actions des géants américains de la high tech

Les grandes entreprises américaines ont racheté pour 338 milliards de dollars de leurs propres actions, au premier semestre. Mais, dans la high tech, ces rachats de titres bénéficient davantage aux salariés qu’aux actionnaires.
Christine Lejoux
Sur les 29 milliards de dollars de rachats d'actions effectués depuis 2009 par Microsoft, 18,8 milliards sont allées au rachat de titres émis dans le cadre de programmes de stock options. REUTERS.

 Une vraie corne d'abondance, en apparence... Les grandes entreprises américaines ont racheté pour 338 milliards de dollars de leurs propres actions, au premier semestre, selon le cabinet d'études Birinyi Associates. Du jamais vu depuis les six premiers mois de l'année 2007, juste avant l'éclatement de la crise des "subprimes" (crédits hypothécaires américains risqués). Et ce sont les géants de la high-tech qui se montrent les plus prodigues, Apple ayant racheté pour 32,9 milliards de dollars de ses propres titres en l'espace de six mois, talonné par IBM (19,5 milliards), Cisco Systems (9,9), Oracle (9,8), Microsoft (7,3) et Qualcomm (6,7).

Mais que leurs actionnaires ne se réjouissent pas trop vite : ils ne seront pas les principaux bénéficiaires de ces rachats d'actions, que les grands noms de la high-tech américaine utilisent désormais pour retenir leurs meilleurs éléments et pour flatter leur bénéfice par action, l'indicateur de rentabilité le plus regardé à Wall Street. En effet, aussi légendaires soient-ils, les noms de Microsoft et d'IBM font aujourd'hui bien moins rêver que ceux de Facebook ou de Google, sur les campus universitaires comme sur les marchés boursiers. Normal, la croissance des premiers est derrière eux, celle des seconds, devant.

Comment Microsoft évite d'afficher une hausse de 10% de ses charges

Aussi, afin d'éviter que leurs "cerveaux" ne succombent aux sirènes des start-up de la Silicon Valley, voire pour convaincre de jeunes diplômés de rejoindre un Cisco plutôt qu'un Twitter - sans pour autant donner à Wall Street l'impression qu'elles jettent l'argent par les fenêtres -, les vieilles gloires de la high-tech américaine ont adopté un mode de rémunération original. Elles distribuent massivement des stock options, qui permettent à leurs salariés d'acquérir à partir d'un certain moment des titres de l'entreprise à un prix prédéterminé et donc a priori avantageux, puis les leur rachètent dans le cadre de leurs programmes de rachats d'actions.

Ce faisant, les entreprises rémunèrent leurs collaborateurs de façon conséquente, sans pour autant que leur bénéfice par action s'en ressente, les sommes ainsi versées ne l'étant pas sous forme de salaire. Par exemple, au cours de son exercice 2013/2014 (clos le 30 juin), Microsoft a racheté pour 3,2 milliards de dollars de ses propres actions à ses employés, d'après les calculs de Bolko Hohaus, gérant chez Lombard Odier. Selon ce dernier, si cette somme avait été versée sous la forme de bonus, elle aurait provoqué une hausse de 10% des charges opérationnelles annuelles de Microsoft, ce qui aurait été du plus mauvais effet à Wall Street.

Des rachats d'actions "trompeurs" pour les actionnaires et les marchés

De fait, sans ce tour de passe-passe - au demeurant légal - consistant à racheter les actions émises dans le cadre de plans de stock options, plutôt que de verser des primes à ses salariés, Microsoft aurait vu son bénéfice par action croître de 5% seulement, au cours des cinq dernières années, au lieu de la progression affichée de 9%, estime Bolko Hohaus. Qui précise que, sur les 29 milliards de dollars de rachats d'actions effectués depuis 2009 par la firme de Redmond, pas moins de 18,8 milliards sont allées au rachat de titres émis dans le cadre de programmes de stock options.

Idem chez IBM, où la hausse des résultats aurait été de 8% sur les cinq dernières années, et non de 14%, ou encore chez Qualcomm, qui aurait accusé une baisse de ses profits, en lieu et place du bond de 15% dont le groupe se prévaut.

"Les entreprises qui gaspillent leurs capacités d'autofinancement dans ces rachats d'actions trompeurs feraient mieux d'utiliser leur cash pour verser des dividendes à leurs actionnaires ou investir en recherche et développement, ou encore pour financer des fusions et acquisitions",

gronde Bolko Hohaus. Pour qui les gloires passées de la high tech américaine doivent assumer de ne plus être des start up et, partant, renoncer à des plans de stock options qui n'ont de véritable sens qu'au sein de jeunes pousses promises à une forte croissance de leurs bénéfices.

Christine Lejoux

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Commentaires 2
à écrit le 25/09/2014 à 11:59
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on devrait se rejouir que les societes paient mieux leur personnel non ?

le 02/10/2014 à 17:27
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oui sauf que là il s'agit que de qque salarié bien placés, qui plus est on voit qu'il s'agit avant tout d'un jeu de passe passe pour tromper les chiffres, ce qui est un sport national aux USA!

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