Il aura fallu près d'an de travaux intensifs entre banquiers, assureurs et Bercy, et un feu vert de Bruxelles arraché aujourd'hui même, pour permettre au ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, de présenter son dispositif de prêts participatifs avec le soutien de l'Etat (PPSE).
Ce nouveau mécanisme de soutien aux entreprises, PME et ETI, complète les prêts garantis par l'Etat (PGE), qui avaient été lancés il y a un an, pour assurer la trésorerie face à l'arrêt brutal de l'activité économique. « Le maître mot de 2020 était la protection, celui de 2021 doit être l'investissement », a lancé Bruno Le Maire, lors de la conférence de présentation à Bercy. Car, c'est bien l'objectif, il s'agit de renforcer les quasi-fonds propres des PME et des ETI pour leur permettre, par effet de levier, d'investir pour nourrir la reprise qui se profile à l'horizon, et « retrouver un esprit de conquête ! ».
Le montant doit être à la hauteur de ces ambitions : 20 milliards d'euros seraient mobilisés d'ici au 30 juin 2022. « Le principe qui nous guide est la simplicité et nous avons un atout, le soutien de l'Etat qui apporte sa garantie », explique le ministre. Cette garantie porte sur 30 % de l'enveloppe, soit 6 milliards d'euros.
Pas d'effet sur la gouvernance
Cette enveloppe inclut à la fois les PPSE, qui seront distribués par les banques, à hauteur environ de 15 milliards d'euros, et des obligations subordonnées, qui seront commercialisées par les sociétés de gestion, à hauteur d'environ 5 milliards d'euros. Le taux d'intérêt de ces prêts ou obligations devrait osciller entre 4 et 5 %, pour une maturité de 8 ans. L'obligation est remboursable in fine à maturité.
Les montants qui peuvent levés sont plafonnés à 12,5% du chiffre d'affaires 2009 pour les PME et à 8,4% pour les ETI. Enfin, précision importante, ces quasi-fonds propres n'ont pas de de droit de vote et sont donc sans effet sur la gouvernance des PME. Autrement dit, l'Etat ne prend pas un ticket dans le tissu des PME françaises.
Un dispositif qui reste limité
Les entreprises qui ont déjà souscrit à un PGE sont éligibles, sans cependant que les critères d'éligibilités soient encore réellement clarifiés. Ce sera sans doute aux banques de sélectionner les candidats au PPSE. De facto, ce dispositif ne concernera que les entreprises en bonne santé financière et en croissance, avec chiffre d'affaires de plus de 2 millions d'euros (en 2019).
Selon les premières estimations, le PPSE devrait être souscrit par 7 à 10.000 entreprises et les obligations émises par environ 2.500 entreprises. Dans cet océan d'aides en toute genre, ce sera toute la difficulté de faire la différence entre ce qui relève de la solidarité nationale et de la sphère privée, avec ses critères de rentabilité.
« C'est un dispositif totalement inédit en Europe qui pourrait servir de modèles aux autres », s'est félicité Bruno Le Maire. « La réalité est que nous construisons des dispositifs, les prêts participatifs, qui fonctionnaient bien dans le passé mais qui n'existent plus à cause des règles prudentielles », s'amuse un grand banquier de la place.
D'autant que les nouvelles règles prudentielles imposeront aux banques de se recapitaliser à l'heure où ce sont surtout les entreprises qui sont à la recherche de fonds propres et de crédits. Les banques ne garderont cependant au bilan que 10 % de ces prêts et 90% du montant sera centralisé dans un fonds unique de place (à la demande des banques), sur lequel s'appliquera la garantie de l'Etat. Ce fonds sera géré par une société de gestion faitière en voie de constitution.
Banquiers et assureurs mobilisés
Une fois de plus, ce sont les banques qui seront au front pour accorder ces PPSE. « Ces soutiens aux entreprises suscitent beaucoup d'interrogation mais cette stratégie de pontage de l'économie fonctionne », souligne Philippe Brassac, président de la Fédération bancaire française (FFB). « Ce nouveau dispositif a pour vocation de répondre à des besoins qui ne trouvent pas actuellement de solutions adaptées », ajoute le banquier. « Le démarrage du dispositif risque d'être timide au début car les entreprises ont besoin de visibilité avant d'investir », nuance cependant un banquier.
Pour les assureurs qui seront les investisseurs du dispositif, cela reste une construction complexe à mettre en œuvre. Car il concerne l'épargne des Français, via les contrats d'assurance-vie. « Le point central est de permettre à l'investisseur d'apprécier le couple rendement-risque du fonds. La transparence est par conséquent un critère clé pour le bon fonctionnement de ce dispositif inédit. L'autre facteur de succès réside dans la diversification des risques de créance afin de d'assurer une bonne représentation des secteurs d'activité de "l'entreprise France" », souligne Florence Lustman, présidente de la Fédération française de l'assurance (FFA).
Mobiliser l'épargne des Français
Des discussions ont également lieu sur les règles prudentielles qui seront appliquées à ces parts de fonds. Les critères d'investissement des assureurs sont en effet largement conditionnés par les contraintes de solvabilité et, à ce titre, les parts de fonds non cotés sont particulièrement « chargés » en fonds propres. Le régulateur français, l'ACPR, devra prendre une décision officielle dès que le décret sera paru au JO.
L'objet est également de mobiliser l'épargne des Français au service du financement des entreprises. Le ministre a au passage exclut « toute taxation » de l'épargne excédentaire accumulée par les Français, qui devrait atteindre les 200 milliards d'euros à la fin 2021, selon la Banque de France. Bruno Le Maire a rappelé les avancées de la loi Pacte et « l'immense succès » du plan d'épargne retraite (12 milliards d'euros d'encours) et le regain d'intérêt des ménages pour la Bourse (800.000 comptes titres ouverts en 2020).
Mais le ministre devrait annoncer de nouvelles mesures pour faciliter la transmission de cette épargne excédentaire entre les générations.
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