Climate Finance Day : craintes de "greenwashing" pour la finance responsable

Alors que la place de Paris fête l’investissement socialement responsable (ISR) lors de la journée "Climate Finance", des voix de plus en plus nombreuses réclament davantage de transparence sur les méthodologies et les mesures d’impact. Même les conseillers en gestion de patrimoine, en contact direct avec les épargnants, se mobilisent pour dissuader les professionnels de la gestion de toute tentation de greenwashing.
Créé en 2016 par le ministère de l'économie, le label ISR recense aujourd'hui 786 fonds pour un encours de plus de 600 milliards d'euros.

L'ISR (investissement socialement responsable) est devenu, bon an mal an, un incontournable de la gestion Et le fameux « nous plaçons les critères ESG (environnement, sociétal et gouvernance, NDLR) au cœur de nos processus d'investissement » est le nouveau credo de toutes les grandes sociétés de gestion. Ce sera également le sens du Climate Finance Day, organisé ce mardi par la place de Paris au Palais Brongniart.

Tout le monde s'en félicite. L'investissement socialement responsable est considéré par beaucoup comme la planche de salut de la gestion active face à la montée inexorable de la gestion indicielle (qui bascule elle-même dans le verdissement). Et les clients, institutionnels comme particuliers, sont eux-mêmes demandeurs pour « donner du sens à leur épargne », dixit les professionnels de la gestion. Cet enthousiasme recèle pourtant son principal danger, celui d'une désillusion qui pourrait remettre en question des années d'efforts en faveur de la finance verte.

Chasser le doute

Car, après les convictions, des doutes commencent à poindre, ici ou là (surtout aux Etats-Unis), sur les méthodologies, les labels, l'impact réel de la finance verte, voire même, sur la sincérité de l'engagement du secteur financier.

L'enquête ouverte, cet été, par les régulateurs américains et allemands sur DWS, la filiale de gestion d'actifs de Deutsche Bank, soupçonnée d'avoir gonflé ses encours ISR, est en soi une sérieuse alerte pour les sociétés de gestion d'actifs (appelées "assets" dans le secteur) mais aussi leurs distributeurs. Il ne faut en effet jamais décevoir le client !

Le monde de la finance a parfaitement conscience des dangers du greenwashing. Les organisateurs du Climate Finance Day ne s'y sont pas trompés en plaçant cette édition 2021 sous le signe « c'est le temps de mesurer l'impact réel de la finance durable (it is time for a real impact) ». Même les conseillers en gestion de patrimoine (CGP), plus récemment convertis à cette problématique, commencent à donner de la voix pour mettre en garde sur les risques d'un verdissement de façade.

Nouvelle gouvernance pour le label ISR

C'est notamment le message délivré par Pascale Baussant, directrice de Bausant Conseil, connue dans le milieu pour son engagement en faveur de la finance responsable, engagement qu'elle doit défendre tous les jours face à ses clients. « L'ISR est victime de son succès. Nous nous plaignions hier d'une offre trop limitée et aujourd'hui, c'est l'inverse, face à une offre foisonnante et une conversion parfois soudaine des sociétés de gestion », regrette Pascale Baussant, même si elle se félicite de la prise de conscience de l'industrie financière.

Pascale Baussant vient d'ailleurs de faire son entrée dans le nouveau comité en charge du label français ISR, dont la gouvernance vient d'être totalement renouvelée par Bercy. On retrouve désormais à sa tête Michèle Pappalardo, haut-fonctionnaire respectée, passée par l'Ademe, le Commissariat au développement durable et le cabinet de Nicolas Hulot, alors ministre de la transition écologique sous la présidence de François Hollande. Cette remise en ordre fait suite à la publication, au printemps dernier, d'un rapport au vitriol de l'Inspection générale des finances (IGF) dénonçant sans ambages « la promesse confuse faite aux épargnants ».

Désormais, ce comité est moins dominé par les professionnels de la gestion et plus ouvert à des personnalités indépendantes ou des représentants des clients finaux (c'est-à-dire les épargnants). « La principale limite du label est son absence de graduation, notamment sur la question des énergies fossiles. Aujourd'hui, notre feuille de route est claire : améliorer le cahier des charges afin que le label ISR puisse être un gage de confiance pour le client final », explique Pascale Baussant.

Repérer les bons élèves

Pour Pascale Baussant, une bonne approche pour repérer les « bons élèves » de l'ISR est de vérifier la cohérence des stratégies d'investissement des sociétés de gestion d'actifs avec leur politique interne en matière d'engagement ESG (fondations, mixité...). C'est dans cet esprit que deux experts en gestion de patrimoine, Anne Delaroche (Delaroche Patrimoine) et Vincent Auriac (Axylia), ont pris une initiative originale pour créer un système simple de « notation » des « assets managers. »

L'approche de Clean Score repose sur trois piliers (liste des entreprises dans lesquelles sont investis au moins 50 % des encours, mixité sociale et philanthropie), autant de critères aisément mesurables. « L'idée n'est pas tant de sanctionner les mauvais élèves que de promouvoir les bons », nous confie Anne Delaroche.

L'opération repose sur une démarche volontaire des assets, à charge pour eux de répondre, ou non, au questionnaire. La société Eos Allocations, spécialisée dans le conseil auprès des CGP, met d'ailleurs au point une notation des sociétés de gestion d'actifs et leurs processus de gestion ISR, Ethyk Score, selon une approche similaire mais sur des critères plus nombreux (politique ESG de la société de gestion, politique de votes aux assemblées d'actionnaires...).

L'idée est également de mettre en exergue la société de gestion elle-même plutôt que ses fonds. En attendant peut-être un système de notation ISR reconnu de la place et appliqué aux sociétés de gestion, à l'image de ce qui se fait pour les entreprises.

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Commentaire 1
à écrit le 26/10/2021 à 9:22
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La volonté du gouvernement américain actuel de taxer les mégas riches, enfin, change la donne et peut transformer ce greenwashing actuel en véritable obligation pour les zombis financiers de se sortir les doigts du c. Et vu la faiblesse déplorable de...

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