Une année exceptionnelle. Tous les professionnels de l'immobilier le confirment : 2021 devrait battre les records de 2019, tant en volume qu'en production de crédits immobiliers.
« Nous nous acheminons vers une nouvelle année record du nombre de transactions », constate Pierre Chapon, fondateur du courtier en ligne Pretto. Même constat du côté des banques à la lumière de leurs résultats semestriels. Le leader du marché du crédit immobilier, Crédit agricole, a vu bondir sa production de 18% au premier semestre par rapport à la même période en 2019, à quelque 22,5 milliards d'euros.
De fait, la machine à crédit tourne à plein régime, y compris pendant la période estivale, traditionnellement plus calme. Selon la Banque de France, la production de crédit à l'habitat a même atteint un pic historique de 20,4 milliards d'euros en juillet dernier et le mois d'août s'annonce tout aussi porteur.
Appétit croissant pour l'immobilier
Les banques, y compris mutualistes, ont calmé le jeu avec les courtiers qui, avec leurs dossiers clés en main, permettent de soulager le travail des agences bancaires, remobilisées sur le crédit à l'habitat après avoir donné la priorité, l'an dernier, au financement des entreprises.
Ce boom de l'immobilier est nourri par des taux toujours exceptionnellement bas, autour de 1,12% en moyenne. Même avec ces niveaux de taux, les banques parviennent à dégager des marges, ne serait-ce que par l'emploi de dépôts, dont une partie reste rémunérée à des taux négatifs. Mais les taux n'expliquent pas tout. Il y a également un appétit croissant des Français pour l'immobilier, valeur refuge par excellence en ces temps incertains.
Du coup, les prix de l'immobilier continuent de grimper, du moins en périphérie de Paris et surtout dans les villes moyennes. Résultat, le montant emprunté grimpe tout autant. « Avec la hausse constante des prix, nous assistons à un alignement de l'enveloppe allouée au projet immobilier », souligne Philippe Taboret, directeur général adjoint du courtier Cafpi.
Les banques rentrent dans le rang
Au total, le marché du crédit immobilier ne semble pas avoir souffert des contraintes imposées aux banques par le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) sur l'octroi de crédit. Objectif : éviter tout risque de surchauffe et de surendettement des ménages.
Le premier tour de vis de décembre 2019 a été légèrement assoupli en début d'année pour s'arrêter sur le principe d'un taux de remboursement maximum de 35% des revenus consacrés (assurance comprise) et d'une durée maximale du crédit de 25 ans (27 ans pour le neuf). Les banques disposent cependant d'une marge de flexibilité, c'est-à dire qu'elles peuvent déroger à cette norme sur 20 % de sa production.
Cette norme a non seulement été confirmée ce mardi par le HCSF mais elle deviendra une règle à partir du 1er janvier 2022, c'est-à-dire juridiquement contraignante, et soumise à sanctions par le régulateur, en l'occurrence l'ACPR, en cas de non-respect. Ces sanctions seront précisées dans les jours qui viennent : elles seront sans doute d'ordre financières.
Il est vrai que jusqu'ici, les recommandations du HCSF étaient très diversement suivies par les banques. Mais des contrôles réguliers entamés ce printemps et renforcés cet été, et la perspective de sanctions, les ont conduit, pour l'essentiel des mutualistes, à rentrer progressivement dans les clous.
C'est du moins ce que constate le HCSF : la proportion des crédits immobiliers qui ne respectaient pas les recommandations est passée de 48 % au premier trimestre 2020 (ce qui veut dire que certains réseaux devaient dépasser allègrement les 60% de prêts non conformes, voire plus) à 20,9% en juillet 2021 c'est-à-dire dans l'épure de la marge de flexibilité accordée aux banques (20%). « L'ensemble des banques convergent vers la même norme sans nuire pour autant au dynamisme du marché », se félicite une source de Bercy.
Gravé dans le marbre
Pour les autorités, contrairement à ce que redoutaient certains professionnels, il n'y a pas eu d'effet d'éviction du crédit des ménages les plus modestes, dont la proportion reste stable dans le nombre de dossiers, ou des primo-accédants. D'ailleurs, il est prévu que les banques réservent aux primo-accédants au moins 30 % de son quota de 20 % de crédits hors de la norme. Et le contexte de taux reste favorable aux ménages les moins aisés qui compensent par un allongement de la durée du crédit et une hausse de l'apport personnel.
« Il y a désormais aucune raison de changer les paramètres d'une règle qui est bien installée dans le paysage et qui a fait ses preuves », souligne un proche du HCSF. En cas de remontée des taux, ce qui n'est pas pour demain, le HCSF pourrait en revanche revoir sa copie.
Pour l'heure, la seule catégorie de clientèle qui semble réellement pénalisée par ces règles sont les investisseurs locatifs, dont les revenus locatifs ne sont pas pris en compte dans le calcul du taux de remboursement (ou taux d'effort).
Le HCSF a en effet demandé aux banques de ne plus calculer l'endettement de ces investisseurs, selon la méthode du différentiel foncier, qui leur était très favorable. « La part de ces investisseurs ne cesse de reculer », confirme Pierre Chapon.
Ce dernier s'attend néanmoins à une deuxième partie d'année tout aussi dynamique. Reste à attendre 2022 pour voir si cette forte reprise de l'immobilier est pérenne. L'abondante épargne des Français, certes concentrée sur les ménages les plus aisés, pourrait donner un nouveau coup de fouet au marché.
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