Crypto : les régulateurs américains partent en guerre contre les entreprises du secteur

Aux Etats-Unis, la Sec et la CFTC, les deux régulateurs, menacent de plus en plus les plateformes d’échange de cryptomonnaies de sanctions. S’il s’agit d’une réponse consécutive à la faillite frauduleuse de la plateforme FTX, les acteurs du secteur craignent un fort ralentissement de l’industrie crypto outre-Atlantique. Une nouvelle qui pourrait bénéficier à la France, où la régulation est plus claire et moins piégeuse pour les entreprises.
Maxime Heuze
Gary Gensler, le président de la Securities and Exchange Commission (SEC), a fait de la régulation des plateformes d'échange de cryptoactifs son combat pour 2023.
Gary Gensler, le président de la Securities and Exchange Commission (SEC), a fait de la régulation des plateformes d'échange de cryptoactifs son combat pour 2023. (Crédits : REUTERS/Jose Luis Magana)

L'étau se resserre sur les entreprises du secteur des cryptoactifs. Après la faillite de la plateforme d'échange FTX, les régulateurs ont décidé de prendre le sujet des cryptos à bras-le-corps. Et pour cause, les problèmes que posent ces actifs numériques s'échangeant sur une blockchain sont nombreux.

« Les cryptos apportent un risque de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, mais aussi, et on l'a vu avec FTX, un risque de fraude, de manipulation de marché et de manque de liquidité », rappelle Nicolas Dufrêne, directeur de l'Institut Rousseau.

Pour rappel, la plateforme de Sam Bankman-Fried est accusé d'avoir prélevé illégalement des fonds de ses clients pour les investir sur sa propre cryptomonnaie, le FTT, avant de mettre la clé sous la porte suite à l'effondrement du cours de cet actif... Empêchant ainsi leurs clients de retirer leurs fonds.

Lire aussiCryptos : les premiers éléments qui expliquent la faillite de FTX

L'année 2023 sonne comme l'année du retour de bâton pour l'écosystème. Après avoir fait l'autruche pendant plusieurs années, la Commodity Futures and Trading Commission (CFTC) a déclaré la guerre aux plateformes d'échange. Elle a annoncé son intention de porter plainte contre le géant Binance, le 27 mars dernier.

Selon le régulateur américain, Binance aurait contourné volontairement la réglementation américaine en ne respectant pas les procédures de vérification d'identité, conformément aux exigences légales et aux réglementations en vigueur aux États-Unis («Know Your Customer»).

Cet événement n'est toutefois pas un cas isolé. La Security and exchange commission (Sec), l'autre grand gendarme de la bourse, avait déjà lancé des enquêtes et menacé de plainte d'autres plateformes, comme Kraken ou Coinbase. Concernant cette dernière, c'est l'activité de « staking », un instrument de rendement passif sur les cryptoactifs, qui est accusée de violations présumées des lois sur les valeurs mobilières. Pour mener à bien son combat contre les plateformes, Gary Gensler, le président de la Sec, a même demandé un financement additionnel de 2,4 milliards de dollars au congrès américain, le 30 mars dernier.

Un flou réglementaire

Toujours de l'autre côté de l'Atlantique, les entreprises du secteur assistent même, faute de règles écrites claires, à des querelles entre les régulateurs. Ces derniers se battent avec l'objectif que l'industrie crypto rentre dans leur giron. La CFTC a ainsi qualifié les cryptomonnaies de matières premières - qu'elle est censée réguler. De son côté, la Sec clame haut et fort qu'elle considère la plupart de ces actifs comme des titres financiers. Elle rétorque qu'il est donc en son pouvoir de les sanctionner.

Lire aussiFaillite FTX : la crainte de la contagion dans le monde des cryptos

Le gendarme de la bourse a même intenté en 2022 un procès contre la société Ripple, à l'origine de la cryptomonnaie XRP, dans le but de qualifier officiellement une première devise numérique de titre financier. En février dernier, la Sec a aussi lancé une enquête sur Paxos Trust Company, l'entreprise derrière le stablecoin (une cryptomonnaie qui réplique le cours du dollars) BUSD. Le régulateur accuse notamment la société de vente de titres non-enregistrés. Il lui a même ordonné de cesser l'émission aux Etats-Unis de son stablecoin, pourtant utilisé par de nombreux clients de la plateforme d'échange Binance.

« Toutes ces menaces des régulateurs créent beaucoup d'incertitudes outre-Atlantique, alors que les entreprises du secteur ont un vrai besoin de clarté réglementaire. Les acteurs américains laissent d'ailleurs entendre qu'ils sont inquiets et préviennent que cette course des régulateurs est néfaste pour cette industrie naissante aux Etats-Unis », observe Claire Balva, consultante indépendante spécialiste des cryptoactifs.

Un cadre « plus clair » en France

Si la guerre est déclarée chez l'oncle Sam, elle pourrait ne pas faire que des malheureux.

« On devrait s'en servir comme d'une opportunité. On voit déjà que des entreprises internationales choisissent de mettre leur siège européen en France et on peut anticiper que cette situation accélère », souligne Faustine Fleuret, présidente de l'Association pour le développement des actifs numériques (Adan).

Le coup de frein entamé aux Etats-Unis, jusqu'ici pionnier dans le développement de l'industrie crypto « pourrait permettre à l'Europe et la France de devenir une véritable terre d'accueil pour les entreprises de ce secteur », insiste-t-elle. L'entreprise américaine Circle, à l'origine du stablecoin USDC a annoncé vouloir établir son siège européen en France, le 21 mars dernier. Avant elle, Binance, mais aussi Crypto.com, a choisi Paris pour s'établir en Europe.

Si les entreprises internationales s'installent dans l'Hexagone, c'est justement parce que le pays se montre strict avec ce nouveau monde. « Contrairement aux Etats-Unis où il n'y a pas de réglementation écrite, chez nous, il y a un cadre clair depuis la loi Pacte de 2019 qui a mis en place le statut Prestataire de services sur actifs numériques (Psan). Cela apporte une véritable sécurité juridique », explique Rija Rameloarison, directeur conformité chez la société française de services d'investissement en cryptoactifs Meria.

Malgré un cadre juridique plus contraignant, Nicolas Dufrêne estime toutefois que le secteur n'est pas encore assez régulé en France.

« L'enregistrement n'est pas une garantie de pratique financière saine. L'agrément est une étape supplémentaire qui permet de contrôler les pratiques des entreprises, mais ce n'est pas obligatoire. Donc il y a une insuffisance manifeste dans la législation française », juge le directeur de l'institut Rousseau.

Le règlement MiCa attendu pour 2026

Pour éviter de connaître de nouveaux scandales, et s'assurer que les entreprises qui gèrent les fonds des français ne fassent pas n'importe quoi, le Parlement a proposé fin 2022 de mettre en place un enregistrement renforcé à partir de l'été 2023, avant de parvenir à un agrément obligatoire pour les nouveaux acteurs en 2024. Cette étape transitoire pour la mise en place du statut européen Fournisseurs de services de cryptoactifs (CASP) devrait entrer en vigueur en 2026, après le vote du règlement européen Market in crypto assets (MiCa)

« La proposition de l'enregistrement renforcé est arrivée un mois après l'affaire FTX et sera mise en place en juillet, donc c'est extrêmement rapide », souligne la présidente de l'Adan, Faustine Fleuret. Elle contraint les entreprises du secteur à fournir davantage d'efforts pour être sûres de pouvoir exercer leurs activités dans le futur.

« Le gros du travail, c'est de former les équipes aux nouvelles règles, changer les procédures, organiser un contrôle interne. C'est tout le fonctionnement interne de l'entreprise qui doit être modifié et c'est un travail titanesque », confie le directeur conformité de Meria.

Si tous les acteurs du secteur reconnaissent qu'une réglementation est nécessaire et bienvenue, l'Adan émet des réserves quant à la manière dont celle-ci sera mise en place. « Au sein de l'AMF, seulement entre 3 et 4 personnes sont chargées des sujets cryptos, donc la crainte de renforcer la réglementation, c'est que les autorités croulent sous les dossiers, et que les entreprises ne parviennent pas à obtenir leur agrément Psan à temps », redoute Faustine Fleuret.

Maxime Heuze

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 01/04/2023 à 18:36
Signaler
Une véritable politique monétaire ne saurait s'accomoder de mecanimes financiers parallèles non pilotés par elle. Quand on constate par ailleurs le niveau de volatilité absurde de cette pseudo monnaie, cela sert en priorité la spéculation soit les i...

à écrit le 01/04/2023 à 18:36
Signaler
Une véritable politique monétaire ne saurait s'accomoder de mecanimes financiers parallèles non pilotés par elle. Quand on constate par ailleurs le niveau de volatilité absurde de cette pseudo monnaie, cela sert en priorité la spéculation soit les i...

à écrit le 01/04/2023 à 9:12
Signaler
disons qu'il faut vite trouver des regles ultra neo bienveillantes, donc qui regulent ce sur quoi l'etat n'a pas la main......il faut dire que vu le niveau des dettes des etats, les trous dans le tuyau et ceux qui refusent de cooperer en financant ca...

à écrit le 31/03/2023 à 19:05
Signaler
Ben c'est formidable j'aime la CGT qui lutte contre tous les vilains capitalistes qui se goinfrent de dividendes et contre ces incapables du gouvernement qui sont méchants et j'aime bien critiquer et donner mon avis sur tout est n'importe quoi si y a...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.